Shea Weber est un titan. Un vrai. Il mesure 6 pi 4 po. Pèse plus de 230 livres. Ses bras, ses cuisses et ses épaules semblent sortir d’un moule de Rodin. Ses mains sont grosses comme des pattes de panda. Un de ses coéquipiers m’a déjà confié : « Avec Shea dans l’alignement, on grandit tous d’un pied. »

Mais comme le colosse de la légende, le capitaine du Canadien a un point faible.

Un pied d’argile.

En mars 2018, Shea Weber s’est fait opérer au pied gauche. Sa convalescence a duré huit mois. Cette fois, c’est sa cheville qui le fait souffrir. Une entorse. Absence de quatre à six semaines. Je devine que ce n’est pas agréable. Mais au moins, sa carrière n’est pas compromise, comme l’a suggéré mercredi l’ancien analyste de Sportsnet Nick Kypreos.

N’empêche, toute absence de Weber est inquiétante.

Car elle démontre à quel point le Canadien n’a pas de plan B.

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Depuis son arrivée à Montréal en 2016, Shea Weber est – avec Carey Price – un des deux piliers de l’équipe. Les chiffres le prouvent ; le Tricolore est une bien meilleure formation lorsque son capitaine est en santé.

Le Canadien avec Weber : 115-85-23 (,567)

Le Canadien sans Weber : 34-38-15 (,477)

Un écart de 90 points sur 1000. C’est énorme.

Son influence se fait sentir sur la patinoire, mais aussi dans le vestiaire. Comme me le confiait le DG Marc Bergevin cet automne : « Lui, c’est un “joueur de hockey”. Il fait des choses que le partisan ne voit pas. Nous, on voit ces choses-là. Son comportement, son attitude, sa personnalité. Regarde son passé avec Équipe Canada. Avec Nashville. C’est pour ça qu’il est capitaine ici. C’est ce profil qu’on veut amener le plus possible. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Canadien est une meilleure équipe avec Shea Weber dans son alignement. 

Sauf que des joueurs avec le talent et le leadership de Shea Weber, on n’en trouve pas 13 à la douzaine. Surtout pas parmi les défenseurs droitiers de l’organisation. Après Weber et Jeff Petry, c’est un peu le déluge…

> Christian Folin, 29 ans, vient de marquer son premier but de la saison. Mais il a été retranché 16 matchs de suite l’automne dernier avant d’aller faire un tour dans la Ligue américaine.

> Cale Fleury, 21 ans, est à Laval après avoir inscrit un point en 41 parties à Montréal. C’est le plus faible total parmi toutes les recrues de la LNH ayant disputé au moins 20 matchs cette saison.

> Noah Juulsen, 22 ans, est à l’écart du jeu depuis décembre. Sa carrière est en péril en raison de migraines récurrentes.

> Josh Brook, 20 ans, connaît une saison difficile à Laval. Il a même été utilisé comme 12e attaquant du Rocket au mois de janvier.

> Arvid Henrikson, 21 ans, appartient au Canadien, mais n’a pas signé de contrat. Il joue dans la NCAA et n’a compté qu’un seul but depuis 2017.

Les autres ?

Il n’y en a pas d’autres.

C’est tout.

D’accord, des gauchers peuvent jouer à droite. Brett Kulak, entre autres. Sauf que ce n’est pas optimal. D’abord, ça affaiblit la profondeur sur l’autre flanc. 

À l’exception d’Alex Romanov – toujours sans contrat –, les autres renforts sont encore à quelques années d’atteindre la LNH.

Vous aurez compris que Weber et Petry ne seront pas échangés la semaine prochaine. Présentement, ils s’avèrent indispensables. Sans eux dans l’alignement, le Canadien ne gagnera pas. Ni cette année. Ni la saison prochaine. Ni même les deux ou trois suivantes.

Maintenant, Weber aura 35 ans dans un mois. Il est souvent blessé. Petry a 32 ans. Il sera joueur autonome sans compensation en juin 2021. Le Canadien devra activer son plan B plus tôt que tard.

Ça pourrait passer par le marché des joueurs autonomes cet été. Le Tricolore profite d’un coussin de plusieurs millions sous le plafond salarial. Trois défenseurs droitiers capables de générer de l’attaque – Alex Pietrangelo, Sami Vatanen, Tyson Barrie – seront disponibles. Le Canadien s’est déjà intéressé à Vatanen, en 2017, lorsque ce dernier évoluait avec les Ducks d’Anaheim.

Marc Bergevin pourrait plutôt tenter d’acquérir un défenseur droitier à la date limite des transactions. Au Colorado, l’espoir Conor Timmins, 21 ans, se retrouve coincé derrière plusieurs titulaires de qualité. Le Canadien pourrait être tenté d’échanger un attaquant ou des choix pour obtenir du renfort à long terme.

Sinon, il reste le repêchage. Sauf que prenez votre mal en patience. Les défenseurs mettent plus de temps que les attaquants à s’établir dans la LNH. Seulement 25 arrières repêchés depuis 2016 ont disputé au moins 10 matchs cette saison. C’est moins d’un par équipe.

DÉFENSEURS DANS LA LNH PAR REPÊCHAGE
(Au moins 10 matchs joués cette saison)
2019 : 0
2018 : 5
2017 : 7
2016 : 13

Voilà pourquoi il est urgent que le Canadien renforce le côté droit de sa défense. Car si le pied d’argile de Shea Weber cède plus tôt que prévu, ce n’est pas juste le capitaine qui risque de tomber. C’est toute la défense qui pourrait s’écrouler.