Un joueur de hockey est susceptible de changer d’adresse à tout moment. Le vieil adage veut que si Wayne Gretzky a déjà été échangé, personne n’est à l’abri. C’est su et accepté de tous.

Mais ça ne rend pas les adieux plus faciles pour autant.

Quand Nicolas Deslauriers a été échangé du Canadien de Montréal aux Ducks d’Anaheim contre un choix de quatrième tour, Phillip Danault a eu un pincement au cœur.

Les deux hommes se connaissaient à peine quand Deslauriers est arrivé avec le Canadien, en novembre 2017. Ils ont rapidement créé une solide amitié, qui devra désormais se vivre à distance.

« Le fait d’être québécois, ici, tu te rapproches un peu plus vite de ceux qui viennent aussi d’ici, a reconnu Nicolas Deslauriers, croisé au tournoi caritatif de Kris Letang. On était souvent assis ensemble dans l’avion, on allait souper ensemble. Ce n’est pas que moi et lui qui nous entendions bien, nos deux femmes aussi s’entendaient bien. Ils ont eu un enfant, on en a trois, on les a aidés dans certaines situations. Quand c’est ton premier, tu ne sais jamais à quoi t’attendre. C’est une bonne personne. »

Cela dit, Danault n’est pas non plus tombé en bas de sa chaise quand il a appris que son ami était échangé. Le robuste attaquant l’avait prévenu que son nom circulait un peu partout dans les rumeurs de transactions.

De toute évidence, le Canadien cherchait aussi à changer la dynamique dans ses joueurs de soutien, après une saison d’essais et d’erreurs pour Claude Julien. Après une campagne inattendue de 10 buts en 2017-2018, Deslauriers a été réduit à un rôle secondaire l’année suivante. Il a commencé la saison en retard, résultat d’une longue absence pour guérir une fracture au visage subie lors d’un combat en présaison, et n’a plus jamais eu le même impact ensuite. Il a été laissé de côté dans 20 des 24 derniers matchs de la saison.

Ce n’était plus vraiment une question de savoir s’il allait être échangé, mais plutôt quand, et où. Quand c’est devenu officiel, Danault a vite invité la famille Deslauriers à souper.

Ce n’est jamais facile, les adieux. On s’est donné un câlin, ça va bien aller, mais je suis content pour lui. Il va jouer selon ce qu’il méritait.

Phillip Danault

Avec Andrew Shaw échangé tout juste avant, Danault reconnaît que le Canadien a perdu deux gros morceaux, pour l’intensité sur la glace, mais aussi dans le vestiaire. Il leur a immédiatement rendu hommage sur Instagram, avec la mention que « le hockey était parfois difficile à comprendre ».

« C’étaient deux bons rigolos. Je suis marqué à vie par ces gars-là. »

Et c’est réciproque pour Deslauriers.

« Tout le temps que Phillip met par exemple dans les médias, il est toujours présent. C’est un leader de cette manière-là. De la manière dont il joue aussi. Il a démontré qu’il pourrait être sélectionné pour le Selke un jour parce que c’est un joueur exceptionnel. C’est dur, mais c’est la vie de hockey. Tu te fais de bons amis, mais tu dois garder en tête que tu peux partir n’importe quand. Ce ne sera pas trop dur de garder contact. On a déjà regardé pour la pause du match des Étoiles pour voir si on peut faire quelque chose ensemble. C’est une relation qu’on a développée rapidement, et je pense que ça va tenir. »

Une belle place pour Deslauriers

Voilà pour la vie hors glace. Sur la glace maintenant, Deslauriers amorce un nouveau chapitre de sa carrière dans un marché qui a toujours laissé une place de choix aux joueurs de bon gabarit. Les Ducks, pour le meilleur et pour le pire, sont historiquement l’une des plus imposantes formations de la LNH.

Deslauriers était, avec Shea Weber, le seul joueur de plus de 210 livres avec le Canadien. Ils étaient huit lors du dernier match de la saison des Ducks.

Deslauriers avait admis plus tôt cet été que le triomphe des Blues de St. Louis, une équipe imposante elle aussi, l’avait rassuré sur la pérennité de son rôle dans la LNH. Il gardera de superbes souvenirs du Canadien, qui l’a traité « comme un roi », juge-t-il. De ses partisans aussi, passionnés entre tous. Mais il est prêt à relever les nouveaux défis.

« Chaque fois qu’on jouait contre Anaheim ou d’autres équipes de ce coin-là, on se disait que c’étaient de gros clubs qui aimaient le jeu robuste », dit Deslauriers.

Les Blues ont prouvé qu’être un peu plus gros en séries, ça aide beaucoup. La ligue change, il y a plus de petits joueurs rapides, mais il y a encore beaucoup de joueurs comme moi qui peuvent avoir un emploi.

Nicolas Deslauriers

Deslauriers a tenu à souligner les efforts des Ducks pour qu’il se sente le bienvenu. Peu après l’échange, il a reçu plusieurs appels de l’organisation. Il a aussi été invité par l’équipe, avec sa conjointe, à visiter les installations et à sonder les endroits où vivre.

« Ils m’ont très bien traité. Avec ma plus vieille qui commence l’école, c’est plus compliqué cette année. On va arriver d’avance, on part ce lundi. C’est différent, mais c’est mieux pour les enfants de se rendre là-bas de bonne heure. »

« C’était mieux pour lui pour qu’il joue là-bas, a admis Danault. Anaheim, ça ne pouvait pas mieux tomber pour son style. Toutes les équipes auraient besoin d’un joueur comme ça. »

Troisième édition du tournoi Kris Letang

Kris Letang tenait hier la troisième édition de son tournoi au profit de fondations liées à l’enfance : la Fondation CHU Sainte-Justine, la Fondation Véro et Louis et la Fondation Justin Lefebvre. Chacune des six équipes inscrites devait fournir huit joueurs et un gardien, et le défenseur des Penguins de Pittsburgh se chargeait de leur ajouter deux joueurs professionnels. Plusieurs ont répondu à l’appel. « La jeunesse est ce qu’il y a de plus important, a dit Letang. C’est le moment où les enfants créent leurs rêves, qu’ils vivent sans aucune pression. Ils s’amusent. On essaie de redonner à différentes fondations pour qu’ils améliorent leur qualité de vie. J’ai côtoyé des enfants malades qui n’ont pas les ressources pour vivre une belle enfance. Nous, on est choyés, on vit très bien, nos deux enfants sont en parfaite santé. Redonner aux autres est vraiment ce qu’il y a de plus important. » Letang espérait amasser 150 000 $ avec son événement.

— Jean-François Tremblay, La Presse