La dernière fois que Ben Chiarot a marqué un but en avantage numérique, l’entraîneur-chef adverse était Bruce Cassidy. Le plus dangereux attaquant à surveiller, ce jour-là, s’appelait David Pastrnak. Le gardien que Chiarot tentait de protéger : Connor Hellebuyck.

Le hic ? Tout ce beau monde était dans la Ligue américaine. C’était le 9 novembre 2014, à l’occasion d’un duel entre les IceCaps de St. John’s – alors le club-école des Jets de Winnipeg – et les Bruins de Providence.

Chiarot n’a jamais été un spécialiste de l’attaque à cinq. Le colosse de Hamilton a inscrit 3 buts en 169 matchs dans ces circonstances dans la Ligue américaine ; 5 en 229 matchs dans la Ligue junior de l’Ontario. Et évidemment, zéro en 360 matchs dans la Ligue nationale.

Il est donc étonnant de voir Chiarot aux commandes de l’une des deux unités de l’avantage numérique du Canadien depuis deux matchs. Sauf pour le joueur lui-même.

« C’est souvent moi qui remplace l’attaquant qui revient au banc quand il reste 10 ou 15 secondes à nos avantages numériques. Donc, j’en ai vu un peu. Mais c’est la première fois que je dois m’occuper des sorties de zone, nous aider à nous installer en zone adverse. »

J’ai davantage de choses à apprivoiser, mais je devrais y arriver avec l’expérience.

Ben Chiarot

Chiarot en parle comme s’il était un habitué, mais les chiffres indiquent qu’il s’agit d’une véritable nouveauté pour lui. Dans les deux derniers matchs, l’Ontarien a joué 4 min 59 s en avantage numérique. Dans ses 358 matchs précédents ? Très exactement 19 min 38 s.

Alors oui, c’est du nouveau, et ça vient avec des apprentissages. Même à 28 ans.

« Tu penses que t’as plus de temps à la ligne bleue, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Il peut y avoir un gars qui te fonce dessus. Quand tu ne joues pas en avantage numérique, tu ne vois jamais ce genre de pression. Tu dois comprendre d’où vient la pression, où les gars sont démarqués, quelles sont tes options avec la rondelle, quand tirer, quand passer. C’est comme écouler les pénalités : si tu ne l’as jamais fait, tu ne sauras pas où te tenir, comment placer ton bâton. Ce sont les petits détails que je dois apprendre », reconnaît-il.

Une expérience différente

On l’a dit et redit : en passant des Jets au Canadien, Chiarot vit une panoplie d’expériences qu’il ne vivait pas à Winnipeg, où la profondeur du groupe de défenseurs était – jusqu’à l’été dernier – assez renversante.

Pendant les cinq saisons de Chiarot dans la capitale manitobaine, Dustin Byfuglien, Tobias Enstrom, Tyler Myers, Jacob Trouba et Josh Morrissey ont tous été, une année ou une autre, des employés permanents à la ligne bleue pour les unités d’avantage numérique.

« Même dans la LAH, je ne jouais pas beaucoup en avantage numérique, car ils me formaient pour que je devienne un défenseur défensif, qui allait jouer en infériorité numérique. C’est un élément du jeu que je n’ai pas eu à faire depuis longtemps. Évidemment, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire, et je suis content de le faire. »

Il faudra voir dans quelle mesure il le fera. Samedi, le CH a seulement eu deux avantages numériques, et Jeff Petry a joué 3 min 19 s à 5 contre 4, ne laissant que 41 secondes à Chiarot.

Pour longtemps ?

Pour un joueur de 225 lb, Chiarot démontre une belle agilité sur patins. Dimanche, au concours d’habiletés du Canadien, il a terminé au deuxième rang de l’épreuve du tir le plus puissant avec une frappe à 103,8 milles à l’heure. Voilà deux outils qui l’aideront à tenir son bout en avantage numérique. C’est sans oublier ses 7 buts cette saison, déjà un sommet personnel pour lui, même s’il reste 25 matchs à disputer.

Il sera intéressant de voir où l’expérience le mènera. Chiarot est placé dans cette situation en l’absence de Shea Weber, blessé au bas du corps. Le Canadien a initialement parlé d’une absence d’au moins une semaine, le temps que l’enflure parte et qu’on en sache plus sur la blessure. Dimanche, Weber a simplement été présenté à la foule et n’a pas participé aux exercices.

La présence de Chiarot en avantage numérique constitue toutefois un autre rappel des limites de Victor Mete. Défenseur productif dans les rangs juniors, patineur fluide, Mete a théoriquement le profil pour remplir ce rôle en relève.

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Victor Mete

Mais à 21 ans, à sa troisième saison dans la LNH, le petit numéro 53 voit ses responsabilités réduites, son temps d’utilisation moyen passant de 17 min 46 s l’an passé à 16 min 5 s cette saison. En avantage numérique, Mete jouait en moyenne 84 secondes par match à sa première année, 19 secondes l’an dernier et un chiffre négligeable (3 secondes) cette saison.

Quand on sait que Chiarot est déjà surchargé de travail, puisqu’il joue plus de 23 minutes par match, on devine que Claude Julien aurait préféré offrir cette responsabilité à autrui. Dans un monde idéal.

Mais le Canadien qui se bat pour revenir dans la course aux séries éliminatoires, c’est tout sauf un monde idéal. L’équipe amorce cette énième semaine cruciale à cinq points des Maple Leafs de Toronto et de la dernière place donnant accès aux éliminatoires.

Dans les circonstances, il faut donc s’attendre à voir Julien s’appuyer sur ses hommes de confiance au maximum. Ça devrait donc se traduire par beaucoup de Petry et de Chiarot, peu importe les situations.