Le plus grand fan de Cayden Primeau se trouve possiblement derrière le banc du Rocket de Laval. Joël Bouchard n’a que de bons mots pour son jeune gardien. Mais c’est également lui qui s’émeut le moins de ses performances étincelantes avec le Canadien cette saison.

« Le bruit ne me dérange pas vraiment », a tranché Bouchard, quelques minutes à peine après que son équipe, menée par 26 arrêts de Primeau, eut malmené les Marlies de Toronto 6-1 samedi dernier.

Ce « bruit », c’est bien sûr l’engouement instantané qu’a suscité le passage de Cayden Primeau chez le Canadien. Un passage d’à peine 12 jours pendant lesquels le gardien de 20 ans a été scruté sous toutes ses coutures par les médias et les partisans. On a analysé son style, sa technique, son tempérament. Son gabarit et son calme olympien rappellent Carey Price, que les plus passionnés étaient déjà prêts à échanger pour mieux couronner son dauphin.

Primeau a atteint le zénith le 11 décembre lorsqu’il a signé sa première victoire et reçu la première étoile de la rencontre. Les partisans dans les gradins, chauffés à bloc, l’ont remercié à grands cris. Après le match, il n’a même pas enlevé son équipement avant de parler aux journalistes. Il semblait flotter sur un nuage, peinant un peu à croire à ce qui lui arrivait.

Trois jours plus tard, il était rétrogradé à Laval, tandis que Charlie Lindgren faisait le chemin inverse. Dans les heures qui ont suivi, Primeau a accordé 5 buts sur 32 lancers dans une défaite amère de 5-0 contre Rochester. Match suivant, à Utica : 5 autres buts, cette fois sur 24 lancers, dans un revers de 5-3.

Les « Primeau ! Primeau ! » du Centre Bell semblaient soudain bien loin.

« C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de hauts et de bas au cours des dernières semaines, mais je ne veux pas me laisser aspirer par ça », a dit le jeune homme après sa victoire de samedi contre Toronto.

Je ne me soucie pas vraiment du nombre de buts que j’accorde, je veux seulement donner une chance à mon équipe de gagner et m’améliorer chaque jour.

Cayden Primeau

Lorsque Marc Bergevin a rencontré les médias à Vancouver, au début du récent voyage du Canadien dans l’ouest du pays, il a expliqué que pour l’heure, l’équipe préférait voir Primeau recevoir des rondelles à Laval plutôt que suivre les exploits de Carey Price du bout du banc.

Le principal concerné affirme pour sa part qu’au moment de son renvoi, on ne lui a pas vraiment exposé les plans que l’équipe avait à son égard. Jouer beaucoup à Laval ou un peu à Montréal, « il y a du pour et du contre dans les deux situations », constate-t-il.

Il affirme être « dans le moment présent » et essayer de « ne pas regarder trop derrière ni trop en avant ».

« C’est encore plus profond que match par match : j’y vais lancer par lancer », dit-il.

Indulgence

Joël Bouchard est le premier à saisir la situation que vit son protégé. À son avis, « il faut être indulgent envers le jeune s’il revient ici et qu’il est un peu mêlé ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Joël Bouchard, entraîneur-chef du Rocket de Laval

« Il faut se mettre dans ses souliers, lui parler, ajoute-t-il. Ça ne veut pas dire de le traiter différemment, mais de comprendre ce qu’il vit. »

Bouchard, tout de même, insiste : à ses yeux, Primeau est un projet à « long terme ». « Je suis complètement ailleurs que les partisans », lance-t-il.

On s’assure de prendre les bonnes décisions avec lui et de les lui expliquer. J’adore Cayden : j’adore l’être humain, le compétiteur, son potentiel de gardien de but. Mais je suis probablement celui qui est le plus dans le processus du développement à long terme. Je ne suis pas à la minute près.

Joël Bouchard, entraîneur-chef du Rocket de Laval

Dès le début de la saison, et même après que Primeau eut remporté 7 de ses 10 premiers matchs chez les professionnels, Bouchard avait prévenu que le jeune homme, aussi bon soit-il, allait connaître des passages à vide. D’ailleurs, fait-il remarquer, le gardien avait aligné deux défaites de suite avant d’être rappelé par le Canadien, accordant chaque fois cinq buts.

« Et ça va recommencer encore », prédit Bouchard, qui souligne tout de même à quel point Primeau est un bon élève, envers qui il n’a « aucune inquiétude ».

Contre les Marlies, samedi, Primeau ressemblait drôlement au gardien qu’on a vu pendant son court passage chez le Canadien. Imposant devant son filet, il semblait en pleine possession de ses moyens.

La veille, il était venu en relève de Keith Kinkaid en troisième période d’un autre duel contre les Marlies. Entré dans le match avec un déficit de 3-2, il n’a reçu que deux lancers et n’a accordé aucun but. La défaite est allée à la fiche de Kinkaid.

N’empêche, le Rocket continuera, jusqu’à nouvel ordre, l’alternance dans l’utilisation de ses gardiens.

« Je ne changerai pas le plan en ce moment », martèle Bouchard une nouvelle fois.

Il faudra résolument beaucoup, beaucoup plus de bruit pour l’ébranler dans ses convictions.