(Buffalo) On dit souvent qu’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres. On a actuellement une campagne électorale qui nous le rappelle au quotidien, chaque fois qu’un sondage est publié.

Le début de saison du Canadien en est aussi un exemple parfait. Ainsi, au lendemain de cette défaite de 5-4 en prolongation aux mains des Sabres, il y en a pour tous les goûts dans l’interprétation des chiffres.

Vous êtes du type qui préfère voir le verre à moitié plein ? La récolte de quatre points sur un total possible de six, après trois matchs à l’étranger, vous réjouira. Deux de ces trois matchs étaient des équipes attendues dans le haut du classement (Toronto et la Caroline), tandis que Buffalo montre des signes d’un club qui exploite enfin son potentiel.

Un autre indicateur positif : les remontées. Dans les trois matchs, le Tricolore a tiré de l’arrière par deux buts, et même par trois buts, samedi, dans le « 416 ». Chaque fois, les Montréalais ont forcé la tenue d’une prolongation.

Mais voilà, en fin de saison, quand tout le monde a la langue à terre, quand chaque victoire devient soudainement une « grosse » victoire, quand chaque défaite semble faire plus mal, il est plus facile de voir le verre à moitié plein.

Mais en début de saison, quand un entraîneur tente d’établir une structure de jeu, il est plus difficile d’être aussi optimiste, car c’est là que la façon importe plus que les résultats. Hier matin, Ralph Krueger, le nouvel entraîneur-chef des Sabres, tenait ces propos : « L’important est de ne pas s’emporter avec les points et le classement. On apprend encore, on grandit, on développe notre jeu et on essaie de définir notre style. Le reste va se régler tout seul. »

Julien et Krueger ont des atomes crochus depuis les Jeux de Sotchi. Faut-il s’étonner que l’entraîneur-chef du Tricolore exprime une idée similaire après la défaite d’hier ?

Ce n’est pas qu’on est déçus des quatre points sur six, mais on est déçus de la façon dont on joue. La façon dont on est obligés de remonter tous les matchs parce que notre [concentration] n’est pas toujours là pendant 60 minutes et ça nous fait mal.

Claude Julien

Ce que l’entraîneur-chef voit, c’est d’abord un désavantage numérique qui n’est pas au point. Après un départ difficile l’an dernier, cette unité s’est retrouvée et a bouclé le calendrier au 12e rang de la LNH, à 81 % de succès. Cette même unité a déjà cédé 4 fois en 13 occasions jusqu’ici ; dans les deux cas hier, les buts ont redonné vie aux Sabres.

Julien voit aussi une équipe qui accorde 40 tirs par match en moyenne. Des tirs qui proviennent toujours des meilleurs éléments adverses : 8 pour Jack Eichel, 6 pour Jeff Skinner, 5 pour Mitch Marner samedi, 6 pour Teuvo Teravainen en Caroline. On parle ici de joueurs d’élite, qui n’ont généralement pas besoin de 12 tirs pour marquer une fois.

L’entraîneur aime que des joueurs « tuent les jeux » ; c’est tout le contraire qui se produit jusqu’ici. Mais en attendant, c’est aussi un groupe qui crée des jeux, propulsé chaque soir par des éléments différents. Hier, c’était le tour du trio de Jesperi Kotkaniemi.

PHOTO TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Rasmus Dahlin (26) bouscule Paul Byron (41) dans le territoire des Sabres.

Les limites de la jeunesse

Ce même Kotkaniemi a livré hier la meilleure de ses trois performances. Et c’est bien tant mieux pour l’équipe, car pour le reste, c’est plus difficile pour les jeunes qui faisaient tourner les têtes au camp.

Hier, Cale Fleury était dans les gradins. Nick Suzuki : relégué au quatrième trio dès la deuxième période, bien qu’il ait récolté le premier point de sa carrière au premier vingt. C’est venu avec un message de Julien.

« C’est un joueur très intelligent, mais ce qui l’a aidé à faire sa place cette année, c’est [ses habitudes] de travail. Il compétitionnait bien, mais là, on dirait qu’il ne compétitionne pas aussi fort qu’au camp. Ça m’a forcé à faire des changements. »

On pourrait ajouter le nom de Victor Mete, encore jeune, même s’il en est à sa troisième saison. Chacun a sa théorie quant à savoir à qui la faute, mais un fait demeure : ça ne clique pas comme par le passé avec Shea Weber.

Dans la façon dont Julien gère ses effectifs, il semble que ce sera aux vétérans de trouver une façon de redresser la barre.

