On se doutait qu’il s’agissait d’une quête ardue chez le Canadien. Mais à ce point ?

À son premier match dans la LNH mardi soir, Otto Leskinen est devenu le 10défenseur employé à Montréal cette saison, et le 15e gaucher depuis le départ d’Andrei Markov pendant l’été 2017. Il s’agit d’un roulement de personnel bien au-dessus de la moyenne de la LNH, révèle une compilation de La Presse.

Depuis son entrée en poste, le directeur général Marc Bergevin a souvent répété son credo : « On n’a jamais assez de défenseurs. »

Il a sans doute raison. Mais compter sur beaucoup de défenseurs n’est pas une finalité en soi : encore faut-il réussir à en réunir au moins six avec lesquels l’entraîneur sera à l’aise de travailler.

Quelque chose clochait depuis le début de la saison, et l’idée s’est renforcée depuis que Victor Mete manque à l’appel : Claude Julien ne semble pas à l’aise avec le groupe d’arrières à sa disposition. En fait foi l’utilisation intensive de son top 3 – plus de 23 minutes par match pour Ben Chiarot, presque 24 pour Shea Weber et Jeff Petry. Chiarot et Weber ont même flirté avec les 30 minutes, et les ont parfois dépassées, au cours de la dernière semaine.

À l’évidence, Julien n’a pas encore trouvé la combinaison gagnante sur sa troisième paire. Derrière Weber, Petry, Chiarot et Mete, six défenseurs se sont disputé les deux postes restants au cours du premier tiers de la saison.

À droite, Cale Fleury gagne en confiance, mais à sa première campagne dans la LNH, on peut présumer qu’il aurait sauté son tour à quelques reprises si d’autres candidats se battaient pour son poste.

Or Christian Folin ronge son frein depuis le 19 octobre. On l’a même envoyé dans la Ligue américaine à des fins de conditionnement. Si Noah Juulsen, choix de première ronde de l’équipe en 2015, était en santé, il aurait sans doute eu sa chance. Mais il est ennuyé par des maux de tête depuis un bon moment.

C’est toutefois à gauche que la situation est la plus confuse. Déjà, avant la blessure de Mete, Julien jonglait avec ses gauchers, faisant essentiellement alterner Mike Reilly et Brett Kulak selon les besoins du moment – Reilly, plus offensif, a notamment été employé en avantage numérique. Or à la lumière des récents rappels de Gustav Olofsson et d’Otto Leskinen, on déduit que Reilly n’est plus dans les bonnes grâces de son entraîneur. Et ça nous donne une idée d’où se situent les vétérans Karl Alzner et Xavier Ouellet dans la hiérarchie.

PHOTO AARON DOSTER, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Quinze défenseurs ont été employé du côté gauche à Montréal depuis le départ d’Andrei Markov, en 2017.

Instabilité à gauche

Le Canadien dispute actuellement une troisième saison depuis le départ d’Andrei Markov.

Or, non seulement le Canadien a multiplié les tentatives de trouver un partenaire approprié pour Shea Weber sur le premier duo, mais c’est tout le flanc gauche qui nage dans l’instabilité, depuis que le Russe n’y est plus.

Une compilation de La Presse révèle que depuis le début de la saison 2017-2018, les 31 équipes de la LNH ont utilisé en moyenne 9,9 défenseurs gauchers. Le Canadien en a employé 15, soit au moins 2 de plus que quiconque.

Nombre de défenseurs gauchers employés depuis 2017
1. Montréal 15
2. Ottawa 13
2. Colorado 13
2. Chicago 13
5. Winnipeg 12
Moyenne LNH : 9,9

Le facteur des blessures pourrait être invoqué, mais le Tricolore a été relativement épargné la saison dernière et encore cet automne. Quoi qu’il en soit, c’est Shea Weber, un droitier, qui a raté le plus de matchs chez les défenseurs au cours des deux dernières années.

