(Kanata) À force de spéculer sur qui sera échangé ou pas, sur l’amour inconditionnel d’Ilya Kovalchuk pour Montréal ou sur la présence de Jordan Weal en avantage numérique, on en a fini par oublier qu’il y aurait un match entre le Canadien et les Sénateurs.

Brady Tkachuk s’est assuré de le rappeler aux deux équipes.

Le joueur des Sénateurs s’était donné la mission de sortir les visiteurs de leurs gonds, et il y est partiellement arrivé – parlez-en à Brendan Gallagher qui a jeté les gants devant un colosse qui n’est clairement pas dans sa catégorie de poids et de grandeur. Pas la meilleure idée de Gallagher, mettons.

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Mais surtout, il a semblé rallumer une flamme qu’on n’avait pas vu brûler, ou à tout le moins pas à ce point, depuis un bon moment chez les hommes de Claude Julien.

En deuxième période, las de le voir s’en prendre à ses coéquipiers, Carey Price a passé sa grosse mitaine au visage de Tkachuk, et les deux se sont empoignés, écopant du coup de punitions pour rudesse. Il fallait voir le sourire de Price après la séquence, de même qu’en troisième période lorsque Tkachuk a trébuché puis glissé doucement jusqu’au fond du filet.

« J’ai juste décidé de lui offrir une accolade », a ricané le gardien après le match.

Tkachuk a tenté d’en remettre en toute fin de rencontre en s’en prenant à Nick Cousins, et le fils de Keith s’est attiré les applaudissements sarcastiques de Max Domi en retraitant vers le vestiaire pour aller cuver la déconfiture des siens.

Domi n’avait pas envie de parler de Tkachuk après la rencontre. Claude Julien non plus, si ce n’est pour dire qu’il avait « fait son travail » et pour rendre hommage à ses joueurs qui ont été « assez intelligents pour ne pas tomber dans [son] piège ».

PHOTO FRED CHARTRAND, LA PRESSE CANADIENNE

Ben Chiarot (8) et Brady Tkachuk (7)

« On a eu le meilleur sur lui, a résumé Paul Byron. Il était fâché, car nos gars ont réussi à le provoquer. On s’attend à ce niveau d’émotion et de passion de sa part, et ça va continuer pendant longtemps. »

Car oui, si ce match avait eu lieu dans d’autres circonstances, par exemple entre deux équipes qui se préparent à jouer en séries éliminatoires, on aurait soupçonné la naissance d’une rivalité. Et pour une rare fois cette saison, on a senti que les joueurs du Tricolore étaient fin prêts à répondre coup pour coup aux attaques de l’adversaire.

Cette force de caractère n’a pas été la norme cette saison. Pas même cette semaine.

On va le prendre quand ça arrive, car ça leur va bien.

Byron s’éclate

S’il y en a qui n’en manque pas, de caractère, c’est bien Paul Byron.

Malgré son début de saison difficile avant de se blesser, son retour était attendu avec fébrilité dans le vestiaire du CH.

Contre les Sénateurs, on a vu à quel point le petit attaquant peut être une bougie d’allumage pour son trio lorsqu’il est en forme. C’est lui qui a remis la rondelle à Max Domi sur le premier but du match. Et il a lui-même marqué le troisième après une remise de Kovalchuk depuis le coin de la patinoire.

Pendant sa convalescence, Byron a eu du temps, beaucoup de temps, pour observer le jeu de ses coéquipiers à la télévision. « J’ai regardé tous les matchs, analysé les jeux. Je me demandais dans quels secteurs spécifiques je pouvais aider l’équipe : en attaque, en repli, foncer au filet… Ce sont de petites choses qu’on tient pour acquises, mais que je suis fier d’accomplir comme il faut. »

On ne saurait dire, comme Max Domi l’a suggéré, si Paul Byron est « le joueur le plus sous-estimé de la LNH ». Mais force est d’admettre qu’il a été un des principaux contributeurs à cette victoire de samedi.

Domi, justement : « Il est incroyable, j’adore jouer avec lui. C’est un guerrier. C’est le genre de gars qui te fait gagner. »

« Quand il patine, il a tendance à rendre ses coéquipiers meilleurs », a abondé Claude Julien.

Il ne faudrait pas non plus oublier Carey Price, qui n’a peut-être pas signé le jeu blanc le plus flamboyant de sa carrière, mais qui s’est dressé pour éteindre la menace chaque fois qu’elle s’est présentée. Il fera probablement faire des cauchemars à Connor Brown, qu’il a frustré trois fois au cours de la rencontre alors que le vétéran des Sénateurs était fin seul devant le portier du Canadien.

PHOTO MARC DESROSIERS, USA TODAY SPORTS

Max Domi (13) et Paul Byron (41)

« J’ai réalisé quelques arrêts, mais je n’étais pas le seul », a résumé sobrement Price.

C’est vrai, mais il mérite quand même sa part de reconnaissance, surtout constatant la charge de travail qui lui échoit. À Ottawa, il a disputé un 15e match sur les 16 derniers du Tricolore. Et avec la défaite gênante des Maple Leafs, le fossé entre le Canadien et les séries est momentanément réduit à six points. Du travail, il en aura encore jusqu’à nouvel ordre.

N’empêche, même si la victoire de samedi a été obtenue contre une équipe de fond de classement, et même si les chances d’une saison prolongée au printemps semblent infinitésimales, un match presque sans faute disputé avec autant d’intensité fait toujours chaud au cœur, qu’il y ait un lendemain ou non.

