La mise en jeu au hockey est une partie primordiale de chaque action. On ne vous apprend rien. Elle détermine qui va commencer avec la rondelle, et dans une LNH plus rapide et organisée que jamais, ça vaut son pesant d’or.

C’est un duel d’habiletés qui est aussi très mental. Il y a la vitesse des mains, la coordination du mouvement, la façon de placer ses patins. Les meilleurs savent aussi tricher, subitement, pour déstabiliser l’adversaire.

« On triche toujours, a expliqué Phillip Danault. Tout le monde triche. Sauf que si tu triches trop, tu te fais tasser. Mais si tu es confiant un peu, des fois, ça va juste avec ton rythme du match. Tu en gagnes trois, quatre en ligne, après c’est plus facile. Tu te relâches un peu. »

Danault, évidemment, est un as en la matière. Sans dire que c’est son pain et son beurre, parce qu’il est un joueur assez complet, c’était au moins une portion non négligeable de son arsenal.

L’an dernier, il a participé à 1588 mises en jeu. Seulement huit joueurs dans toute la ligue en ont eu plus à leur fiche. Surtout, il en a gagné 55,5 %, ce qui est excellent. Chez les joueurs avec plus de 1500 mises en jeu au compteur, il arrive en troisième place pour l’efficacité, derrière Ryan O’Reilly et Jonathan Toews, et même devant Sidney Crosby et Anze Kopitar.

Bref, Danault faisait partie de l’élite parmi l’élite dans cette facette du jeu. Si bien qu’un certain soir de novembre 2018, Claude Julien l’a utilisé pour 34 mises en jeu. Un autre soir d’avril 2019, il s’est présenté aux cercles 33 fois. C’est évidemment parmi les plus hautes charges de travail dans la LNH la saison dernière.

Mais cette saison, il se passe quelque chose…

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Phillip Danault tente de remporter une mise en jeu aux dépens de Tyler Bozak, des Blues de St. Louis. 

Lors du dernier match, par exemple, il a gagné seulement 9 de ses 21 mises en jeu, pour 43 % de succès. Sa moyenne a chuté à 47,5 % (107 en 225). Bien loin de Nate Thompson, à 54,1 % (72 en 133).

« Je regardais le dernier match. Je ne pense pas que j’étais à 43 %. La façon que la ligue calcule, si on ne ramasse pas la rondelle après ou si elle va juste un peu de son bord et qu’on va la chercher après, c’est une victoire pour l’autre. Il y a des mises en jeu comme ça où je ne sais pas trop. Mais j’essaie de ne pas regarder. C’est plus décourageant qu’autre chose, honnêtement. »

Décourageant

Danault n’a jamais été du genre à faire l’autruche. Quand il parle de découragement, c’est qu’il sait qu’il peut faire mieux, et qu’il s’est habitué à faire mieux.

« Ça va venir. Je vais continuer de travailler là-dessus. Je ne suis pas inquiet. C’est en moi. C’est une question de confiance. »

Il est encore le plus utilisé par Julien cette saison. Sauf que le record en un match cette saison appartient à Max Domi, avec 29 jeudi dernier contre les Sharks de San Jose. Même s’il n’est qu’à 46 % d’efficacité (74 en 161).

On sent rapidement que Danault n’a pas fait que constater les statistiques. Il est allé bien au-delà des chiffres pour tenter de trouver la cause de ses insuccès. Parmi les avenues de réponses possibles, il y a ce règlement qui permet désormais à l’équipe en avantage numérique de déterminer de quel côté aura lieu la mise en jeu en zone offensive. Donc, le centre en désavantage numérique subit les caprices de l’adversaire.

Et Danault, vous l’aurez compris, est l’attaquant le plus utilisé par son entraîneur à court d’un joueur.

Ma force, c’est à gauche. Là, avec le nouveau règlement, c’est souvent à droite. Je pense que ça a un impact. Je me ramasse à faire des mises en jeu du mauvais côté.

Phillip Danault

« En avantage numérique, l’autre équipe choisit, alors ils me placent ça du mauvais côté tout le temps. Ça joue contre moi. Il faut que je me pratique. C’était bon pour nous quand je jouais en avantage numérique parce que nous choisissions le côté. En désavantage numérique, tu es toujours du mauvais bord. »

Certains as des mises en jeu ont bien négocié la transition, comme O’Reilly (58,1 % de succès), Jean-Gabriel Pageau (52,4 %), Dylan Larkin (62,5 %) ou Kopitar (66,7 %). D’autres doués, il est vrai, font beaucoup moins bien en désavantage numérique, comme Travis Zajac (45,8 %) ou Adam Lowry (45,5 %).

« Des choses plus importantes à rectifier… »

Au fait, Danault explique-t-il par cet aspect décevant de son jeu son retrait des avantages numériques, desquels il faisait partie en début de saison ?

« Rien à voir avec mes mises en jeu. Je devais retrouver les petits détails de mon jeu. Que ce soit à cinq contre cinq et contre les gros trios chaque match. Tu ne peux pas jouer à moitié contre les gros trios. Plus la saison va avancer, plus je vais être confiant dans certaines parties de mon jeu. »

Ça, c’est la réalité du joueur plongé au quotidien dans ses détails. Pour Julien, qui voit le portrait d’ensemble, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Il réagit aux défaillances de Danault de la même manière qu’il l’a fait avec celles de Paul Byron la semaine dernière.

« On voit ce que Phillip Danault a fait dans une année au complet. Est-ce qu’on veut qu’il soit meilleur ? Oui, absolument. Mais il y a des choses dans notre équipe qui sont beaucoup plus importantes à rectifier que ça. »