(Boston) La sensation est toujours spéciale quand on embarque sur la glace en même temps que la coupe Stanley. De voir les joueurs célébrer avec leurs proches, conjointes, enfants, parents, dans l’euphorie de la victoire.

David Perron avait plus ou moins envie de parler mardi, à la veille du match. Maintenant champion, il n’avait plus de filtre.

«David, à quel point es-tu magané, après deux saisons de suite à atteindre la finale?

– Je suis en train de perdre la voix. Je n’ai plus d’énergie. Ça fait deux ans de suite que je vais en finale. Je vais profiter de mon été.»

Ryan O’Reilly lui aussi a eu sa version de la réponse sur l’exigeante saison, d’autant plus qu’il venait de disputer son 108e match.

«J’ai toujours cru qu’on pourrait réussir, mais c’est épuisant. Je suis tellement épuisé…»

Évidemment, Perron s’est imaginé un scénario où la Coupe Stanley lui échappait deux années de suite en finale. L’idée lui a traversé l’esprit, avant le quatrième match, au moment où les Bruins avaient l’avance 2-1 dans la série.

«Ça nous prenait absolument la victoire. Quand on l’a eue, j’ai commencé à y croire. C’est comme si, dans ma tête, on avait franchi une étape.»

Il s’est aussi réjoui d’avoir pu jouer un rôle de premier plan dans cette conquête, sur un trio très efficace avec Ryan O’Reilly et à tour de rôle Samuel Blais et Zach Sanford. L’an dernier, comme il l’avait admis avant la finale, il avait dû combattre une blessure au cou et un virus. Il n’avait jamais réussi à s’établir comme un incontournable et avait même été laissé de côté en finale.

«Je n’avais pas ma santé l’année passée. C’était extrêmement difficile de vivre ça, je n’en parlais même pas à mes coéquipiers. J’essayais de ne pas être une distraction. J’essayais de faire une différence, mais je n’étais pas capable.

«Cette année, j’avais un trio constant avec O’Reilly. Il gagne le Conn-Smythe, et le pire c’est qu’au début, on disait qu’il avait des séries ordinaires. Imaginez. J’ai toujours cru en lui, c’était notre meilleur joueur.»

Comment pourrait-il décrire l’improbable parcours des Blues, qui sont littéralement passés de derniers à premiers? «On n’arrête jamais, on trouve tout le temps le moyen. On a perdu 7-2, on a perdu 5-1 en finale. Notre groupe est incroyable.»

En tout cas, Perron a promis d’amener le trophée au lac Memphrémagog cet été. La coupe Stanley passera aussi par Montmagny, entre les mains de Samuel Blais.

À 3-0 pour les Blues, qu’est-ce qui lui passait par la tête?

«Que j’allais être un champion de la Coupe Stanley. C’est arrivé, et je n’ai pas de mots pour le décrire. On n’a jamais lâché, on a toujours travaillé fort. Je n’ai jamais abandonné dans la vie et aujourd’hui je suis champion de la Coupe Stanley.»

PHOTO WINSLOW TOWNSON, USA TODAY SPORTS

Pat Maroon soulève la Coupe Stanley.

«Indescriptible»

À l’autre bout de la glace, il y avait Pat Maroon qui dansait avec son fils Anthony. Leur histoire est belle et elle fait aussi partie de l’ADN des Blues. En résumé, Maroon a accepté un contrat plus modeste des Blues pour pouvoir vivre avec sa famille, établie à St. Louis. Il en avait assez de quitter les siens à chaque début de saison. Le voici champion, avec l’équipe de son enfance.

«J’avais une vision où on gagnait à la maison. Mais on a gagné à Boston, et je ne peux pas attendre de me rendre à la maison et de célébrer avec nos partisans. Je n’oublierai jamais ça. St. Louis, c’est chez moi maintenant. J’en veux plus encore.»

Et combien de temps dureront les célébrations cet été? «Longtemps, je vous le jure.»

PHOTO GREG M. COOPER, USA TODAY SPORTS

Gary Bettman, commissaire de la LNH, remet le trophée Conn-Smythe (joueur le plus utile des séries éliminatoires) à Ryan O'Reilly.

Dans la salle de conférence, Ryan O’Reilly souriait à belles dents, avec le trophée Conn-Smythe à ses côtés.

«C’est indescriptible. C’est le but ultime. Je regarde les noms sur ce trophée, et de faire partie de ce groupe… J’ai fait semblant que j’étais la plupart de ces joueurs quand j’étais enfant. C’est immense. J’ai tellement de gens à remercier.

«Je ne serais pas ici sans mes parents, sans leurs sacrifices de temps et d’argent. C’était émotif de les voir sur la glace. Ils ont mis leur vie de côté pour leurs enfants, je ne peux pas les remercier assez.»

L’entraîneur-chef Craig Berube, qui le suivait sur le podium, avait encore le visage impassible du vétéran qui a tout vu. La mimique contrastait avec sa casquette de champion. Quelle a été la force de son équipe, jusqu’aux grands honneurs?

«L’équipe. Les joueurs pensaient d’abord à l’équipe. C’est le message depuis longtemps, ils l’ont assimilé. Nous sommes champions, mais quand ils l’ont compris à la mi-décembre, avec Jordan Binnington pour solidifier la position de gardien, nous sommes devenus une plutôt bonne équipe.»

PHOTO GREG M. COOPER, USA TODAY SPORTS

Les Bruins encaissent le choc de la défaite.

«Ça nous brise le cœur»

«C’est difficile de décrire à quel point ça nous brise le cœur. On a travaillé si fort, mais ça ne s’est pas passé comme on voulait. Je n’arrive pas à croire que l’on a échoué. Ce n’était pas le scénario qu’on avait en tête. Mais j’aime ces gars. Nous sommes passés si près. Je les aime tous. Je suis fier de tout le monde qui a travaillé si fort pour se rendre ici. Nous formons tout un groupe. Nous sommes comme une famille, donc ça fait mal.» – Brad Marchand

«Il n’y a pas de mots pour décrire le sentiment, nous sommes tous très émotifs en ce moment. C’est beaucoup de travail pour atteindre la finale. Nous formons un groupe très uni. Ça fait mal de perdre quand tu passes aussi près.» – Patrice Bergeron, qui traînait une blessure à l’aine depuis un moment (il l’a aggravée en finale)

«J’ai aussi vu mon capitaine Z [Zdeno Chara] avec les larmes aux yeux. Les occasions de gagner la Coupe Stanley n’arrivent pas souvent. Quand tu joues dans la LNH depuis longtemps, tu le sais encore plus. Z et moi sommes deux vétérans. Je ne peux pas dire que ça fait plus mal. Mais c’est encore une claque dans la face.» – Patrice Bergeron 

«C’est un sentiment de vide. L’année a été longue. Il devait y avoir un gagnant et un perdant, et on a été du mauvais côté. Ce n’était pas le scénario espéré, c’est aussi simple que ça. Il n’y avait rien à dire vraiment aux joueurs, autre que de dire que j’étais fier d’eux. Ils doivent partir d’ici la tête haute. Il n’y a pas eu de long discours, c’est tout. J’aurai l’occasion de leur reparler, mais en ce moment, ils ne veulent rien entendre de moi.» – L’entraîneur-chef des Bruins, Bruce Cassidy

Propos recueillis par Jean-François Tremblay, La Presse