Jemima Packington est une aspergomancienne.

Une personne qui lit l’avenir dans les asperges. Et attendez, pas n’importe lesquelles. Seulement celles qui poussent dans la vallée d’Evesham, dans le comté de Worcestershire, en Angleterre.

Sa technique ? Elle en prend une demi-douzaine dans sa main droite, les lance dans les airs et observe la façon dont elles retombent. Une fois au sol, les asperges créent des formes qui lui envoient des messages. Genre « les températures extrêmes deviendront la norme » ou encore « l’équipe d’Angleterre va gagner ».

Malheureusement, je n’ai pas ce don.

Ni celui de lire dans le marc de café ou les feuilles de thé.

Par contre, pour lire entre les lignes, je me débrouille plutôt bien.

J’ai donc réécouté la conférence de presse de Marc Bergevin de la semaine dernière. J’ai croisé ses citations avec celles qu’il a données à mon collègue Mathias Brunet, dans La Presse de samedi. Mises bout à bout, elles fournissent assez d’indices pour tracer les grandes lignes de la formation en 2020-2021.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Bergevin, directeur général du Canadien de Montréal


Quelques grandes lignes à retenir avant de passer aux projections : 

• Marc Bergevin envisage de « sacrifier cet été un élément en attaque pour du renfort en défense » ;

• Il qualifie le marché des joueurs autonomes de « mince » ;

• Il attend la recrue Alexander Romanov sur la troisième paire de défenseurs ;

• Il suggérera à l’espoir Cole Caufield de rester dans la NCAA ;

• Depuis qu’il est DG du Canadien, Marc Bergevin acquiert en moyenne quatre nouveaux titulaires par été et fait de la place à une ou deux recrues dans l’alignement.

ATTAQUANTS

Tomas Tatar – Phillip Danault – Brendan Gallagher
Jonathan Drouin – Nick Suzuki – Acquisition
Artturi Lehkonen – Jesperi Kotkaniemi – Joel Armia
Paul Byron – Jake Evans – Jordan Weal

La bonne nouvelle : le premier trio est terriblement efficace à 5 contre 5. Tatar, Danault et Gallagher occupent d’ailleurs les trois meilleurs rangs de la LNH pour l’indice Corsi (différentiel dans les tentatives de tir).

La moins bonne : ces trois joueurs entameront cet été la dernière année de leur contrat. Les réembaucher coûtera très cher. Entre 20 et 22 millions à partir de juillet 2021. Presque deux fois plus qu’actuellement (11,6 millions).

Que fera Marc Bergevin ? Il a indiqué qu’il allait négocier une prolongation de contrat avec « certains » de ses futurs joueurs autonomes. Et que si les discussions achoppaient, il « pourrait procéder à des changements ».

Pariez que le DG du Canadien n’abordera pas les trois dossiers de front. La signature de Brendan Gallagher sera prioritaire. À court terme, le Tricolore n’a aucun autre joueur capable de prendre sa place sur le premier trio. Cole Caufield « a encore du chemin à faire sans la rondelle », a commenté Marc Bergevin. 

Le DG a aussi souligné que, de nos jours, dans la LNH, les équipes retiennent les joueurs [autonomes] qu’elles veulent garder. Brendan Gallagher est l’âme du Canadien et le meilleur ailier droit disponible sur le marché en 2021. Il sera dans la formation le 1er octobre.

Phillip Danault ? Le Québécois ne s’en va nulle part. Lui aussi figure dans les plans de l’équipe à moyen terme. Probablement plus comme deuxième ou troisième centre, selon les progressions de Nick Suzuki et de Jesperi Kotkaniemi. 

Dans tous les cas, il restera devant Ryan Poehling, que Bergevin voit comme un troisième centre défensif « dans quelques années ». Jake Evans, que le DG a beaucoup vanté la semaine dernière, aura une chance d’obtenir le poste sur le quatrième trio au camp d’entraînement.

Reste donc Tomas Tatar.

Est-il l’attaquant dont Bergevin parle lorsqu’il évoque une transaction contre un défenseur ? Je ne pense pas. Tatar est le premier joueur du Canadien depuis Max Pacioretty, en 2014-2015, à se retrouver parmi les 25 meilleurs marqueurs du circuit si tard dans la saison. Les attaquants si productifs sont difficiles à trouver. 

Selon toutes vraisemblances, Marc Bergevin prendra son temps pour mieux l’évaluer avant de lui proposer une prolongation de contrat à long terme. Je m’attends à ce que le Slovaque soit dans l’alignement de départ en octobre.

