(Winnipeg) « Personne n’est parfait, tout le monde fait des erreurs. Des fois, tu as juste besoin que quelqu’un t’ouvre une porte. »

Pascal Vincent n’est pas dupe. Des erreurs, Émile Poirier en a fait. Mais le jeune homme s’est repris en main depuis quelques années, et chez le Moose du Manitoba, l’entraîneur-chef Pascal Vincent et le directeur général Craig Heisinger croient aux deuxièmes chances.

C’est pourquoi Poirier, ancien choix de premier tour des Flames de Calgary, dont la carrière a déraillé après des débuts prometteurs, file le parfait bonheur au sein du club-école des Jets.

« Ma blonde est venue me rejoindre, on est installés ici depuis deux ans. Elle travaillait au gouvernement fédéral à Ottawa, donc elle s’est fait transférer ici. C’est parfait. Elle va travailler le matin, je vais à l’aréna. C’est le fun ! », raconte Poirier, rencontré après un match du Moose, juste avant Noël.

Vaincre ses démons

La carrière de Poirier démarre en trombe. Repêché par Calgary au 22e rang en 2013, il enchaîne avec une campagne de 43 buts chez les Olympiques de Gatineau. Ses débuts professionnels, en 2014-2015, sont tout aussi fructueux : 42 points en 55 matchs chez les Flames de l’Adirondack, une invitation au match des étoiles de la Ligue américaine et un rappel dans la LNH qui lui permettent d’y disputer six matchs.

Mais il est rattrapé par des problèmes de consommation au point qu’il quitte subitement le club-école des Flames, en mars 2017, pour des « raisons personnelles ». Au camp de développement, l’été suivant, Poirier dévoile aux médias ses problèmes de dépendance.

Un tel passé peut être lourd à traîner dans le petit milieu du hockey professionnel. À l’été 2018, il se retrouve donc sans contrat, même s’il vient de connaître une campagne de 31 points en 65 matchs avec le Heat de Stockton. C’est là que le Moose lui offre un contrat d’essai (un « PTO »).

PHOTO FOURNIE PAR LE MOOSE DU MANITOBA

« Mais je me suis cassé la jambe en décembre, après 24 matchs ! raconte Poirier. Cette année, je suis revenu avec un PTO et ils m’ont ensuite fait signer un contrat de la Ligue américaine. J’adore ça, ici. Les coachs et le directeur général, c’est beaucoup grâce à eux que je suis ici. J’irais à la guerre pour eux. Et je pense que je le fais. »

Ils voulaient vraiment me donner une autre chance de repartir à neuf et c’est ce que j’apprécie le plus. Ils voulaient me laisser jouer. La façon dont ils m’ont accueilli, dont ils me traitent, après tout ce qui s’est passé… Ce sont des personnes incroyables, pas juste au hockey, mais aussi à l’extérieur.

Émile Poirier

« On le fait parce qu’on croit que des gens ont besoin d’une deuxième chance, affirme Vincent. On croit que si tu soutiens une personne dans de bonnes conditions, cette personne-là peut atteindre des niveaux qu’elle n’a jamais atteints par le passé. Par expérience aussi… Notre directeur général était très proche de Rick Rypien dans le passé. »

Rypien, rappelons-le, était cet homme fort des Canucks qui s’est donné la mort à l’été 2011, après avoir connu de nombreux épisodes de dépression. Rypien a amorcé sa carrière professionnelle chez le Moose, qui était alors la filiale des Canucks. Il a fait la navette entre les deux organisations tout au long de sa carrière. Après sa mort, Heisinger est devenu porte-parole d’un projet lancé en l’honneur de Rypien, qui vise à encadrer les jeunes aux prises avec des troubles de santé mentale.

« Craig est très sensible face à certaines situations », souligne Vincent.

Et la LNH ?

Émile Poirier profite de sa chance jusqu’ici. Ses statistiques ne sont pas ahurissantes (6 buts et 4 passes en 30 matchs), mais sa présence est notée dans l’entourage de l’équipe. Un détail anodin : pendant le match du 22 décembre, à Winnipeg, une vidéo promotionnelle mettant en vedette cinq membres de l’équipe était diffusée à l’écran géant. Il y avait un joueur dans chaque coin de l’écran et au milieu, c’était le charismatique Montréalais, au centre des interactions.

« C’est une inspiration pour beaucoup de gens, sa façon d’agir tous les jours, sa façon de se préparer, d’interagir au quotidien. Il est apprécié dans le vestiaire », affirme Vincent.

Malgré le long détour qu’il a pris, Poirier espère retourner un jour dans la LNH. À 25 ans, près de quatre ans après son dernier match dans la grande ligue, il est loin d’avoir dit son dernier mot.

PHOTO FOURNIE PAR LE MOOSE DU MANITOBA

« C’est mon but premier. C’est ce que je voulais en arrivant ici et c’est encore ce que je veux. Je sais que je suis rendu plus vieux dans ma carrière, mais je ne veux jamais arrêter d’y croire. Si tu n’y crois plus, ça ne donne plus rien. Je crois encore en moi-même et je pense que je pourrai y arriver. »