(RENOUS, Nouveau-Brunswick) « Wow ! Ça, c’est un beau manteau ! »

Patrice Brisebois est émerveillé par la veste bleu-blanc-rouge de Donnie Keenan. Un manteau qui rappelle un peu ceux que portait Eddy Palchak derrière le banc à l’époque. « Je l’ai acheté au Forum il y a 27 ans, quand notre fille étudiait à McGill », nous raconte M. Keenan, un partisan du Canadien des environs.

Ils étaient plusieurs centaines de partisans du Canadien à l’aréna Tom-Donovan, hier, dans le cadre d’une activité promotionnelle à la veille du match préparatoire que le Tricolore disputera contre les Panthers de la Floride. Certains venaient voir leur nouvel aréna fraîchement rénové ; d’autres, la coupe Stanley. Et les inconditionnels du Canadien, comme M. Keenan, faisaient la queue pour rencontrer Brisebois, obtenir son autographe, prendre une photo et piquer un brin de jasette avec ce membre de la dernière édition du CH à avoir remporté la Coupe Stanley.

« J’ai toujours dit qu’on a les meilleurs partisans au monde, même si c’est parfois difficile de jouer à Montréal », lance Brisebois en souriant.

On l’écoute et on est loin de se douter que celui qui nous parle est aussi celui qui se faisait huer soir après soir au Centre Bell, au point où son directeur général a dû prendre sa défense publiquement. Au point où la pression lui a fait subir un épisode de palpitations cardiaques, incitant le Dr Mulder à lui donner une semaine de congé pour qu’il s’éloigne du hockey.

D’un autre côté, malgré ces péripéties, Brisebois a choisi en toute connaissance de cause de revenir à Montréal pour y terminer sa carrière, après une parenthèse de deux ans au Colorado. Il a ensuite tenté sa chance dans les médias et comme entraîneur au développement chez le Canadien. Même si la pression l’a parfois dérangé, il ne s’en est jamais vraiment éloigné.

Aujourd’hui, à la retraite depuis 10 ans, il profite des bons côtés de la pression. Cette attention dont font l’objet les joueurs, elle lui permet de rouler sa bosse dans des événements d’anciens du CH comme ceux auxquels il participe cette semaine.

Apprivoiser la pression

Pour certains, la forte pression montréalaise – qu’elle provienne des médias ou des partisans – explique pourquoi de nombreux joueurs autonomes ont levé le nez sur Montréal et choisi d’autres destinations.

Le cas Jake Gardiner a redonné de la vigueur à cette explication. Le collègue Alexandre Pratt a révélé, la semaine dernière, que le défenseur avait refusé une offre supérieure du Canadien pour se joindre aux Hurricanes de la Caroline. L’hypothèse qui a circulé : Gardiner ne souhaitait plus jouer dans un gros marché canadien, après avoir été pris à partie par ses propres partisans à Toronto. En Caroline, il ne se fera pas huer et ses mêlées de presse seront assurément plus courtes.

Brisebois peut très bien comprendre Gardiner. Et il n’est pas dupe : il reconnaît qu’il y a de la pression à Montréal. Mais avec le recul, il y voit « une belle pression ».

C’est ça qui te stimule. Chaque fois que je sautais sur la patinoire, je savais que 21 000 personnes allaient nous acclamer. Je voulais tout le temps faire de mon mieux. Je voulais gagner ces partisans-là

Patrice Brisebois

« C’est trop facile de dire que je ne viendrai pas jouer à Montréal à cause des journalistes ou de la pression. J’ai joué deux ans avec l’Avalanche. Quand Pierre Lacroix [le directeur général à l’époque] était là, on en avait, de la pression. Il fallait gagner. C’était une organisation fière qui prenait tous les moyens pour gagner. La pression, ce sont les joueurs qui se la mettent. »

La couverture médiatique est-elle exagérée ? « C’est pour ça que le Canadien est si populaire. Parce qu’on en parle. Regarde les Cowboys de Dallas, les Yankees [de New York]. Ce sont de gros marchés. Si c’est trop hot dans la cuisine, ben sors ! Si tu penses que ça va t’étouffer, que veux-tu faire ?

« T’es au tournoi pee-wee de Québec, tu penses que le kid n’a pas de pression ? Il regarde autour… T’as vécu toute ta vie avec la pression. T’as joué junior, t’as fait des championnats du monde, la Coupe Memorial et une fois dans la LNH, tu n’es plus capable de la pression ? Ça ne marche pas. Les critiques, il y en aura toujours. C’est sûr que c’est mieux d’entendre que t’es bon, tu fais une bonne job, t’es un gars d’équipe, que d’entendre que tu ne performes pas à la hauteur de ton talent. Mais ça fait partie de la vie d’un athlète. »

La méthode de chacun

« Je dois être le dernier Québécois à avoir joué 16 ans avec le Canadien », rappelle fièrement Brisebois.

