Un documentaire témoigne des attaques racistes adressées à Réginald Savage et à son entraîneur John Paris Jr. dans le hockey québécois des années 80.

« Souvent, il fallait qu’on ait les protections de nos propres partisans parce que la sécurité ne nous aidait pas. Ma femme, ma fille se sont fait brasser. On s’est fait attaquer souvent, cracher dessus. On nous a même lancé des bouteilles. Personne n’a rien fait. »

Premier Noir à accéder à un poste d’entraîneur professionnel, John Paris Jr. a connu le pire de ce que pouvait offrir le hockey québécois des années 80. Derrière le banc des Riverains du Richelieu, de la Ligue midget AAA, pendant leur saison de rêve de 1986-1987, le Néo-Écossais a fait parler de lui pour ses méthodes d’entraînement en avance sur leur temps.

Mais c’est d’abord en raison de la couleur de leur peau que Paris et son joueur-vedette de l’époque, Réginald Savage, suscitaient une fascination qui a dégénéré en gestes de haine.

Le monde du hockey a été secoué au cours de la dernière semaine par la sortie d’Akim Aliu, joueur d’origine nigériane qui a affirmé avoir été la cible d’insultes racistes il y a quelques années de la part de Bill Peters, congédié vendredi par les Flames de Calgary.

Quelques joueurs de la LNH, dont Wayne Simmonds, des Devils du New Jersey, ont pris la balle au bond depuis pour dénoncer la discrimination dont ils ont fait l’objet pendant leur parcours.

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO

Réginald Savage a été repêché en 1988 par les Capitals de Washington

Voilà que RDS diffusera ce samedi après-midi un documentaire en deux parties, pendant les entractes du match entre le Canadien et les Flyers, sur le parcours de John Paris Jr.

Celui-ci a mené les Riverains à la conquête de la Coupe Air Canada, championnat du midget AAA au pays, en 1987.

Or cette conquête s’est faite dans la douleur, pour les deux membres racisés de l’équipe.

Hors de contrôle

« C’est difficile pour la famille… J’entendais : “Savage, on va le tuer !” Il y avait des pancartes avec une corde pour me pendre. Toutes des choses, tu les vois dans un film, mais tu as 16 ans. »

Méticuleux dans la narration de ses souvenirs devant la caméra, Réginald Savage n’a visiblement rien oublié de cette saison chez les Riverains. Une campagne au cours de laquelle il a outrageusement dominé le circuit avec 82 buts et 139 points en 42 matchs. Mais également un hiver au cours duquel il a vu sa famille être prise à partie. Des bananes lui être lancées sur la patinoire.

« À un moment donné, il a fallu escorter Réginald et John hors de l’aréna », raconte son coéquipier Christian Campeau dans le documentaire. L’hostilité dans l’édifice était à son comble.

« Un match à Magog, c’était le free-for-all. Ç’a dégénéré. Il a fallu appeler la police », poursuit Campeau.

Paris se faisait accuser de vouloir attirer l’attention.

« Mais oui, je ne suis pas fou, je veux attirer l’attention, c’est certain ! confirme-t-il. Je veux un peu de protection. Réveillez-vous ! Vous nuisez à tous les jeunes qui sont dans notre équipe. »

Choix de premier tour des Capitals de Washington en 1988, Réginald Savage n’a connu qu’une courte carrière de 34 matchs dans la LNH, divisée entre les Capitals et les Nordiques de Québec. Il a par contre roulé sa bosse chez les pros jusqu’en 2005, disputant plus de 750 matchs dans des ligues mineures en Amérique du Nord, puis en Europe.

Presque 15 ans après avoir accroché ses patins, il constate qu’« aujourd’hui, on vit dans un monde politiquement correct ». Toutefois, selon lui, l’acceptation des joueurs noirs est tout sauf acquise. D’où l’importance de poursuivre la discussion.

« Les réalités sont les mêmes que celles qu’on a vécues. Ça n’a pas beaucoup changé, 30 ans plus tard. »

« Mais si on n’en parle pas, conclut-il, ça ne changera juste jamais. »

IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE

John Paris

Le documentaire À la manière de John Paris sera diffusé ce samedi à RDS pendant les entractes du match Canadien-Flyers. La rencontre s’amorce à 15 h.