(Tempe, Arizona) La Presse a visité l’Université d’État de l’Arizona, où le hockey connaît une croissance folle. Et où on peut rencontrer des joueurs aux noms (de famille) très familiers.

Austin Lemieux fait son chemin

Son père est un des noms qui reviennent quand les amateurs de hockey s’agrippent par la gorge pour débattre de qui est le meilleur joueur de tous les temps. Il a vécu une partie de son enfance et de son adolescence avec comme pensionnaire le meilleur joueur de sa génération. Il mesure 6 pi 3 po.

À bien des égards, on pourrait croire qu’en tant que fils de Mario Lemieux, en tant qu’ami de Sidney Crosby, Austin Lemieux avait une voie facile tracée pour lui. Or, c’est tout le contraire.

Austin Lemieux amorce sa deuxième saison en tant qu’attaquant des Sun Devils de l’Université d’État de l’Arizona. En fait, ce devait être sa troisième année, mais à son arrivée à Tempe, on a jugé qu’il devait se développer davantage physiquement avant de jouer dans la NCAA.

Le fils de Mario Lemieux, un type qui jouait à 6 pi 4 po et 230 lb, avait besoin de gagner du muscle ?

PHOTO HEATHER WEIKEL, HWEIKEL PHOTOGRAPHY

Austin Lemieux totalise quatre points en huit matchs cette saison.

« Les gens ont tendance à oublier qu’Austin est un grand prématuré. Il a passé sa vie à rattraper les autres, rappelle Greg Powers, entraîneur-chef des Sun Devils. Quand il est arrivé, il avait l’air d’un gars qui n’était jamais allé au gym de sa vie ! »

La vie d’Austin Lemieux a été une épreuve dès le départ. Pesant moins de 3 lb à la naissance, il a passé ses 71 premiers jours à l’unité des soins intensifs pour nouveau-nés.

« Je suis sûr que ça a encore un certain effet, croit Austin Lemieux, dans une entrevue en anglais avec La Presse. J’étais jeune et la plupart des enfants de mon âge me dépassaient. À partir de l’âge de 16 ans, j’ai commencé à en dépasser de plus en plus. Plus jeune, c’était dur, mais ça a forgé mon caractère, ça a fait de moi un travaillant.

« Peu importe qui sont tes parents et ce qu’a fait ta famille, tout le monde veut avoir ce sentiment d’avoir travaillé fort pour passer au prochain niveau, poursuit-il. Je me suis prouvé que je pouvais travailler fort. J’en retire une grande fierté. Mais mon père m’a grandement aidé à travers ça et il a été mon mentor. »

Bien entouré

Évidemment, porter le nom de Lemieux sur un chandail de hockey, ça ne passe pas inaperçu. D’autant plus que lorsqu’on lui voit la bouille, on comprend assez vite qu’il n’est pas le fils de Claude, de Jocelyn ou de Denis, mais bien de Mario.

« C’est certainement une bénédiction de porter ce nom. Parfois, ça peut être difficile, car ce sont de grosses chaussures à porter. Mais mon père m’appuie dans tout. Il veut simplement que je m’amuse en jouant et que je sois bon dans ce que je fais dans la vie. »

On comprendra que les coéquipiers d’Austin, qui avaient quelque part entre 5 et 10 ans quand Mario a pris sa retraite, connaissent surtout le Magnifique de nom. En revanche, ils sont parfaitement au courant que Crosby a habité chez lui pendant cinq ans.

Des gars de mon équipe l’idolâtrent et aimeraient vraiment le rencontrer ! À mes yeux, c’est une personne comme une autre, car j’ai habité avec lui.

Austin Lemieux, à propos de Sidney Crosby

Pour se convaincre de l’incrédulité des coéquipiers, on s’est tourné vers Carson Brière, qui commence son parcours chez les Sun Devils. Fils de Daniel Brière, il a donc eu Claude Giroux et Sean Couturier comme colocs. Bref, il en a vu d’autres.

« Austin, c’est fou. Mon père était bon. Mais Mario est un des top 3 de l’histoire. Il est dans un autre monde, avec Wayne Gretzky et Bobby Orr, explique Carson Brière, les yeux écarquillés. Claude a habité avec moi, c’est un excellent joueur, mais ce n’est pas Crosby. Je réalise que j’ai été choyé, mais Austin l’a tellement été, c’est fou ! »

Ça vaut pour les joueurs, mais ça vaut aussi pour l’entraîneur !

