(New York) Celle-là, Charles Hudon ne l’avait pas vue venir. Il était assis au banc et attendait son tour. Claude Julien avait déjà dit que son trio serait le prochain à sauter sur la patinoire.

Sauf que pendant que Phillip Danault et Brendan Gallagher travaillaient avec leur intensité habituelle en fond de territoire offensif, l’ailier gauche du trio, Tomas Tatar, s’est dirigé vers le banc. Tatar s’était blessé plus tôt dans le match et tentait un retour dans l’action. Retour qui n’a pas été convaincant puisque après 26 secondes, la douleur était trop vive.

« Je pense que Claude a fait le saut en le voyant revenir ! a raconté Hudon. On a fait un eye contact et il m’a crié d’y aller. Et puis la rondelle est arrivée sur mon bâton. »

Les rondelles sur le bâton de Hudon, dans la Ligue américaine, finissent généralement dans le filet adverse. Cette saison, il a marqué 27 fois en 46 matchs avec le Rocket de Laval. Mais dans la LNH, c’était plus compliqué. Jusqu’à ce juteux revirement du défenseur Devon Toews, qui lui a mis ça « sur le ruban adhésif », comme le dit tout joueur de hockey qui se respecte.

Hudon n’a pas raté sa chance. Son tir précis a battu Thomas Greiss, et ainsi a pris fin sa séquence de 29 matchs sans but. Un premier filet dans la LNH depuis le 10 novembre 2018.

C’est le retour du balancier. Si tu travailles fort, de bonnes choses vont t’arriver. C’était un bon coup de chance pour moi et c’est rentré, donc ça fait du bien.

Charles Hudon, un des artisans de la victoirede 6-2 du Tricolore sur les Islanders

On n’exagère pas en parlant de retour du balancier. Hudon a eu sa part d’occasions lors de ses rappels cette saison. Le Québécois a même eu droit à une audition en avantage numérique ces derniers matchs, mais la nervosité lui a fait commettre quelques impairs.

Alors oui, ce genre de but peut enlever un poids sur les épaules d’un joueur.

PHOTO ANDY MARLIN, USA TODAY SPORTS

« Ça fait du bien. Je dirais que depuis que je suis revenu ici, j’y vais plus positivement, a assuré Hudon. Le négatif, je le laisse de côté. Temps de glace, pas de temps de glace, je joue pour m’amuser et j’ai du fun quand je saute sur la patinoire. »

S’il y a un joueur qui a à gagner de cette fin de saison difficile chez le Canadien, c’est bien Hudon. Les blessés s’accumulent et les règlements limitent au minimum le nombre de rappels. Alors ce sont des occasions pour Hudon de démontrer qu’il peut être utile aussi dans la LNH, pas seulement dans la Ligue américaine. Que ça le mène à Montréal ou ailleurs, ultimement.

« Je suis content pour lui. Il le mérite, il travaille fort », a lancé Danault, à quelques casiers de celui de Hudon.

Roche, papier, ciseaux !

C’était une bonne soirée pour les Québécois à Brooklyn mardi, et on ne parle pas seulement de ceux qui ont profité de la semaine de relâche ET des billets offerts pour une quinzaine de dollars sur les sites de revente pour faire une virée à New York ! C’était vrai pour Hudon, mais pour Danault aussi.

Ça a commencé à l’échauffement. Un jeune spectateur dans la première rangée brandissait une pancarte disant : « Phillip Danault, un roche-papier-ciseaux pour un bâton ? »

« Il y en avait six, sept en tout. Sur une, c’était “Marie-moi, Danault !” », rigolait le numéro 24, après le match.

Bref, Danault s’est exécuté, et un intense duel de roche-papier-ciseaux a commencé de part et d’autre de la baie vitrée. « J’ai gagné le premier. Je devais en faire un autre, il fallait que je perde. J’avais peur de trop gagner ! » Bon perdant, Danault a respecté la demande de l’enfant et est allé chercher un bâton au banc des siens, qu’il a ensuite fait passer par-dessus la baie vitrée.

« C’est la deuxième fois que je donne un bâton comme ça dans la Ligue nationale. Je vais peut-être commencer à en donner plus souvent !

Je trouve ça cool ! Des fois, j’ai besoin de mes bâtons, mais aujourd’hui, j’en avais un de plus. C’est le fun d’interagir avec les partisans. Ils sont contents de nous voir. Et de voir mon nom sur une pancarte, c’était le fun !

Phillipe Danault

Danault a ensuite fait tout ce qui peut mener des partisans à écrire son nom sur des pancartes. Il a travaillé toute la soirée, a préparé les buts de Gallagher et de Jeff Petry en jouant avec son intensité habituelle, et a conclu le match avec deux passes et une fiche de + 2.

Les plus irrationnels diront que les dieux du hockey l’ont simplement récompensé pour sa bonne action. Les plus rationnels y verront plutôt un dénouement normal pour un joueur diablement efficace qui ne fait pas beaucoup parler de lui en dehors du marché montréalais.

