Lorsque les Jets de Winnipeg ont lancé leur saison 2018-2019, l’équipe manitobaine comptait sur l’une des plus puissantes brigades défensives de la LNH.

Dustin Byfuglien, Jacob Trouba, Josh Morrissey, Tyler Myers, Ben Chiarot et Joe Morrow étaient tous en uniforme pour le match inaugural à St. Louis. L’histoire ne gardera pas un souvenir impérissable de Morrow, mais le top 5 était un dosage quasi parfait de tout ce dont peut rêver un entraîneur en matière de gabarit, de talent, d’habiletés offensives et de fiabilité défensive.

Un an plus tard, lorsque les Jets ont disputé leur premier match de la saison 2019-2020, seul Morrissey avait toujours un avion de chasse militaire et une feuille d’érable cousus à son chandail.

La refonte à laquelle cette équipe a été forcée l’été dernier a été pour le moins spectaculaire, si ce n’est inégalée. Myers et Chiarot ont profité de leur autonomie complète pour aller tenter leur chance ailleurs, Trouba a été échangé aux Rangers de New York (à sa demande) et Byfuglien, à ce jour, est encore à la maison, embourbé dans un nébuleux conflit avec son équipe.

Il restait donc Morrissey, à qui on a accordé un contrat de huit ans qui entrera en vigueur en juillet 2020. À 24 ans, et avec seulement trois saisons complètes d’expérience dans la LNH, il est devenu par la force des choses la pierre angulaire de la défense. Un « A » est en outre apparu sur son chandail.

La Presse a pu s’entretenir avec le défenseur à la veille de l’affrontement entre les Jets et le Canadien à Montréal. Patient et posé, le jeune homme a le verbe facile, mais on comprend rapidement que ce n’est pas par ses hauts cris qu’il impose le respect.

« Ce n’est pas pour rien qu’il est notre assistant capitaine », confirme Neal Pionk, arrière obtenu en échange de Trouba. 

Son leadership s’exprime d’abord par ses actions sur la glace, et il fait un travail incroyable. On se fie énormément à lui.

Neal Pionk

« Il a pris la défense en main, mais en réalité, c’est un leader pour toute notre équipe », enchaîne l’attaquant Patrik Laine.

Un peu gêné par ces éloges, Morrissey rétorque qu’il est encore jeune et qu’il souhaite seulement « devenir meilleur et aider l’équipe à gagner ». « Chacun apporte du sien », ajoute-t-il.

« Après tout, des gars comme Luca Sbisa et Dmitry Kulikov ont bien plus d’expérience que moi… »

Il finit tout de même par concéder qu’il a reçu comme un « honneur » le rôle qui lui a été confié. « Je voulais cette responsabilité. Je souhaite continuer à grandir dans ce rôle », dit-il.

Reconstruction

La tâche de remodeler ainsi une unité défensive n’est pas mince.

Il y a d’abord eu le choc d’absorber tous les départs à la ligne bleue. « Certains de ces gars étaient mes meilleurs amis, raconte Morrissey. J’avais beau être content qu’ils saisissent des occasions ailleurs, j’étais quand même triste de les voir partir. Ça fait partie du business, j’imagine. »

Pendant plus de deux saisons, Morrissey avait été jumelé à Trouba. La perte de ce dernier a été particulièrement douloureuse. « Ça prend du temps, bâtir une symbiose qui fait en sorte que tu peux savoir, 99 % du temps, où ton partenaire va se trouver, sans même avoir à regarder », analyse-t-il.

Cette saison, on lui a assigné Tucker Poolman, dont c’est la première campagne complète dans la LNH. « Depuis un mois et demi, je dirais que ça va très bien pour nous », poursuit Morrissey.

PHOTO SERGEI BELSKI, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Tucker Poolman

L’entraîneur-chef des Jets mentionne d’ailleurs le nom de Poolman comme sa plus grande surprise de la première moitié de saison. « On a vu son jeu évoluer au cours de ces 41 premiers matchs, relate Paul Maurice. On ne le traite certainement pas comme un jeune joueur. Il joue comme un vétéran. »

Ironiquement, d’ailleurs, Poolman est de presque deux ans l’aîné de Morrissey. Il a disputé trois saisons complètes à l’Université du Dakota avant d’alterner entre la Ligue américaine et la LNH au cours des deux dernières années.

Autrement, Pionk, dont le nom emballait peu les partisans au moment de la transaction qui l’a amené à Winnipeg, a pourvu avec brio l’un des postes de quart-arrière en avantage numérique laissés vacants par Byfuglien et Trouba.

Morrissey et lui disputent désormais plus de 23 minutes par match chacun, soit trois de plus que quiconque en défense. « Je ne savais pas à quoi m’attendre, je voulais seulement jouer ici et faire ce que je fais de mieux », rappelle Pionk.

« Tous les gars se sont levés pour remplir des rôles-clés, dit-il encore. On ne se soucie pas qu’un gars soit dans le top 4 ou le top 6, qu’il joue en avantage ou en désavantage numérique. N’importe qui peut entrer dans la formation et donner un coup de main. »

Bigarrée

Ajoutez à cela des vétérans comme Sbisa, Kulikov ou encore Nathan Beaulieu, et vous obtenez une brigade bigarrée, mais qui réussit à garder la tête hors de l’eau.

« Ils ont fait de l’excellent boulot, estime le gardien Connor Hellebuyck. Tout le monde s’est présenté au camp dans un état d’esprit bien spécifique, car il fallait apprendre à se connaître rapidement et créer une chimie. Ça s’est bien passé dans les matchs hors concours et on a pu voir les résultats dès les premiers matchs de la saison. »

Les Jets traversent une séquence malheureuse de seulement 3 victoires à leurs 10 derniers matchs, ce qui inclut la défaite gênante de 6-2 contre le Canadien le 23 décembre dernier.

Malgré tout, après 42 matchs, l’équipe a accordé seulement 9 buts de plus que la saison dernière. L’attaque a aussi connu des ratés, mais les Manitobains demeurent au plus fort de la course pour les séries éliminatoires dans l’Ouest, ce qui n’est pas si mal considérant cette revisite de fond en comble de la défense.

« D’un point de vue compétitif, je suis très, très heureux du travail qu’ils ont abattu, dit Paul Maurice. Chaque soir, ils donnent tout ce qu’ils ont. »

« Je pense qu’en tant que groupe, on a réussi à batailler dur et à rendre la vie difficile à nos adversaires sur la glace, conclut Morrissey. Bien sûr, ça demande des ajustements. Apprendre à jouer tous ensemble, ça prend un peu de temps. Mais on y arrive. Ça s’en vient. »