(St. Louis et Boston) Pour la première fois depuis 2011, la finale de la Coupe Stanley se décidera en sept matchs. Blues et Bruins disputeront respectivement un 108e et un 106e match cette saison. Neuf mois de dur labeur… pour un championnat qui sera déterminé par 60 minutes de hockey. Comment départager les forces en présence? Nos journalistes Guillaume Lefrançois et Jean-François Tremblay tentent d’y voir clair.

Pourquoi les Blues vont gagner

1- Parce qu’ils sont bons sur la route

Depuis le début des séries, les Blues affichent un dossier de neuf victoires et trois défaites sur les patinoires adverses. À domicile, malgré leurs bruyants partisans, c’est une fiche de 6-7. L’hiver dernier, les Blues ont connu une séquence de 11 victoires d’affilée; huit de ces triomphes ont été signés sur la route. Vous commencez à comprendre: les Blues n’ont aucun complexe devant une foule hostile. «On a eu beaucoup d’entraînements à l’étranger en janvier et en février, donc je crois que ça nous a aidés, a expliqué Craig Berube, entraîneur-chef des Blues, en point de presse à l’aéroport, juste avant de s’envoler pour Boston. On pratique un style assez simple, on envoie des rondelles profondément en zone adverse et on fait de l’échec avant. Ce genre de chose nous permet de connaître du succès à l’étranger.» Les deux dernières fois que la finale de la Coupe Stanley s’est décidée en sept matchs, c’est l’équipe visiteuse qui l’a emporté: Boston à Vancouver en 2011 et Pittsburgh à Detroit en 2009.

2- Parce que Binnington fait souvent mentir ses détracteurs

Si les Blues étaient dirigés comme les Alouettes, Jordan Binnington aurait été libéré après sa performance de dimanche et Berube ne serait pas derrière le banc pour le septième match. On exagère un brin, mais Binnington a perdu de sa superbe ce printemps. En finale, il présente une efficacité de ,901. Des buts louches, comme celui de Karson Kuhlman en troisième période dimanche, sont de plus en plus fréquents. Cette baisse de régime était toutefois à prévoir. Binnington, doit-on le rappeler, était jugé à peine assez bon pour la Ligue américaine en septembre ; tôt ou tard, certaines failles allaient apparaître. Par contre, l’homme masqué possède cette capacité de rebondir après ses échecs. Prenez les trois dernières fois où il a accordé quatre buts ou plus. Sa fiche dans les matchs qui suivent: 3-0, moyenne de 1,67 et efficacité de ,937. «Il est très stable dans ses émotions et comprend que les choses ne vont pas toujours à ton goût, que tu n’as pas toujours les bonds favorables. C’est pourquoi il est capable de rebondir», estime Berube.

3- Parce que l’avantage numérique va débloquer

Un but en 18 occasions, soit 5,5%: c’est l’efficacité des Blues en avantage numérique en finale. Contre un certain Brad Marchand, il est essentiel de profiter de l’indiscipline de l’adversaire. Il y a toutefois de l’espoir. Dimanche, les Blues ont fait chou blanc en quatre avantages numériques, mais ont tout de même obtenu 12 tirs pendant ces huit minutes. Il a fallu un arrêt au vol du défenseur Charlie McAvoy pour empêcher les Blues de marquer. «On a eu des occasions. Mais ça nous prend des résultats et on en est conscients», a rappelé Berube. Le réveil de Jaden Schwartz ne nuirait pas non plus. Après avoir inscrit 12 buts dans les trois premiers tours des séries, il a été blanchi depuis le début de la finale. «On doit se faire des passes précises et être en mouvement entre le bas et le haut de la zone offensive, a expliqué Schwartz. Quand on est statiques et qu’on se fait simplement des passes, on ne les force pas à se déplacer.»

4- Parce que Ryan O’Reilly

Tout simplement. O’Reilly, c’est le Patrice Bergeron des Blues. C’est le centre capable de neutraliser l’adversaire, talentueux offensivement, excellent aux mises en jeu, employé dans toutes les facettes du jeu. À lui seul, il peut transporter son équipe vers la victoire. En voici un, d’ailleurs, qui donne la contribution attendue depuis le début de cette finale: quatre buts, trois aides, différentiel de +3, 56 % aux mises en jeu, 20 minutes par match sur la patinoire. Dimanche, lui et son ailier David Perron ont été, et de loin, les meilleurs joueurs de leur camp. Si O’Reilly demeure aussi dominant, si Perron affiche la même énergie qui a dérangé les Bruins à quelques reprises dimanche, ce trio aura son mot à dire dans une éventuelle victoire de St. Louis.

5- Parce qu’ils sont plus costauds

Il est assez drôle de constater que les Bruins, qui ont historiquement déployé des équipes lourdes, robustes et intimidantes, sont désavantagés dans cet aspect du jeu contre les Blues. Tous les défenseurs des Blues mesurent six pieds ou plus; le plus léger est Carl Gunnarsson, à 198 lb. À l’avant, Patrick Maroon, Samuel Blais et Oscar Sundqvist ne se gênent pas pour donner des coups d’épaule. Depuis le début de la finale, les Blues ont l’avantage 225-203 dans la colonne des mises en échec. «Tôt dans le match, même si on joue dans leur amphithéâtre, on est certainement capables d’être robustes. Ça nous a souri dans cette série», a jugé le défenseur Alex Pietrangelo. À ce sujet, le retour probable d’Ivan Barbashev aidera la cause des Blues. Suspendu pour le sixième match, le Russe est premier chez les Blues avec 80 mises en échec ce printemps.