Quoi qu’il en soit, des soirées du genre pourraient finir par lui coûter cher en bâtons !

Dans le détail

Blessure terrifiante

Johnny Boychuk a quitté le match en troisième période, après avoir été atteint au visage par le patin d’Artturi Lehkonen. Boychuk est rentré au vestiaire à toute vitesse, l’air paniqué, en se tenant le visage. Le patin a semblé l’avoir touché quelque part près de l’œil gauche et du nez. Il s’agissait d’un bête accident. Boychuk a donné une légère poussée à Lehkonen, mais le bâton du gardien Semyon Varlamov était dans les jambes de Lehkonen, qui est tombé vers l’avant, son patin droit partant vers l’arrière. Après le match, l’entraîneur-chef des Islanders, Barry Trotz, a indiqué que Boychuk était toujours évalué, et n’avait pas de détails à offrir sur sa situation. Selon le journaliste de Boston Joe Haggerty, Boychuk aurait été coupé à la paupière, et son œil en soi ne serait pas touché. Au moment d’écrire ces lignes, les Islanders n’avaient pas répondu à un courriel de La Presse demandant s’ils confirment l’information. Claude Julien a quant à lui texté Trotz, dont il est proche, afin d’avoir des nouvelles de Boychuk, qu’il a dirigé à Boston. « Tout le monde était inquiet dans le vestiaire. Plusieurs de nos joueurs le connaissent et c’est vraiment un bon gars », a dit Julien.

Six buts sans le meilleur !

Qui aurait parié sur une solide performance offensive du Canadien sans le concours de Tomas Tatar ? On a eu droit à ce scénario inattendu mardi. Tatar s’est blessé, possiblement dès sa deuxième présence, si on se fie à un extrait vidéo qui a circulé pendant le match. Le Slovaque a effectué une autre présence après ce coup, avant de rentrer au vestiaire. Il a tenté un autre retour en fin de première période, mais est retourné au banc après seulement 26 secondes. Julien a qualifié son retrait du match de « préventif » et ne semblait pas particulièrement inquiet. Tatar forme un trio drôlement efficace avec Phillip Danault et Brendan Gallagher depuis deux ans, mais il n’a pas semblé manquer à ses deux complices, puisqu’ils étaient sur la patinoire pour les trois buts du CH en première période ! Cela dit, un joueur qui compte 61 points en 68 matchs va forcément manquer à son équipe, s’il doit rater des matchs.

Que se passe-t-il à New York ?

Le 16 février dernier, les Islanders ont envoyé un premier indice de leur sérieux cette saison en faisant l’acquisition du défenseur vétéran Andy Greene des Devils du New Jersey. Huit jours plus tard, ils sacrifiaient deux choix de premier tour pour obtenir Jean-Gabriel Pageau des Sénateurs d’Ottawa. La sauce n’a toujours pas pris. Les New-Yorkais ont maintenant subi quatre défaites en quatre matchs depuis l’arrivée de Pageau. Les problèmes dataient toutefois d’avant cette transaction, puisque l’équipe présente une fiche de 2-6-2 à ses 10 derniers matchs, avec seulement 17 buts marqués. Pageau, généralement un poison contre le CH, n’avait pas sa superbe habituelle ; sa fiche de – 5 est un indice qui va en ce sens ! Il s’agit assurément d’une question d’adaptation ; quand Pageau sera à son aise, les Islanders déploieront une ligne de centre intéressante, avec un quatrième centre de luxe en la personne de Derick Brassard. Si ça peut consoler les partisans quiles huaient copieusement en deuxième période…

Ils ont dit

J’ai vu la reprise et ça fait peur. Je me sens terriblement mal. Je l’ai atteint avec mon patin au visage. J’espère que je n’ai pas touché son œil. J’ai senti immédiatement que je l’avais atteint au visage. Je me suis retourné et je ne savais pas comment réagir.

Artturi Lehkonen, à propos de la blessure de Johnny Boychuk

On riait un peu, moi et Phil [Danault]. Je pense que c’est notre première présence ensemble en trois ans et on a un but ! C’est le fun de voir ça. Avoir la chance de jouer plus, ça me donne plus de confiance.

Charles Hudon, au sujet de son but

On doit jouer avec plus d’acharnement. Si on n’en a pas assez, on ne peut pas gagner de matchs à ce temps-ci de l’année. On a eu exactement ce qu’on méritait.

Barry Trotz, entraîneur-chef des Islanders

La glace était aussi mauvaise, mais il y avait un peu moins de trous. Ça empirait rapidement. Mais quand on gagne 6 à 2, on oublie ça plus facilement !

Phillip Danault, au sujet de la qualité de la patinoire au Barclays Center

On se doutait qu’ils changeraient de gardien pour la deuxième période. On s’était dit que c’était important d’aller chercher le but suivant. Un bon effort, une belle passe d’Armia et un gros but de Paul Byron.

Claude Julien