Alors, quel attaquant pourrait être « sacrifié pour du renfort en défense » ?

Deux options crédibles : Jonathan Drouin ou Max Domi.

De Drouin, Bergevin indique qu’il « n’a pas encore atteint son potentiel maximum ». Habituellement, les DG sont frileux d’échanger ce type de joueur, de crainte de voir le jeune exploser ailleurs. Mais le Québécois aura bientôt 25 ans. Le Canadien l’a bien évalué. Les autres équipes aussi. Je devine que ses blessures cette saison ont réduit sa valeur sur le marché des échanges. Peut-être même trop au goût de Marc Bergevin, qui a intérêt à attendre.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Max Domi

On en vient donc à Max Domi. Il est le seul, parmi les autres joueurs, qui permettrait au Canadien d’acquérir un défenseur gaucher capable de jouer une vingtaine de minutes par match aux côtés de Shea Weber. Je crois qu’il sera l’attaquant sacrifié.

Enfin, il y a un poste disponible à droite sur la deuxième ligne. Pour qui ? Marc Bergevin s’est échappé dans son entrevue avec La Presse en affirmant qu’Ilya Kovalchuk « va être bon pour Romanov ». Comme si le retour du Russe était acquis. J’ai des doutes. On verra en juillet.

DÉFENSEURS

Acquisition – Shea Weber
Ben Chiarot – Jeff Petry
Alex Romanov – Brett Kulak/Cale Fleury/Acquisition

Le gros chantier de l’été. Marc Bergevin espère acquérir un moins un défenseur. Idéalement, cet arrière compléterait le top 4 avec Shea Weber, Jeff Petry et Ben Chiarot.

Quoi, Petry ne partira pas ? Non. Le manque de profondeur du côté droit de la défense le rend indispensable.

Sur la troisième paire, le DG du Canadien souhaite donner le poste à gauche à l’espoir Alexander Romanov. Il resterait donc une place de titulaire pour Brett Kulak, Victor Mete, Cale Fleury, Noah Juulsen et Xavier Ouellet. 

Kulak — gaucher — part avec une longueur d’avance, en raison de son expérience. C’est un défenseur plus complet que les autres. Si le Canadien veut absolument un droitier, il y en aura sur le marché des joueurs autonomes. Mais, de grâce, oubliez Alex Pietrangelo. Marc Bergevin ne consentira pas 22 millions par saison à trois défenseurs droitiers dans la trentaine.

GARDIENS

Carey Price
Acquisition

Une transaction impliquant Carey Price ? Rien ne le laisse croire. Cayden Primeau sera-t-il son adjoint ? Ce serait surprenant. Depuis une semaine, Marc Bergevin prêche pour une plus grande patience envers ses espoirs. La solution se trouve ailleurs dans la LNH.

DIRECTION

Marc Bergevin a déclaré à Mathias Brunet : « Je ne prendrai pas de décision à court terme pour bien paraître et faire mal à l’équipe à long terme. Peut-être que ça va me coûter mon poste, mais j’ai trop de respect pour [l’organisation]. »

Certains ont compris que le DG du Canadien sentait la soupe chaude. Ce n’est pas le cas. Au contraire. Le Canadien se prépare pour son repêchage le plus important des 25 dernières années. Il possédera quatre choix parmi les 60 premiers. Vraiment pas le bon moment de remplacer le capitaine.

Et Claude Julien ? Je l’ai défendu toute la saison. Je continue de croire qu’il n’est pas le principal responsable des insuccès de l’équipe.

PHOTO WINSLOW TOWNSON, ASSOCIATED PRESS

Claude Julien, entraîneur-chef du Canadien de Montréal

Maintenant, portez bien attention à la déclaration suivante de Marc Bergevin, dans La Presse de samedi : « Les Blue Jackets ont décidé de jouer en équipe et de porter une attention aux détails. Les joueurs doivent acheter la salade vendue par l’entraîneur et jouer de façon structurée, être prêts à sacrifier leurs statistiques personnelles pour le bien de l’équipe. Les bonnes équipes font ça. Et moi, j’y crois. »

Sous-entendu que les joueurs du Canadien n’ont ni acheté la salade du coach, ni joué de façon structurée cette saison.

C’est dommage. Un peu injuste, même. Mais j’ai bien peur que, dans son cas, les asperges soient déjà cuites.