« Comprenez-moi bien, on a recruté Austin Lemieux pour ce qu’il est, pas pour son père, assure Greg Powers. Mais chaque interaction avec Mario a été formidable. Il est venu avec lui visiter les installations. On a regardé un match Pittsburgh-Columbus ensemble au restaurant. Je devais me pincer. Il y a quelques années, je dirigeais un petit club universitaire et là, je soupe avec Mario Lemieux ! »

Futur dirigeant ?

En huit matchs cette saison, Austin Lemieux compte un but et trois mentions d’aide. L’an dernier, le joueur de 23 ans a inscrit 4 buts et 9 mentions d’aide pour 13 points en 31 matchs.

Ses statistiques ne sont pas épatantes, mais il garde espoir de jouer dans les rangs professionnels après ses années universitaires. Il compte déjà quatre expériences dans des camps de développement de la LNH. Les quatre chez les Penguins de Pittsburgh, l’équipe qui appartient à son père.

Mais si ça ne fonctionne pas sur la patinoire, Lemieux a bien l’intention de rester dans le hockey. C’est pourquoi il étudie en administration du sport, « pour apprendre l’aspect business du hockey ».

Alors son emploi de rêve, ce serait dans le fauteuil d’un directeur général ou plus du côté administratif ? Où se voit-il dans 30 ans ? Le timide jeune homme éclate de rire.

« Je ne pourrais pas le dire, je ne pense pas si loin. Mais je rêve d’occuper un gros rôle dans une équipe sportive, idéalement de hockey. »

Lemieux parlait de grosses chaussures à porter. C’est également vrai à l’extérieur de la patinoire. Mine de rien, son père est rendu à trois Coupes Stanley en tant que propriétaire d’équipe !

L’effet Coyotes… jusqu’en NCAA !

On a beaucoup parlé, ces dernières années, de ces jeunes joueurs qui émergent de marchés non traditionnels des États-Unis et qui atteignent la LNH.

PHOTO RILEY TRUJILLO, FOURNIE PAR SUN DEVILS ATHLETICS

Carson Brière, fils de Daniel Brière

En Arizona, Auston Matthews en est l’exemple le plus connu. Au dernier repêchage, Cam York a été choisi au premier tour, après avoir joué son hockey mineur à Anaheim. Si ces athlètes jouent aujourd’hui dans la meilleure ligue au monde, c’est en grande partie grâce à la présence d’une équipe dans leur région, et du développement du hockey qui en découle.

On pénètre dans l’Oceanside Ice Arena, domicile des Sun Devils de l’Université d’État de l’Arizona (ASU), et on voit aussitôt l’empreinte des Coyotes. « Part of the Pack », lit-on sur la bannière au plafond, ornée du logo de l’ancienne équipe de Petteri Nokelainen.


PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Une bannière des Coyotes de l’Arizona est accrochée dans l’Oceanside Ice Arena de Tempe.

On mesure aussi cette empreinte en constatant la présence de Carson Brière au sein de l’effectif. Le cadet des trois fils de Daniel Brière a vu le jour par ici, à l’époque où son père portait les couleurs des Coyotes. Il a quitté la région à l’âge de 4 ans.

« J’ai toujours aimé les équipes d’ASU, avant même qu’il y ait un programme de hockey, nous explique Brière. Je suis né à Scottsdale, à 15 minutes d’ici, donc quand j’ai commencé à m’intéresser aux autres sports universitaires, je prenais toujours pour les Sun Devils. Quand ils ont eu une équipe de hockey, je me suis dit que ça serait cool de jouer ici. Quand ils m’ont approché, c’était une décision assez facile. »

Le hockey étant un petit monde, un effet de bouche à oreille pourrait aussi se faire sentir. « On a encore des amis là-bas, nous explique Daniel Brière, au bout du fil. Shane Doan est aussi un de mes bons amis et son gars s’est engagé à jouer là-bas. »

À ces noms s’ajoutent Austin Lemieux (voir autre onglet) de même que Jackson Niedermayer, fils de Scott, qui se joindra au programme en 2021.

Croissance folle

Il y a longtemps qu’il y a du hockey à l’Université d’État de l’Arizona. Greg Powers, l’entraîneur-chef, y a même joué pendant ses études à la fin du dernier millénaire. Mais c’était essentiellement un programme récréatif qui ne produisait aucun joueur d’élite. Selon les données de HockeyDB, seulement quatre joueurs issus de l’ancienne mouture du programme ont atteint les rangs professionnels. Et ils ont joué dans les bouillonnants marchés de Fort Worth, Huntsville et Port Huron.

