Bien sûr, il y a cette première victoire en carrière de Cayden Primeau, au Centre Bell de surcroît. Eh oui, évidemment, il y a ce premier but en prolongation de Ben Chiarot à son 337e match dans la LNH. Et cette victoire de 3-2 du Canadien, une troisième de suite. Mais nous y reviendrons.

Car il y a ce caillou qui ne semble pas vouloir s’extraire de la chaussure de Claude Julien. Cette source d’agacement et d’inquiétude qui ne se tarit pas.

Max Domi a connu une deuxième période atroce mercredi soir. Une autre. Une période au cours de laquelle les visiteurs ont donné trois supériorités numériques au Canadien, ce qui a permis au numéro 13 de prendre possiblement toutes les mauvaises décisions imaginables.

À cinq contre quatre, Domi télégraphie une passe vers Jeff Petry. Il plonge pour garder en zone adverse la rondelle interceptée, mais il échoue et regarde les Sénateurs détaler à deux contre un.

Quelques instants plus tard, à quatre contre trois, il envoie une rondelle sautillante vers Tomas Tatar, seul à la ligne bleue. Ce dernier ne peut la maîtriser et le Canadien doit retraiter dans sa zone. Ça arrive, nous direz-vous.

Or, sur la relance de l’attaque, Domi tente deux jeux individuels qui passent tout près de se transformer en autant d’interceptions des Sénateurs. Piteux, le joueur de centre rentre au banc et s’y assoit, la tête entre les mains.

On se doutait que ça ne tournait pas rond pour lui. Il ne reste plus de doute pour personne.

Pourtant, et c’est là le grand paradoxe de cette histoire, Domi a été l’un des principaux artisans de la victoire des siens. En première période, il a profité de l’espace que lui ont laissé ses opposants pour appliquer à la lettre les rudiments du tir-passe en direction de Nick Cousins, qui a fait dévier la rondelle derrière Anders Nilsson. Et en prolongation, c’est sa récupération de rondelle dans sa zone et sa passe parfaite qui ont permis à Chiarot de sceller l’issue de la rencontre.

Le cas de Max Domi n’est pas le sujet favori de Claude Julien. Encore mercredi, après le match, il s’est fait expéditif lorsqu’on lui a demandé comment il comptait aider son joueur à bâtir sur ces succès, pour retrouver le meilleur de Domi et en chasser le pire.

« On va continuer de travailler avec lui, faire de la vidéo. C’est tout ce qu’on peut faire », a tranché Julien.

Plus nuancé, Shea Weber a fait remarquer que la séquence victorieuse dont profite enfin l’équipe relativise l’importance des problèmes de son coéquipier.

« Il n’est pas mauvais, a-t-il insisté. Bien sûr, on veut que chaque gars soit productif et qu’il nous aide, mais ça n’arrivera pas en forçant les choses d’une manière ou d’une autre. »

« C’est un joueur important pour nous, il crée beaucoup en attaque, tout spécialement avec les blessures de Paul Byron et de Jonathan Drouin. C’est important de le voir produire » de la façon dont il l’a fait mercredi, a ajouté Ben Chiarot.

Ce l’est d’autant plus que, hormis le travail acharné du premier trio, l’attaque du Canadien n’est pas exactement en feu. Nick Cousins et Joel Armia ne semblent pas savoir que faire des rondelles distribuées par Nick Suzuki, et Nate Thompson doit composer avec le carrousel d’ailiers de la Ligue américaine — quoique son unité avec Ryan Poehling et Riley Barber a donné du mal aux Sens, mercredi.

Les vrais héros

Nous y voilà donc, aux vrais héros de cette rencontre.

En haut du podium, Cayden Primeau. En toute honnêteté, on aurait cru voir Carey Price devant le filet, si bien sûr on faisait abstraction de sa vingtaine de livres en moins et de son contrôle de rondelle qui n’égalera sans doute jamais celui de son partenaire.

D’un calme olympien, le grand gaillard déploie une fluidité impressionnante vu son gabarit. Après deux périodes, on se demandait bien comment les Sénateurs, malgré leurs nombreux lancers, arriveraient à percer sa muraille.

Même lorsque l’avance de 2-0 a été effacée et que l’égalité a été créée, il n’a pas bronché.

« Je savais que [les Sénateurs] pousseraient fort. Je voulais seulement garder mon équipe dans le match », a raconté le gardien de 20 ans après le match.

« Jouer à trois contre trois peut faire peur, mais je faisais mes affaires, je me concentrais seulement sur le lancer suivant », a-t-il poursuivi.

Sans surprise, une première victoire, à la maison en plus, c’est un moment spécial qui n’arrive qu’une fois.

« C’est une chose à laquelle on rêve, a-t-il encore dit. Les gars ont été incroyables. La foule aussi. Il n’y a pas de mot pour décrire ce sentiment. »

Julien a souligné qu’il n’avait perçu aucune nervosité chez le jeune homme, et que sa bonne tenue allait forcer le groupe d’entraîneurs à considérer la possibilité de lui confier davantage de matchs — bref, à se rapprocher du plan établi l’été dernier pour alléger le fardeau de Carey Price.

« C’est une question qu’on se pose à l’interne », a résumé Julien.

À la blague, Chiarot, auteur du but en prolongation, a dit que Primeau avait bien mérité l’épée remise au joueur du match dans le vestiaire, mais qu’il devrait « sans doute la partager avec lui », a-t-il dit en riant.

C’est un peu vrai, car Chiarot a conclu d’une manière parfaite une soirée de travail colossale, passée à appuyer l’attaque avec efficacité malgré une charge de presque 6 minutes en désavantage numérique.