PHOTO GREG M. COOPER, USA TODAY SPORTS

Brad Marchand

Pourquoi les Bruins vont gagner

1- Parce qu’ils ont été dans cette situation

La dernière fois qu’il y a eu un septième match pour gagner la Coupe Stanley, c’était en 2011. Qui l’avait emporté? Les Bruins de Boston, en servant une correction de 4-0 aux Canucks de Vancouver. Les frères Sedin, les visages d’une génération de partisans des Canucks, avaient terminé le match à -4. Patrice Bergeron avait marqué deux buts, dont un en désavantage numérique. Brad Marchand avait inscrit les deux autres filets et ajouté une aide. Zdeno Chara avait passé plus de 27 minutes sur la glace. Qu’ont en commun ces trois joueurs? Ils sont encore avec les Bruins, et ils font partie du costaud groupe de leadership de l’équipe. Ils savent ce que ça prend pour gagner le match le plus difficile à remporter. Ils l’ont déjà fait. «Il n’y a jamais eu un septième match à Boston en finale, n’est-ce pas? Je dirais que la meilleure manière de garder la tête froide, c’est de se baser sur les expériences passées, mais il n’y en a pas, a dit Torey Krug. En revanche, on a l’expérience de ceux qui ont joué le septième match à Vancouver. C’est dur. Ce sera le match le plus excitant de nos vies. Celui qui gardera son contrôle et sa discipline, dans sa manière d’aborder ce match, va l’emporter. On a un groupe discipliné, avec de grands meneurs.»

2- Parce qu’ils font regretter l’indiscipline

Les Blues savent trop bien qu’ils n’auront pas le loisir d’être indisciplinés, et que les Bruins ont tout ce qu’il faut pour leur faire écoper de pénalités. C’est vrai que le cahier de règlements est différent en séries, mais c’est un tout autre débat. Si les Blues sont trop souvent punis, les Bruins vont les faire payer, point à la ligne. Leur avantage numérique est à 32,9%. C’est stratosphérique. La grande ironie est qu’il est largement moins efficace à la maison qu’à l’étranger (23,1% contre 44,1%). N’empêche, c’est un risque que les Blues n’oseront pas prendre. Les Bruins ont marqué sept buts de cette manière contre les Blues, dont quatre en un seul match. C’est aussi en avantage numérique qu’ils ont donné le ton dans le sixième match, finalement une déroute pour le camp des Blues. Et qui a marqué? Brad Marchand, d’un parfait tir sur réception. Parlant de Brad Marchand…

3- Parce que la peste est de retour

On a fait grand cas de la contribution offensive anémique de Marchand contre les Blues. Avant le sixième match, il n’avait marqué qu’une seule fois, dans un filet désert. Son trio avec Patrice Bergeron et David Pastrnak, pourtant l’un des meilleurs de la LNH, a trop souvent perdu ses confrontations, notamment contre le gros trio des Blues. Puis les images ont circulé, le trio à l’entraînement, assis au banc, en conciliabule. Le soir même, Marchand a marqué et servi une passe parfaite à Pastrnak. Marchand est le meilleur marqueur des séries, avec 23 points. S’il a débloqué pour vrai, il fera très mal aux Blues. Après tout, les Bruins n’ont jamais perdu depuis le début des séries quand il marque… «L’exemple des vétérans explique notre constance, a dit Torey Krug. Comme groupe, nous sommes capables d’accepter ce qui s’est passé, de le mettre derrière nous, et de passer à autre chose. C’est notre mentalité. C’est pour cette raison qu’on ne baisse jamais les bras.»

4- Parce que Tuukka Rask est sublime

Puis il y a Tuukka Rask. Quand les Bruins ont gagné le septième match contre les Canucks, ils avaient pu compter sur la splendide prestation de Tim Thomas. Tuukka Rask, à l’époque, regardait ses acrobaties du bout du banc. Ensuite, Rask a lui-même perdu sa finale en 2013, contre les Blackhawks de Chicago, malgré de superbes séries. Cette fois, il a la chance de faire taire une fois pour toutes ceux qui ont remis en question son statut de gardien étoile à travers les années. Dans le sixième match, Rask a petit à petit grugé le moral des Blues, un arrêt à la fois. Même le but qu’il a accordé est passé à deux doigts d’être un arrêt spectaculaire. Il fallait voir Alex Pietrangelo lever les yeux au ciel, après une énième occasion de marquer pour comprendre que Rask était bien installé dans leur tête. Son efficacité est à ,938, ce qui le place à côté des grandes performances de l’histoire en séries. Celles des Patrick Roy, Martin Brodeur, Jean-Sébastien Giguère, Tim Thomas, Jonathan Quick et Dominik Hasek. Rien que ça.

5- Parce que… parce que

Puis, il y a l’impondérable. Quand on a demandé à l’entraîneur-chef Bruce Cassidy ce qui restait dans le réservoir des Bruins, sa réponse n’a pas tardé. «Beaucoup. Il en reste beaucoup.» Il y a l’exceptionnel leadership de Patrice Bergeron, celui qui a joué presque 18 minutes avec un poumon perforé en 2013. Celui qui a livré le discours d’avant-match qui a inspiré les siens à pousser la finale en sept. Celui de Zdeno Chara, qui s’est fracturé la mâchoire et qui n’a même pas manqué un match. Il y a aussi la maladresse du St. Louis Post-Dispatch, qui a publié par erreur un mot de remerciement du propriétaire des Blues, comme si la conquête était chose faite. On y dévoilait même le parcours du défilé. «C’est toujours mieux de ne pas s’emballer trop vite, a dit Krug. Tu dois vivre le moment présent. Tout ce que tu contrôles est le match à venir. Si tu ne gagnes pas, tu ne vivras rien de tout ça [le défilé, la première page des journaux]. C’est ma motivation. Le travail n’est pas terminé.»