Car peu importe les soldats qui seront toujours de la bataille après l’heure limite des transactions, lundi après-midi, il restera toujours bien 18 matchs à jouer à cette saison-là. Aussi bien le faire avec un peu de fierté.

En hausse

Max Domi

Après 9 matchs sans marquer, il a offert une performance convaincante. Craig Anderson l’a aidé dans sa démarche, mais laissons-lui le mérite qui lui revient.

En baisse

Jonathan Drouin

Le courant ne passe pas beaucoup entre Nick Suzuki et lui. Et quand il se voit offrir des chances, le Québécois ne parvient pas à les convertir – par exemple après cette passe parfaite de Ben Chiarot en troisième.

6

C’est le nombre de tirs au but ajoutés à la fiche de Brett Kulak, soit trois fois et demie sa production moyenne par match (1,67) avant samedi soir.

Dans le détail

Chabot tombe au combat

PHOTO MARC DESROSIERS, USA TODAY SPORTS

Thomas Chabot (72)

Comme si cette saison-là pouvait encore être plus difficile pour les Sénateurs… À mi-chemin en première période, Thomas Chabot a passé un long moment au sol à grimacer de douleur après une mise en échec en apparence anodine de Brendan Gallagher. Il est ensuite rentré péniblement au banc et n’est pas revenu au jeu par la suite. En son absence, les autres défenseurs ont dû prendre les bouchées doubles, voire triples. Ainsi, Nikita Zaitsev a conclu le match avec 32 min 32 s de jeu, contre respectivement 26 min 9 s et 24 min 53 s pour les anciens du Tricolore Mike Reilly et Ron Hainsey. Il s’agit de sommets en carrière pour Reilly et Zaitsev. Ce dernier a en outre enregistré la sixième plus importante utilisation individuelle dans un match cette saison dans la LNH. Et après l’avoir vu galérer toute la soirée dans sa zone, on vous confirme que c’est trop pour lui.

Lehkonen fouetté

Claude Julien voulait envoyer un « message » à Artturi Lehkonen en le retirant de sa formation jeudi contre les Capitals à Washington. Message reçu. Le Finlandais a bondi des blocs de départ tel un animal sauvage et a été menaçant pendant tout le match avec ses compagnons de Nate Thompson et Nick Cousins. Lehkonen a notamment provoqué des murmures dans l’aréna lorsqu’il s’est moqué de Zaitsev au premier vingt et lorsqu’il est passé tout près de déjouer Craig Anderson en désavantage numérique en troisième période sur un tourniquet autour du filet. Comme il l’avait fait plus tôt dans la journée, son entraîneur a tenté de relativiser la pénitence imposée à son joueur. « Il est retiré un match et on dirait que c’est la fin du monde, mais ce ne l’est pas. Il y a beaucoup de joueurs qui ont à traverser ça. Tu essaies d’avoir son attention et d’en obtenir plus de lui et il a répondu de bonne façon ce soir », a dit Julien.

Retour réussi pour Alzner

On ne savait pas trop quoi s’attendre de Karl Alzner, rappelé d’urgence du Rocket de Laval vendredi soir pour pallier les blessures à Xavier Ouellet et à Victor Mete. Et Claude Julien s’était assuré de placer les attentes les plus basses possible en qualifiant son jeu de « raisonnable » cette saison dans la Ligue américaine. À sa première audition en plus d’un an dans la LNH, contre une équipe faible il est vrai, le défenseur a accompli du boulot plus qu’honnête en un peu plus de 16 minutes de jeu. Il était sur la glace pour le troisième but de son équipe. Questionné à savoir s’il était satisfait de la performance d’Alzner contre les Sénateurs, Julien a répondu : « Oui. » Avant d’ajouter chaleureusement : « Il n’y a personne qui m’a déçu ce soir. » Carey Price a été un peu plus loquace à propos d’un coéquipier qu’il « aime beaucoup ». « J’étais heureux pour lui. Il a toujours gardé une bonne attitude. Il s’est accroché et a bien joué à son retour avec nous », a dit le gardien.

Ils ont dit

Je suis certain qu’il est fier, mais il me reste encore beaucoup de chemin à faire. Il a joué plus de 1000 matchs en saison et [presque] 100 matchs en séries. Il place la barre haut.

Max Domi, sur le fait d’avoir dépassé son père Tie avec un 246e point dans la LNH

C’est un moment de l’année où les matchs deviennent plus serrés. C’est intense, la passion sort. On s’attend à ça [des Sénateurs], on aime jouer dur l’un contre l’autre.

Paul Byron

C’est assez impressionnant. J’imagine qu’il a eu du plaisir. Mais ça ne doit pas être facile de se faire envoyer dans la mêlée de cette façon.

Carey Price, à propos de David Ayres, 42 ans, envoyé d’urgence devant le filet des Hurricanes contre les Maple Leafs

On se rapproche [des Maple Leafs]. Il y aura des décisions à prendre d’ici mardi. Il faut continuer à jouer de la bonne façon. Il n’y a pas un seul athlète qui abandonnera. Personne ne voudra perdre des matchs. On n’a pas été élevé de cette façon. On veut gagner tous nos matchs.

Claude Julien

Je viens de payer 10 000 $ il y a moins d’une semaine. Tu essaies de me faire payer encore plus !

Claude Julien au collègue Pat Hickey, de la Montreal Gazette, qui lui avait demandé si Brady Tkachuk n’aurait pas dû écoper d’une punition pour avoir initié la bagarre contre Brendan Gallagher