L’équipe débarque à Montréal ce soir, pour le premier de quatre matchs de suite à domicile. En général, ces longs séjours à la maison sont une occasion de stabiliser le jeu défensif, ne serait-ce que par l’avantage du dernier changement.

Il peut y avoir là un début de solution, mais aux dernières nouvelles, il reste tout de même 38 matchs à jouer à l’étranger. Le resserrement devra être durable.

Prochain match : Red Wings de Detroit c. Canadien, ce soir (19 h) au Centre Bell

TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Joel Armia (40) a marqué deux buts dans la défaite du Canadien.

« Quand on jouera 60 minutes… »

On n’a pas encore réussi à faire un effort complet de 60 minutes. Ce soir, notre deuxième période n’était pas bonne. On a pris des pénalités, encore. Quand on jouera 60 minutes, on sera une équipe dangereuse.

Joel Armia

Je l’adore comme joueur. Il est tellement talentueux, c’est un des joueurs les plus rapides de la ligue quand il se met en marche. Ça cliquait bien entre nous deux ce soir, je sais ce qu’il veut faire, on voit les mêmes passes. J’aime vraiment jouer avec lui.

Joel Armia, au sujet de Jonathan Drouin

Il a fait de gros arrêts. Il y a un but, je suis certain qu’il aimerait le revoir. En désavantage, les tirs venaient d’un côté et de l’autre. Il est peut-être dur avec lui-même, mais on aurait pu faire du meilleur travail devant lui.

Claude Julien, à propos de Keith Kinkaid

On a montré de la résilience, on n’est jamais sortis d’un match, ce soir, on en a eu un exemple On a travaillé fort.

Ben Chiarot

Propos recueillis par Guillaume Lefrançois, La Presse

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Keith Kinkaid

Dans le détail

Couci-couça pour Kinkaid

C’est une entrée en matière correcte pour Keith Kinkaid, sans plus. Entendons-nous : il ne peut pas accomplir de miracles quand un tireur d’élite comme Jack Eichel a tout son temps pour dégainer, ou quand Jeff Skinner déborde la défense pour se retrouver seul. Par contre, Kinkaid s’en voulait pour le deuxième but d’Eichel, passé entre ses jambes. Il a aussi été sauvé par un poteau, et Skinner l’a aidé en tirant sur lui après un beau jeu d’Eichel sur une mise en jeu. C’est sans compter la maîtrise des retours, pas toujours au point non plus. « J’ai été chanceux, les rondelles me frappaient. C’était mon premier match depuis quelque temps. Mais je dois être meilleur », a dit le nouvel auxiliaire de Carey Price. À sa défense, Kinkaid a réalisé un arrêt brillant aux dépens de Skinner en toute fin de match pour préserver l’égalité et permettre au Canadien de quitter Buffalo avec un point.

Une trouvaille au 7e tour

Le Canadien semble avoir réalisé un bon coup en choisissant Jake Evans à la toute fin du repêchage de 2014, mais les Sabres ne sont pas en reste. Leur choix de 7e tour cette année-là : Victor Olofsson, qui a marqué hier son quatrième but en quatre matchs cette saison. Le Suédois est en train de confirmer ce qu’il avait montré l’an passé pendant sa courte audition en fin de saison. Juste avant de déjouer Kinkaid, il avait tiré directement sur le poteau. Bref, son tir fait partie des facteurs qui expliquent son succès. Un autre facteur ? Des minutes de qualité, que ce soit en avantage numérique ou à forces égales avec un certain Jack Eichel comme centre.

Revoici Reilly et Folin

Le retrait de la formation de Cale Fleury était à prévoir, le jeune défenseur ayant été limité à 10 minutes de jeu dans la victoire de samedi à Toronto. Celui de Brett Kulak était moins prévisible. Après tout, voici un défenseur qui a signé un contrat de trois ans avec le Canadien le printemps dernier, ce qui semblait cimenter son statut de joueur établi. Claude Julien leur a préféré Mike Reilly et Christian Folin, qui disputaient donc leur premier match de la saison. Les deux défenseurs s’en sont tirés sans trop d’égratignures, souvent confrontés au troisième trio des Sabres. On a relevé quelques présences plus difficiles en deuxième période, mais on parle de défenseurs de profondeur et dont le dernier match remontait à près de deux semaines. Reilly y a aussi été d’un jeu crucial à la ligne bleue offensive pour préparer le but égalisateur de Ben Chiarot.