La question était bien simple. « Que voulais-tu prouver aux recruteurs pour ton année de repêchage ? »

« Je voulais leur montrer qu'on était capables de gagner. Je voulais que mon équipe gagne, je voulais être un facteur qui aiderait notre équipe à gagner un championnat. Le hockey, c'est un sport d'équipe et les gars en haut ne veulent pas de joueurs individualistes, ils veulent des joueurs d'équipe. Je me suis battu pour mes coéquipiers, j'ai bloqué des tirs, j'ai joué blessé.

« Oui, le repêchage, c'est individuel, mais quand tu arrives en haut, tu es dans une équipe. »

La réponse est digne de mention, parce qu'elle a été formulée par un joueur, Raphaël Lavoie, qui a longtemps eu la réputation d'être individualiste.

Entendons-nous : son talent n'a jamais fait de doute. Ce talent fait en sorte qu'il est l'espoir de la LHJMQ le mieux classé (20e en Amérique du Nord) par la Centrale de recrutement de la LNH en vue du repêchage 2019. Ce talent a sauté aux yeux lors des dernières séries, où le gaillard de 6 pi 4 po a récolté 20 buts et 12 passes pour 32 points en 23 matchs, menant les Mooseheads d'Halifax à la grande finale.

« Ses habiletés, son gabarit, son désir de marquer, sa force physique, son jeu en séries, quand il a élevé son jeu, énumère un dépisteur, qui n'est pas autorisé à parler publiquement. Tu ne peux pas vraiment te tromper. »

« Le recrutement est une science inexacte, mais [Lavoie] reste tout un projet. C'est excitant pour un coach qui va l'avoir dans la Ligue nationale. » - Un dépisteur de la LNH

C'est plutôt à l'extérieur de la patinoire qu'il y avait des doutes, notamment en raison d'un père (l'ex-maire de Chambly Denis Lavoie) qui a été mêlé à plusieurs controverses, dont une concernant sa fille et son équipe de soccer.

En entrevue avec La Presse vendredi, Lavoie est resté imperturbable quand on a abordé ces sujets avec lui. Sent-il qu'il devait changer la réputation qui le précédait ?

« Je ne pense pas. J'ai toujours joué pour les gars. L'an dernier, ç'a été plus difficile, on avait moins de chimie, mais je ne pense pas que c'était moi, le problème. C'était autre chose. On a réglé ça tous ensemble. »

Dans les entrevues accordées cette semaine, les dépisteurs lui en ont-ils parlé ? « Je ne me suis pas fait demander ça en entrevue. »

Et son père, on lui en a parlé ? « Oui. Je leur ai dit que mon père, c'est mon père. Moi, je suis moi. Il n'y a pas de journal de Chambly à Halifax. Je me concentrais sur le hockey et je soutenais mon père dans les moments difficiles. »

Pour un intervenant du hockey junior qui souhaitait demeurer anonyme parce qu'il travaille pour une autre organisation, le constat est clair. « Il est en train de faire taire ces critiques-là. Ceux qui font carrière après avoir eu ce genre de réputation, c'est parce qu'ils grandissent. »

« Toutes les histoires à son sujet, je les ai entendues, comme tout le monde, affirme Martin Bernard, ancien entraîneur-chef du Drakkar de Baie-Comeau. Mais sur la glace, il apparaît plus engagé collectivement, envers son équipe. C'est sûr qu'il y a une évolution. »

Un homme occupé !

Une chose est sûre : Lavoie suscite l'intérêt des équipes. Elles sont 25 - dont le Canadien - à l'avoir interviewé, visiblement intriguées par le « beau risque » qu'il représente.

Le hic : il a joué au hockey jusqu'à dimanche dernier, puisque les Mooseheads ont participé à la finale de la Coupe Memorial, pendant que la plupart des espoirs arrivaient à Buffalo et amorçaient leur tournée d'entrevues le lendemain.

« Après la finale [de la Coupe Memorial], on est retournés à l'hôtel, on était déçus. Le lendemain, on a eu congé, j'ai fait mes valises. Mardi, j'ai voyagé vers Buffalo. J'avais deux jours de retard sur les gars qui avaient commencé dimanche. J'ai commencé mon Combine mercredi. » - Raphaël Lavoie

Vendredi, il a fait ses quatre dernières entrevues. C'est donc dire que mercredi et jeudi, il a rencontré 21 équipes ! « C'était une entrevue après l'autre. Des fois, des équipes te retiennent un peu plus longtemps que d'autres. Donc je courais en habit. L'entrevue finit, et si une équipe est à un bout, que l'équipe suivante est à l'autre bout et que tu as une minute, tu dois courir. »

Lavoie n'a pas fini de voyager, mais cette fois, ça se fera dans des circonstances moins stressantes. C'est qu'il prévoit se rendre au repêchage avec ses parents, son frère et sa soeur... en véhicule récréatif !

« On va atterrir à Calgary, et de là, on va louer un VR et on va traverser les Rocheuses. Mon père va conduire, et moi, je vais juste profiter du voyage et regarder les montagnes. »