Son brio et celui de ses coéquipiers en défense n’ont pas échappé au regard de Claude Julien.

Chiarot, Weber et Jeff Petry « nous en donnent beaucoup », a reconnu l’entraîneur.

Mais surtout, son équipe « trouve le moyen de gagner ».

C’est pas mal tout ce qui compte à ce point-ci, conviendrons-nous. Surtout quand on se rappelle combien ça semblait impensable il n’y a pas si longtemps.

Dans le détail

Un jeu que Poehling va revoir dans sa tête…

Personne ne s’attend à ce que Ryan Poehling en mette quatre dedans à chaque soir comme il l’a fait à son premier match au Centre Bell, en fin de saison dernière, mais on s’attend probablement à ce que Poehling lui-même s’attende à marquer. Enfin, quelque chose comme ça. C’est d’ailleurs passé bien près lors de la troisième période, quand le jeune attaquant s’est retrouvé dans l’enclave avec un but grand ouvert, mais le gardien Anders Nilsson lui a volé son moment. Il s’agissait du premier match de Poehling depuis son rappel de Laval, et il n’a pas obtenu de point en 9:48 de temps de jeu. En cinq matchs avec le Canadien cette saison, il n’a toujours pas réussi de point. « C’est difficile, un résultat comme celui-là, parce que je croyais bien avoir marqué ! C’est difficile parfois, la rondelle ne va pas exactement où on le voudrait. Je n’ai pas joué tellement parce qu’il y a eu beaucoup de pénalités, mais notre trio a quand même connu un bon match, je dirais. »

La première de Primeau

Avec tout ça, Cayden Primeau a déjà obtenu sa première victoire dans la LNH, à seulement son deuxième départ. Au final, le jeune gardien de 20 ans a réussi cet exploit en faisant face à 37 tirs de la part des Sénateurs et en réussissant 35 arrêts. Il a connu un début de soirée assez tranquille mais a été beaucoup plus occupé par la suite, surtout en fin de match. Il a fait savoir qu’il a été moins nerveux cette fois-ci. « Je l’ai été à mon premier match lors des premières minutes de jeu, a-t-il expliqué. Cette fois, ça allait. C’est comme si c’était un tout autre match pour moi, assez différent du premier. Je connais mon rôle, je suis ici pour aider l’équipe. Quand je suis devant le filet, je dois donner à mon équipe une chance de gagner, et quand c’est Carey Price qui est devant le filet, je deviens le plus grand partisan de cette équipe ! Je suis encore en train d’apprendre comment ça fonctionne dans cette ligue. » Un peu plus tard, Nick Cousins a dit de lui qu’il s’était « tenu debout sur la tête », ce qui veut dire, finalement, qu’il a très bien joué.

Tkachuk contre Weber

Brady Tkachuk est un joueur somme toute assez intense, et c’est ce que le Canadien semble constater à chaque fois, en particulier Shea Weber, qui l’a souvent dans la face. Cette fois, Weber a fini par perdre patience lors de la deuxième période, à la suite d’une mêlée devant le filet de Cayden Primeau, et il a bien tenté d’arracher la tête à Tkachuk, mais sans succès. Le joueur des Sénateurs, il faut bien le dire, a connu une grosse soirée, avec un but et ensuite une aide sur le but égalisateur, celui de Connor Brown. « Il est un très bon joueur, a reconnu le gros défenseur du Canadien au terme du match. Nous avons eu cette mêlée tous les deux devant le filet, il est entré en contact avec notre gardien et j’ai voulu le repousser. Mais il a connu une bonne soirée pour son équipe et il a réussi plusieurs bons jeux pour eux. »

Ils ont dit

Ben Chiarot

« C’est bien de marquer le but de la victoire en prolongation, ils nous avaient battu en prolongation la dernière fois, alors c’est bien de se venger un peu. Et puis quand le coach te fait confiance, en retour, ça permet de gagner en confiance. On peut me donner plus de responsabilités, et c’est ce que je veux. Je veux jouer contre les meilleurs et être quelqu’un sur qui on peut compter. »

Cayden Primeau

« Ça peut faire peur, la prolongation à trois contre trois, alors j’ai seulement voulu continuer à jouer à ma manière, me concentrer sur le prochain tir. Et c’est fou l’ambiance qu’il y a ici, c’est incroyable d’être appuyé de la sorte. C’est dur de décrire ça. »

Ryan Poehling

« J’essaie seulement de m’amuser ici et de profiter de chaque instant avec cette équipe. Je suis ici pour apprendre à devenir un professionnel. »

Nick Cousins

« Cayden Primeau nous a donné une chance de gagner. C’est difficile de jouer contre une équipe comme les Sénateurs, qui n’a rien à perdre. Sur mon but, le jeu, c’est Max [Domi] qui l’a préparé avant le match. Il a fait un beau jeu. »

Claude Julien

« Ça fait partie de notre stratégie, de voir nos défenseurs se porter à l’attaque comme Ben Chiarot le fait. Dans la LNH de nos jours, les attaques s’organisent souvent à quatre, avec un défenseur qui appuie le jeu. Je ne sais pas si on savait vraiment que Ben était capable de jouer comme ça, mais c’est une belle surprise. »

En hausse

Ben Chiarot

Un but gagnant bien mérité au terme d’un match où il s’est impliqué dans toutes les phases du jeu.

En baisse

Otto Leskinen

Brady Tkachuk lui a fait vivre un match infernal. Le but égalisateur des Sénateurs le hantera longtemps.

Chiffre du match

9 min 18 s

Presque la moitié de la deuxième période a été disputée par les unités spéciales. Pas une recette géniale pour insuffler du rythme à un match.