Or, c’est la cinquième année que les Sun Devils affrontent des équipes de Division I de la NCAA. L’équipe est maintenant en mesure d’accorder des bourses d’études, un incontournable quand vient le temps de recruter des joueurs.

C’est le jour et la nuit. Quand je jouais, le programme n’offrait pas de bourses. C’était compétitif, mais rien de comparable à aujourd’hui. Notre différence avec la Division I, c’était comme la différence entre la ligue Southern et la LNH.

Greg Powers, entraîneur-chef des Sun Devils de l’Université d’État de l’Arizona

Les résultats ont été presque immédiats. La saison dernière, l’équipe a obtenu l’une des 16 places dans le prestigieux championnat national de la NCAA, et s’est dignement inclinée 2-1 au premier tour devant Quinnipiac. Depuis près de deux décennies, aucun programme universitaire ne s’est qualifié aussi rapidement pour le tournoi.

C’est aussi en 2018-2019 qu’un premier ancien du programme a atteint la LNH : le gardien Joey Daccord, qui a disputé un match avec les Sénateurs d’Ottawa. Daccord vient de la région de Boston, et la Nouvelle-Angleterre regorge de programmes universitaires. Pourquoi a-t-il été amené à se lancer dans l’aventure du hockey dans le désert ?

« Quand tu regardais le succès de leurs autres programmes sportifs, c’était clair que ça allait aussi fonctionner au hockey, nous a expliqué le joueur de 23 ans au tournoi des recrues il y a deux mois. C’était cool de faire partie de quelque chose de nouveau, d’écrire l’histoire de ce programme. »

Cette saison, les Sun Devils présentent une fiche de 5-3-0. La fin de semaine dernière, ils ont vengé leur défaite du printemps dernier en battant Quinnipiac (9e au dernier classement national de la NCAA) deux soirs de suite.

Ne manque qu’un aréna

Tout n’est pas parfait pour autant. Les Sun Devils sont encore pris dans l’équivalent d’un aréna de quartier. Les cinq rangées de gradins peuvent accueillir 747 spectateurs, et le plafond est forcément très bas, au point où le jeu ne peut pas se dérouler comme dans un aréna typique.


PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Le domicile des Sun Devils de l’Université Arizona State aurait besoin d’amour…

« Ça nous fait mal dans notre recrutement, reconnaît Powers. Des jeunes arrivent à l’aréna et disent tout de suite : ce n’est pas pour moi. On cherche donc des jeunes qui ont une mentalité de cols bleus, qui veulent bâtir quelque chose. »

Un projet d’aréna de 5000 places est dans les plans, mais la construction n’est pas commencée et le projet prend du retard. L’an passé, on souhaitait une première pelletée de terre à l’automne 2019…

« On est très fiers de ce qu’on a accompli malgré des ressources limitées, affirme Powers. Notre programme est tout jeune et on l’a déjà élevé au niveau de celui de Penn State. Notre vision, c’est d’aspirer au championnat national chaque année. »

Dans un an pour Brière

Carson Brière devra attendre encore un an avant de démontrer son savoir-faire dans la NCAA. Il est membre à part entière des Sun Devils, mais avec le statut de « red shirt », ce qui signifie qu’il s’entraîne avec l’équipe, mais ne dispute pas de matchs.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Carson Brière

« Carson aurait pu jouer une autre année junior, mais ses entraîneurs aimaient mieux qu’il soit déjà dans l’entourage de l’équipe, explique Daniel Brière. C’est un late bloomer, mais il doit se développer physiquement. D’avoir cette année-là pour travailler hors glace, c’était sa meilleure option. »

En attendant, Brière tente donc de renforcer sa charpente de 5 pi 9 po et 180 lb. Il a aussi entrepris des études en communications. Son père était l’un des joueurs les plus intéressants de la LNH en entrevue, et le fils s’exprime lui aussi avec une aisance étonnante pour un jeune homme. Aucun doute, il est dans la bonne branche !

« J’espère jouer chez les professionnels quand j’aurai fini mes études, mais tu ne sais jamais comment les choses vont tourner. J’ai de la misère à me voir ailleurs qu’au hockey, car ç’a été toute ma vie. Mes journées de congé à l’école, je les passais à l’aréna avec mon père. »