L’ancien numéro 43 est effectivement une espèce rare. Depuis la Coupe Stanley de 1993, il est un des quatre joueurs à avoir disputé plus de 700 matchs dans l’uniforme montréalais. Les autres ? Saku Koivu, Andrei Markov et Tomas Plekanec. On pourrait ajouter Carey Price au groupe, lui qui a officiellement disputé 624 matchs, mais qui en a passé des dizaines d’autres au banc en tant qu’auxiliaire.

Markov, Plekanec et Price ont en commun de s’être tenus loin des projecteurs dans la mesure du possible. Markov, en accordant des entrevues généralement très courtes. Plekanec, en projetant l’image d’un homme timide. Price, en se refermant comme une huître devant les médias, notamment après quelques épisodes où la frontière entre sa vie publique et sa vie privée a été transgressée.

On parle de Gardiner, mais il faudra aussi penser à Jonathan Drouin. Il y a forcément plus d’attention sur les « produits locaux », particulièrement dans le cas de joueurs qui ont le potentiel de devenir des têtes d’affiche. Le Québécois vient de connaître une fin de saison difficile et souhaite repartir sur de nouvelles bases. Mais il est aussi l’attaquant le mieux payé de l’équipe, acquis dans une transaction contre Mikhail Sergachev, qui pourrait éclore cette saison. La situation est délicate.

Brisebois parle de pression avec le recul d’un homme de 48 ans qui voit assurément la vie différemment qu’à 25 ans. Un luxe que Drouin n’a pas encore.

EN BREF

PHOTO KEVIN BISSETT, LA PRESSE CANADIENNE

La ville de Renous, au Nouveau-Brunswick, a remporté le concours annuel Kraft Hockeyville.

La fête à Renous
Le match de ce soir se tiendra à Bathurst, en marge du concours Kraft Hockeyville, qui a permis à la ville de Renous de gagner 250 000 $ pour rénover son aréna. C’est cette victoire que soulignait la petite communauté néo-brunswickoise, hier, en invitant les habitants de la région à l’aréna. Les amateurs de hockey se promenaient donc dans un lieu hétéroclite où on croisait d’anciens joueurs, les mascottes du Canadien et des Panthers, la coupe Stanley, de même que de valeureux employés déguisés en bonhomme Kool-Aid et en bouteilles de condiments.

Une aide nécessaire
Cela dit, Renous avait cruellement besoin d’un coup de pouce financier. Le village de quelque 700 habitants peinait à entretenir son aréna, inauguré en 1984. « Un gros aréna comme ça, ça coûte cher. On mettait des sparadraps, mais l’an dernier, on se disait que ça nous prenait un plan pour que ça dure plus longtemps. On a pensé à Kraft Hockeyville, explique Zachary Hallihan, président du centre de loisirs de Renous. Seulement en électricité, c’est 6000 $ par mois. À la fin de la saison, s’il nous reste 15 $ dans le compte de banque, on est heureux. Avec ce concours, on a reçu 250 000 $ pour l’aréna. On a pu donner 10 000 $ à la banque alimentaire et 10 000 $ pour de l’équipement pour nos équipes. » L’aréna Tom-Donovan avait plutôt fière allure hier, avec ses bandes neuves tapissées de commanditaires.

Sans Gallagher
L’été dernier, le Canadien avait publié une vidéo mettant en vedette le petit Erik Burke, un partisan inconditionnel de l’équipe, qui habite à Miramichi. Youppi ! lui avait remis un t-shirt de Carey Price, tandis que Brendan Gallagher, son joueur préféré, avait tourné une vidéo pour le saluer. La famille Burke a reçu hier des laissez-passer pour assister à l’entraînement du CH de ce matin, de même que pour le tapis rouge qui précédera la rencontre, en plus de billets pour le match, évidemment. Par contre, ni Price ni Gallagher n’y seront. L’absence de Gallagher est particulièrement surprenante, puisque ses deux compagnons de trio depuis le début du camp (et l’an dernier), Tomas Tatar et Phillip Danault, seront en uniforme. « Il sera peut-être déçu, mais c’est l’expérience de match qui compte pour lui », a assuré la mère du garçon.