L’attaquant des Oilers entre en zone des Maple Leafs, mais sa course s’arrête net lorsque le défenseur Tyson Barrie, qui ne fait pourtant que 5 pi 11 po, l’envoie violemment sur la glace.  

Qu’à cela ne tienne, le tout petit ailier se relève, reste dans l’action et se fait oublier derrière le même Barrie. Lorsque la rondelle aboutit sur la lame de son bâton, il n’hésite pas et l’envoie dans la partie supérieure du filet.

Le but qu’a inscrit Kailer Yamamoto lundi soir à Toronto illustre magnifiquement de quoi le jeune homme est capable. À 5 pi 8 po, il est le plus petit joueur de la LNH. À 153 livres, il est aussi le plus léger. Cela ne l’empêche pas de plonger tête première dans la circulation lourde. Avec un certain succès, car le voilà désormais sur le deuxième trio des Oilers, au côté de Leon Draisaitl et de Ryan Nugent-Hopkins.

« Je joue avec énergie », a simplement résumé Yamamoto en mêlée de presse mercredi après l’entraînement des Oilers au Centre Bell. La troupe de Connor McDavid sera le prochain adversaire du Canadien ce jeudi soir.

Ce thème de l’énergie reviendra d’ailleurs à plusieurs reprises au cours de l’entrevue et sera repris quelques minutes plus tard l’entraîneur Dave Tippett. « Ce n’est pas un gros bonhomme, mais il joue dur », a dit Tippett de Yamamoto.

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L’entraîneur chef des Oilers, Dave Tippett

À preuve : les 13 mises en échec à sa fiche en seulement 4 matchs.

« Il est rapide, intelligent, tenace, énumère Tippett. Notre équipe est meilleure grâce à lui. »

Nugent-Hopkins a fait la même analyse de son compagnon de trio.

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Ryan Nugent-Hopkins (93)

« Même s’il se fait brasser, il va batailler pour la rondelle et remporter cette bataille. C’est vraiment amusant de jouer avec lui. »

Et tant pis pour son petit gabarit.

« L’important est d’être fort sur ses patins et sur son bâton, estime Nugent-Hopkins. La grandeur donnera une plus grande portée à un défenseur, mais pour un attaquant, je ne crois pas que ce soit un facteur de nos jours. »

« Aussi étrange que ça puisse paraître, les petits joueurs ont un accès plus rapide au filet, analyse Tippett. Les gars plus gros vont défier le défenseur devant eux physiquement. [Yamamoto] va plutôt les contourner. Ce n’est pas plus mal ! »

En dents de scie

La question des choix de première ronde passionne le public montréalais. Les partisans des Oilers ont eux aussi été échaudés.

Il faut dire qu’ils ont eu droit au meilleur — McDavid et Draisaitl —, mais aussi au pire. Nail Yakupov, en 2012, a sans doute représenté le plus grand échec du repêchage de la dernière décennie et Jesse Puljujarvi, 4e choix au total en 2016, boude présentement en Finlande.

La sélection de Yamamoto au 22e rang du premier tour en 2017 a laissé plusieurs observateurs songeurs. Surtout que cet Américain natif de l’État de Washington n’a rien cassé à ses premiers coups de patins chez les Oilers. Il a d’ailleurs été retourné aux Chiefs de Spokane, dans la Ligue de hockey junior de l’ouest, après neuf matchs dans la LNH à l’automne 2017.

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Kailer Yamamoto lors de son repêchage, en 2017

Il a obtenu une seconde chance avec le grand club la saison dernière, mais ses deux points en 17 rencontres n’ont fait rêver personne.  

Cette saison, a été cédé au club-école de la Ligue américaine après le camp d’entraînement de l’équipe albertaine. A posteriori, le principal concerné constate que ce renvoi a été excellent pour lui. Il avait subi une chirurgie au poignet pendant l’été et devait encore peaufiner son jeu. 

Appel attendu

Le 29 décembre, il a toutefois reçu l’appel qu’il attendait depuis un bon moment. Les Oilers n’avaient signé que 4 victoires en décembre et ils avaient désespérément besoin de renfort en attaque.

À la veille du jour de l’An, il était en uniforme contre les Rangers. Ces derniers se sont retrouvés devant un déficit de 6-0, mais ont marqué cinq fois de suite pour réduire l’écart à un seul but. Tippett a envoyé Yamamoto sur la glace alors que les Blue Shirts avaient retiré leur gardien. Le jeune homme a intercepté une passe dans sa zone, relancé l’attaque et conclu la séquence avec un but dans le filet désert pour terminer l’année 2019 en beauté.

Contre le Canadien, le joueur de 21 ans disputera seulement son cinquième match de la saison. Cela ne l’empêche pas de déborder de confiance. Selon lui, cette fois sera la bonne et il compte bien prouver qu’il a sa place à temps plein dans la LNH.

« Chaque jour, je me sens plus à l’aise, dit-il. C’est mon troisième passage avec l’équipe, je connais les gars et je sais à quoi m’attendre. »

Son entraîneur le confirme : « Ça se voyait dès qu’il est arrivé. Ce n’est pas un jeune gars qui ne sait pas comment ça fonctionne. Il a plus d’expérience. S’il continue de bien jouer, il aura sa chance. »

De cette chance, il saisira chaque minute. Depuis son rappel, il a inscrit trois points et les Oilers n’ont pas perdu en temps réglementaire. Il s’éclate avec Draisaitl et Nugent-Hopkins — « c’est facile, ils ont constamment la rondelle ! » —, sourit en permanence, rit avec ses coéquipiers sur la glace.

De l’énergie, Kailer Yamamoto en a décidément à revendre. Et sa présence offensive stabilise le top-6 des Oilers, trop souvent complété par le plombier du moment. 

Ce n’est peut-être pas la meilleure des nouvelles pour le Canadien.

« LE » but encore à l’honneur

Il fallait être bien caché au cours des derniers jours pour ne pas avoir vu LE but de Connor McDavid inscrit lundi à Toronto.

Presque immobile devant Morgan Reilly, le numéro 97 s’est mis en marche sans crier gare avant de battre de vitesse son couvreur et de déjouer le gardien Michael Hutchinson d’un tir dans la partie supérieure du filet.

Mercredi, McDavid a encore été interrogé sur ce jeu hors du commun. Il a convenu qu’il s’agissait d’un « moment spécial » pour lui, d’autant plus qu’il était survenu devant parents et amis. Son entraîneur a été moins posé. « C’était Connor qui faisait ce que Connor sait faire, a dit Dave Tippett. Sa vitesse avec la rondelle est exceptionnelle. Ses changements de rythme aussi. »

Alex Chiasson, qui dispute sa deuxième saison avec les Oilers, a pour sa part affirmé qu’il s’agissait du plus beau but auquel il avait assisté dans sa carrière. « Il nous surprend tous les jours, a dit le Québécois. Et il ne fait que s’améliorer. »