(Buffalo) Nombreux sont les experts qui prédisent une exclusion du Canadien des séries éliminatoires, dans une division Atlantique relevée.

Le Lightning de Tampa Bay a amassé 128 points la saison dernière ; les Bruins de Boston sont finalistes de la Coupe Stanley ; les Maple Leafs de Toronto ont ajouté Tyson Barrie et de la profondeur ; les Panthers de la Floride ont déniché un entraîneur réputé et un vrai gardien numéro un.

Et si les Sabres de Buffalo venaient compliquer la donne ? Sur la patinoire, l’équipe n’a pas touché à son noyau, mais elle y a été de l’une des décisions les plus audacieuses de l’été en embauchant comme entraîneur-chef Ralph Krueger.

Pourquoi audacieuse ? Parce que son emploi précédent était celui de président de Southampton FC. Le club de foot en Premier League !

Pour sa dernière expérience au hockey, il faut remonter à la Coupe du monde de 2016, quand il était derrière le banc de l’Europe. Et son dernier emploi pour une équipe de la LNH ? Il a pris fin quand les Oilers d’Edmonton l’ont congédié en juin 2013, à une époque où vous auriez eu le bout des doigts noirci en lisant cet article.

« J’en connaissais très peu sur lui. C’était une embauche du champ gauche, a admis le capitaine des Sabres, Jack Eichel, après l’entraînement d’hier. Ensuite, j’ai parlé à des gars qui l’ont connu à Edmonton et ils avaient tous de très bonnes choses à dire à son sujet. On m’a assuré que j’allais l’aimer. Je me suis forgé ma propre opinion en passant du temps avec lui. Et tout a été formidable. »

Culture européenne

On n’exagère pas en qualifiant de singulier le parcours de Krueger. L’homme de Winnipeg est une sommité en hockey international. Ses 12 ans passés à la tête du programme national de la Suisse (1998-2010) ont permis de mettre les Helvètes sur la carte du hockey. Il a aussi agi comme consultant pour Équipe Canada aux Jeux olympiques de Sotchi, en plus de son passage à la Coupe du monde. Et à Southampton, bien sûr.

Ce CV peu commun le rend très intéressant en conférence de presse. Hier, par exemple, il s’est lancé dans une explication sur la psychologie des nations au hockey. « Chaque pays a sa propre personnalité. Tu le vois dans la façon de jouer des joueurs, dans leur façon de fonctionner dans la structure. »

Et les Suédois ? Il en compte cinq dans son effectif… « Leur culture est basée sur le sacrifice pour le jeu défensif. La ligue suédoise est celle où le jeu est le plus contrôlé », juge-t-il.

À l’entraînement aussi, ça donne des scènes intéressantes. Hier, il a convié ses joueurs à des exercices de deux contre deux, avec les deux buts installés en diagonale, dans le minuscule espace entre le point de mise en jeu et le coin de la patinoire. Le genre d’exercice commun au hockey mineur et en Europe, mais pas dans la LNH.

Congédiement injuste

Dans le circuit Bettman, les Oilers ont été son seul autre employeur. Adjoint à ses deux premières saisons, il a ensuite occupé le poste d’entraîneur-chef pendant les 48 matchs de la saison écourtée de 2013. L’équipe a présenté une fiche de 19-22-7 et a été exclue des séries éliminatoires.

À sa défense, sept entraîneurs en huit ans ont défilé chez les Oilers. L’organisation était chaotique, à un point tel que Krueger avait appris son congédiement au cours d’un appel vidéo par Skype. Gracieux comme ça.

« C’était une situation particulière pour les coachs. C’était n’importe quoi », lance au bout du fil Éric Bélanger, attaquant chez les Oilers à l’époque.

« On avait plusieurs vétérans pour encadrer les jeunes, mais on n’a jamais eu l’occasion de le faire, car la direction voulait que les jeunes prennent toute la place. Donc Ralphy a été menotté par la direction. »

« Il n’a jamais eu de vraie chance de faire sa marque, ajoute le défenseur de Jeff Petry, également membre de cette édition 2013 des Oilers. Je lui parlais, je savais qu’il voulait changer certaines choses, mais il n’a pas eu le temps de le faire. »

Bonne réputation

Partout où il est passé, Krueger a visiblement laissé une impression favorable auprès des joueurs.

Petry l’a apprécié au point qu’il a pris le café avec lui, après son congédiement, quand il l’a croisé à un Championnat du monde. « Il crée une culture dans un vestiaire, et c’est ce qui devient le pilier du groupe. Il communique très bien. J’ai toujours su qu’il finirait par revenir en LNH. »

Tomas Tatar l’a eu comme entraîneur-chef à la Coupe du monde de 2016, où l’équipe européenne — faite de bric et de broc — avait atteint la finale, à la surprise générale.

« Je le connaissais de réputation pour ce qu’il avait fait à l’international. Regardez ce qu’est devenue la Suisse ! rappelle l’attaquant du Canadien. Je serais vraiment content qu’une personne de ce calibre vienne en Slovaquie pour aider notre programme. »

Il est très positif. Il n’y a jamais de mot négatif qui sort de lui. Il sait ce qu’il fait.

Nino Niederreiter, des Hurricanes de la Caroline

Le voici à Buffalo, dans une situation semblable en plusieurs points à celle des Oilers d’il y a six ans. L’équipe a raté les séries lors des huit dernières saisons, et est rendue à son sixième entraîneur-chef depuis.

« Il a la confiance de la direction, il a un contrat de trois ans, rappelle Bélanger. Il n’aura pas seulement 48 matchs pour se faire valoir. Il pourra établir ses balises, sa philosophie. Le fait qu’il ait été président de Southampton, ça l’a amené à être gestionnaire. Je suis sûr que ça l’a aidé. Avec un jeune DG comme Jason Botterill, il n’aura pas les mêmes embûches qu’à Edmonton, où la gang d’anciens en menait large. »

C’est bien parti pour les Sabres, avec une fiche de 2-0-1 jusqu’ici. La suite ce soir contre le Canadien.