(Belleville) Nostalgiques des Expos, c’est l’heure de souffrir. Revenons à la glorieuse saison 1994, marquée notamment par le brio de Larry Walker, de Marquis Grissom, de Ken Hill et de John Wetteland.

Un arrêt de travail et une saison plus tard, Walker est parti à Denver à titre de joueur autonome. Les trois autres ? Ils ont valu aux Expos une collection de joueurs dont on ne prévoit pas, aux dernières nouvelles, retirer le chandail. Les noms les plus illustres : Roberto Kelly, Tony Tarasco, Kirk Bullinger, sans oublier Fernando Seguignol.

Ce qui nous amène aux Sénateurs d’Ottawa, dont les partisans souhaitent maintenant ne pas revivre le cauchemar de la bande de Felipe Alou. La formation ontarienne a procédé, dans la dernière année, à une liquidation semblable à celle des Expos d’il y a 25 ans. Cette fin de semaine, au tournoi des recrues, on aura droit à un aperçu de ce que Pierre Dorion a soutiré à ses homologues DG.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, ARCHIVES LE DROIT

Pierre Dorion, directeur général des Sénateurs

Quatre des vingt-huit joueurs présents à Belleville sont issus de ce grand ménage. Il s’agit de : 

– Josh Norris, attaquant de 20 ans qui vient de quitter les bancs d’école après deux saisons à l’Université du Michigan. L’an dernier, il y a récolté 19 points en 17 matchs. Il est perçu comme un futur centre bon dans les trois zones ;

– Erik Brännström, défenseur de 20 ans qui a amassé 32 points en 50 matchs dans la Ligue américaine l’an dernier. Comme Norris, il a été choisi au premier tour en 2017. Il a le potentiel d’un très bon défenseur offensif ;

– Vitaly Abramov, attaquant de 21 ans, auteur de 16 buts et 13 passes pour 29 points en 70 matchs dans la LAH l’an dernier. Très offensif pendant ses trois saisons en LHJMQ, il a été incapable de l’être à sa première année chez les pros ;

– Jonathan Davidsson, attaquant de 22 ans que la haute direction ottavienne aime beaucoup. Il débarque en Amérique du Nord après une campagne de 21 points en 37 matchs en Suède.

Ces joueurs ont tous été acquis dans la dernière année et participent à un premier tournoi des recrues avec les Sénateurs. Ça donne donc des scènes comme celle observée hier matin, quand l’entraîneur-chef, Troy Mann, a interrompu l’entraînement pour clarifier, à l’aide de quelques jurons, l’exercice en cours.

« À la défense des joueurs, ils viennent tous de programmes différents », a reconnu Mann, qui avait retrouvé le sourire après la séance. « Mais nous, à Belleville, on a établi nos standards à l’entraînement, et ça a donné des résultats la saison dernière. On veut recommencer de cette façon dès le départ. »

Dans un contexte plus léger, ça donne aussi des scènes comme celle qu’a décrite Norris.

« C’était drôle. L’autre soir, je soupais avec quatre coéquipiers : Brännström, Davidsson, Abramov et [Rudolfs] Balcers. Et on a réalisé que les cinq, on a été acquis dans des transactions. C’est comme si on avait tissé un lien de cette façon ! »

Des luttes partout

Sur la patinoire, une telle situation donne ce qu’Abramov a décrit comme un environnement « sain », expression que l’on n’a pas entendue souvent ces dernières années dans l’organisation d’Eugene Melnyk.

Selon CapFriendly, seulement 13 patineurs détiennent des contrats de la LNH à un volet, ce qui ouvre entre six et huit postes pour des joueurs qui possèdent des contrats à deux volets. Les contrats d’entrée que signent les recrues entrent dans cette catégorie.

Il y a beaucoup d’occasions à saisir. On est tous jeunes, on veut faire notre place, donc on se pousse les uns les autres. C’est un environnement très sain.

Vitaly Abramov

« Il y a de belles occasions pour nous, les jeunes, ajoute Brännström. Il y a déjà quelques jeunes établis à Ottawa, et il y en a d’autres ici. J’ai hâte de voir à quoi l’équipe ressemblera. »

Le revers de la médaille

Ces espoirs s’ajoutent aux jeunes Brady Tkachuk, Thomas Chabot et Colin White, déjà établis à Ottawa. Drake Batherson, Alex Formenton et Logan Brown, des produits « maison », frappent quant à eux aux portes de la LNH. Enfin, les transactions évoquées plus haut ont permis aux Sénateurs de repêcher Lassi Thomson – défenseur qui devrait jouer en Finlande cette saison – au 19e rang en juin. Sur papier, l’avenir semble rose dans la capitale canadienne.

Le problème, c’est que les Sénateurs ont payé un fort prix pour obtenir du renfort. Dans les 14 derniers mois, Dorion s’est défait d’un marqueur de 30 buts, de l’un des meilleurs défenseurs offensifs de sa génération, d’un centre de premier trio et d’un finaliste au trophée Selke. Ces joueurs sont, dans l’ordre, Mike Hoffman, Erik Karlsson, Matt Duchene et Mark Stone.

Il y a donc une certaine forme de pression pour que l’équipe rentabilise ses pertes. Brännström était la pièce maîtresse dans la transaction de Stone. Norris, lui, était le joueur le plus prometteur obtenu en échange de Karlsson. Des choix de premier et de deuxième tour s’ajouteront, mais un joueur de concession comme Karlsson doit bien rapporter au moins un pilier à l’équipe qui s’en sépare.

« Une transaction, ça vient avec des attentes, reconnaît Norris. Les partisans espèrent que tu sois bon dès le départ. Mais ils doivent comprendre que c’est un long processus. C’est du hockey professionnel, c’est difficile d’avoir un retentissement dès le départ. Chacun y va à son rythme. »

Alors oui, les Sénateurs sont sur la bonne voie. Les joueurs obtenus devraient connaître de plus belles carrières que les Tarasco et Seguignol susmentionnés. Mais les transactions des derniers mois leur donnaient la chance d’accélérer leur reconstruction. Les prochaines semaines nous donneront une meilleure indication du chemin à parcourir avant de voir le bout du tunnel.