À gauche, Bergevin a trouvé une valeur sûre en Chiarot, mais malgré tout ce que celui-ci peut apporter sur la patinoire, on peut se demander s’il tiendra le rythme auquel il est actuellement soumis. Il a montré des signes de fatigue à New York en écopant de deux punitions.

Mete continue de s’établir comme un défenseur efficace. Et Brett Kulak vient de connaître son meilleur match de la saison contre les Rangers, après un début de campagne chancelant qui tranchait avec sa fiabilité de 2018-2019.

Mais on le répète : l’absence de Mete trahit toute la fragilité et la précarité de cet assemblage.

En fait, depuis deux saisons et un tiers, c’est avec Jordie Benn que l’équipe a trouvé le plus de régularité, quoique personne ne le confondra avec un candidat au trophée Norris. Sinon, les expériences ont été nombreuses, mais rarement heureuses, pour réunir trois gauchers potables.

Malgré son faramineux contrat, Karl Alzner a été envoyé à Laval la saison dernière. Momentanément, on a cru que Mike Reilly avait été volé au Wild du Minnesota, qui l’a laissé filer pour un choix de cinquième ronde. Avec les carences défensives qu’il montre et alors que le club rappelle de jeunes défenseurs inexpérimentés plutôt que de le faire jouer, on peut se demander combien de matchs il disputera encore avec le Tricolore.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Karl Alzner

David Schlemko n’a fait que passer, Joe Morrow et Brandon Davidson aussi. On a misé sur le potentiel offensif de Jakub Jerabek, mais il a été refilé aux Capitals après 25 matchs. Xavier Ouellet est désormais étiqueté comme un joueur de la Ligue américaine.

Enfin, il y a eu les coups de vent Rinat Valiev et Mark Streit.

47 défenseurs en huit saisons

Si le lecteur averti en vient à perdre le compte, il peut se consoler : depuis l’entrée en poste de Marc Bergevin au printemps 2012, le Canadien de Montréal est l’équipe qui a vu le plus de défenseurs défiler sur ses feuilles de match.

En date de samedi matin, 47 joueurs avaient patrouillé à sa ligne bleue, à gauche ou à droite, une donnée largement supérieure à la moyenne de 35,1 du circuit – nous avons exclu les Knights de Vegas de ce calcul puisqu’ils ne se sont joints à la ligue qu’en 2017.

Nombre de défenseurs employés depuis 2012
1. Montréal 47
2. Edmonton 44
2. Buffalo 44
4. Toronto 42
5. Chicago 40
Moyenne LNH : 35,1

C’est l’équivalent de presque huit brigades complètes, soit une par saison en moyenne.

Au cours de cette même période, seulement quatre autres équipes ont aligné 40 défenseurs ou plus. À l’autre extrémité du spectre, les Islanders de New York n’en ont vu passer que 26.

Malgré un échantillon de matchs limité, le Canadien fait encore partie des meneurs à ce chapitre cette année. Seuls les pauvres Red Wings en ont utilisé davantage (11).

Claude Julien continue en outre de jongler avec ses combinaisons. Vendredi, à New York, les duos Kulak-Weber et Chiarot-Petry ont passé la majorité de la soirée intacts, mais en troisième période, les cartes ont été allégrement battues.

Il n’y a pas vraiment de combinaison fixe en ce moment. On commence une période avec quelqu’un, des choses arrivent, par exemple une pénalité, et tout le monde se retrouve à jouer avec tout le monde.

Ben Chiarot, après la rencontre de vendredi

« Dans un monde idéal, on aimerait jouer avec le même gars à chaque présence, affirme Chiarot, mais ce n’est pas la manière dont notre défense fonctionne en ce moment. »

Il n’a voulu critiquer personne dans les circonstances.

Mais à un moment où le Canadien cherche encore à resserrer son jeu collectif et à donner moins de buts, un peu de stabilité arriverait peut-être à point nommé.