(CHÂTEAUGUAY) Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Marc-André Gragnani est assurément mieux formé que bien des joueurs de hockey !

Le Québécois de 32 ans, que l’on a vu dans la Ligue nationale à Buffalo, à Vancouver, en Caroline et au New Jersey, commence à rouler sa bosse dans les ligues européennes. Après des passages en République tchèque, en Suisse et en Biélorussie, voilà qu’il a disputé la dernière saison avec le Kunlun Red Star, l’équipe de la KHL établie… à Shanghai !

« C’est incroyable, c’est le New York de l’Asie ! s’enthousiasme le défenseur, rencontré pendant la semaine d’entraînement au gymnase Axxeleration. C’est 30 millions d’habitants [24 millions en 2017], c’était une expérience d’habiter là. »

Une « expérience ». C’est souvent là un euphémisme, une façon de laisser entendre que c’est en fait un véritable enfer. Mais Gragnani semble bien sincère quand il dit avoir apprécié sa saison en Chine.

J’ai adoré ça. Plus je vieillis, plus j’aime voyager. C’est une culture spéciale, très différente de la nôtre. Il y a du positif et du négatif, comme dans toute culture.

Marc-André Gragnani

« Ce que j’aime, c’est le chaos. Ici, au Québec, on est plus disciplinés dans notre conduite, dans la rue. Là-bas, tu fais ce que tu veux quand tu veux. Tout est permis ! Peut-être parce que c’est Shanghai. J’ai aimé l’énergie. Certains joueurs ne tripent pas, mais moi, j’ai aimé ça. »

Voyages, manque d’intérêt

Voilà pour le positif. Mais du point de vue du hockey, la vie à Shanghai était loin d’être rose.

L’équipe y est établie depuis trois saisons. Elle s’est qualifiée pour les séries la première année, et les a ratées les deux saisons suivantes. Pas besoin de chercher bien longtemps les facteurs qui expliquent les insuccès.

PHOTO TIRÉE DU SITE HCREDSTAR.COM

Établie à Shanghai depuis trois ans, l’équipe Kunlun Red Star a raté les séries éliminatoires de la KHL au cours des deux dernières saisons.

« C’est trop de déplacements, tranche Gragnani. À la fin de la saison, les gars sont brûlés. Il y a cinq heures de décalage entre Shanghai et Moscou, et plusieurs équipes sont situées dans ce fuseau horaire. Donc sur la route, c’est souvent cinq heures de différence. C’est dur. Les deux premiers mois, ça va, mais ensuite, les gars le sentent. »

« En général, notre calendrier, c’est quatre matchs à la maison, puis quatre matchs à l’extérieur, explique Gragnani. On partait toujours deux jours avant le premier match. Mais le plus dur était au retour. Aller vers l’ouest, ce n’est pas trop difficile, ton corps est en avance, tu te couches plus tôt et t’as ton sommeil. »

Mais une fois que tu t’es habitué, c’est dur de retourner dans l’est. À 10 h le soir, il est 5 h le soir dans ton corps. Tu ne dors pas. Les quatre ou cinq premiers jours, c’est très difficile de retrouver le rythme. C’est ça qui tue les joueurs à long terme. C’est dur pour l’équipe d’avoir du succès.

Marc-André Gragnani

On pourrait ajouter à cela un certain manque d’intérêt des partisans. Selon la Fédération internationale de hockey sur glace, l’équipe a attiré en moyenne 2569 spectateurs par match, un chiffre que Gragnani juge élevé.

« Les fans ? Il n’y a pas de fans là ! s’exclame-t-il. Zéro. Les foules, c’était peut-être 1000 personnes. C’est un bel aréna. C’est plate, mais tu t’y habitues.

« Au début, t’es déçu, mais c’est hors de notre contrôle. Tu peux même t’en servir à ton avantage. Quand les joueurs adverses arrivent sur le décalage, ils sont fatigués. S’il n’y a personne dans les gradins, qu’il n’y a pas d’ambiance, ils peuvent être “flat”, et c’est à ton avantage. »

Avenir nébuleux

Du point de vue personnel aussi, la saison a été difficile pour l’ancien choix de troisième tour des Sabres. Des problèmes à la tête l’ont limité à seulement 23 matchs. Aujourd’hui, il dit aller « beaucoup mieux ».

PHOTO TIRÉE DU SITE HCREDSTAR.COM

Selon la Fédération internationale de hockey sur glace, le Kunlun Red Star de Shanghai a attiré en moyenne 2569 spectateurs par match lors de ces matchs l’an dernier.

« Je me suis fait frapper à la tête. J’ai reçu un diagnostic de commotion. Ensuite, ce n’était plus vraiment ça. C’était bizarre. Je n’ai pas vraiment eu de réponse. J’ai pris mon temps et ça va beaucoup mieux. »

On le voyait aller au gymnase la semaine dernière et à le voir forcer, il semblait effectivement bien se porter. Il préfère poursuivre son entraînement estival en compagnie du préparateur physique Sébastien Lagrange. « J’aime mieux m’entraîner ici et rester à la maison. Là-bas, tout le monde s’entraîne ensemble en suivant le même programme. Ici, c’est personnalisé. »

Au moment de le rencontrer, Gragnani ignorait toujours où il jouerait en 2019-2020. Il vise toujours la KHL. Il y a joué quatre saisons, mais, curieusement, aucune pour une équipe établie en Russie. Il a joué deux ans à Minsk, un an à Prague et un an à Shanghai. « Ça n’a jamais adonné, mais j’aimerais vraiment ça ! »