La science a beau évoluer, les murs n’ont toujours pas d’oreilles, aux dernières nouvelles. On ne pourra donc jamais savoir avec certitude ce qui s’est dit dans les 85 entrevues que le Canadien a menées cette semaine au camp d’évaluation de la LNH en vue du repêchage 2019. Après avoir recueilli des témoignages tout au long de la semaine, on peut toutefois avoir une idée de l’expérience qu’ont vécue les jeunes qui ont rencontré Trevor Timmins et son groupe.

Les gros bras

Lorsqu’ils entraient dans la loge du KeyBank Center où le CH était installé, les joueurs étaient notamment accueillis par Timmins, Marc Bergevin, Martin Lapointe et Shane Churla. Quatre hommes de hockey qui ont en commun d’avoir de gros biceps. C’est ce qui a fait dire (en riant) au Québécois Alex Campbell (43e espoir nord-américain) que la scène était quelque peu « intimidante ». Au moins deux autres joueurs ont parlé des gros bras des membres de l’état-major du CH quand on leur a demandé ce qui les avait marqués durant leur entrevue avec Montréal.

La langue

Il ne semblait pas y avoir de ligne directrice pour la langue. Campbell, qui a grandi à Châteauguay, mais qui joue maintenant à Victoria, en Colombie-Britannique, s’est ainsi fait demander de parler un peu français, afin d’être mis à l’épreuve. Vérification faite, son français n’était pas très rouillé ! Alex Beaucage (64e espoir nord-américain) a quant à lui eu droit à une entrevue surtout en français. « C’était plus en français. Même Trevor Timmins parle un peu français. C’est surtout M. [Serge] Boisvert qui faisait l’entrevue, il était super gentil, a raconté l’attaquant des Huskies de Rouyn-Noranda. Il disait qu’il a un restaurant à Trois-Rivières. C’est là que j’habite. J’y ai déjà été, je ne savais pas que c’était à lui ! » Pour les entrevues de Jakob Pelletier (27e espoir nord-américain) et Samuel Poulin (22e), les questions venaient surtout de Timmins et les entrevues se déroulaient surtout en anglais.

L’accent irlandais

Nathan Légaré (54e) a quant à lui été surtout questionné par « le psy ». Le psy, c’est le Dr David Scott, le consultant en psychologie sportive du Canadien. Thomas Harley (11e) y a aussi eu droit. « Il y avait un Irlandais qui posait la plupart des questions. Les autres embarquaient un peu aussi. Son accent était difficile à comprendre les premières questions, mais j’ai fini par m’y habituer ! », a expliqué le défenseur des Steelheads de Mississauga. Quelle est l’importance du Dr Scott ? « C’est bien d’avoir dans la salle une personne qui n’est pas biaisée, explique Timmins. On a vu ces joueurs sur la glace, donc on finit par être un peu biaisés. C’est bon d’avoir ce psychologue sportif qui n’a pas vu les joueurs sur la patinoire. Par contre, il a reçu les résultats de questionnaires envoyés aux joueurs en cours de saison. Il a décelé des drapeaux rouges et des drapeaux verts, il peut donc aborder certains aspects précis. »

La psychologie…

La dimension psychologique est évidemment au cœur de la démarche des équipes cette semaine. Cela dit, de l’avis général, aucune question particulièrement corsée ne nous a été rapportée par ceux qui ont été rencontrés par le CH. « C’était surtout des mises en situation de hockey, des questions de leadership, pour savoir comment on réagirait », expliquait un joueur. En revanche, d’autres équipes ont pris les grands moyens pour déstabiliser les jeunes devant eux. Plusieurs joueurs nous ont raconté que les Blues de St. Louis, par exemple, leur demandaient de raconter une blague. Les Coyotes de l’Arizona, eux, montraient aux espoirs des séquences vidéo peu flatteuses les mettant en vedette et leur demandaient d’expliquer leurs erreurs.

… et la physiologie

Les équipes ici présentes ont toutes accès aux résultats des tests que les joueurs font depuis jeudi et aux mêmes mesures. Par contre, les entrevues peuvent servir à obtenir des précisions quant à la signification de ces mesures. « Il y a de nombreux solides défenseurs qui mesurent entre 5 pi 11 et 6 pi dans ce repêchage. L’une des choses qu’on essaie de déterminer, c’est de savoir qui a encore un potentiel de croissance. Il y a toujours des joueurs qui mesurent deux ou trois pouces de plus deux ans plus tard », a rappelé Timmins. C’est là que les questions sur les antécédents familiaux et les poussées de croissance deviennent utiles.

Qui a été rencontré ?

Timmins affirme que tous les espoirs de la LHJMQ invités à Buffalo étaient au nombre des 85 jeunes interviewés par le CH. « On ne se concentre pas sur la crème de la crème, étant donné qu’on repêche au 15e rang, a expliqué Timmins. Ce sera plutôt difficile de monter dans le top 10. De plus, nos recruteurs ont déjà interviewé ces joueurs. […] On a fait venir des gens du groupe de direction, comme Marc Bergevin, Scott Mellanby, Martin Lapointe et John Sedgwick. Ils sont tous ici pour deux jours, pour certaines des entrevues les plus importantes avec des joueurs que l’on surveille. » Bien des partisans souhaitent voir l’équipe utiliser son premier choix pour obtenir du renfort du côté gauche de la défense. À cette position, deux arrières pourraient être disponibles au moment où le Canadien montera au podium : Thomas Harley et Cam York, classés respectivement 11e et 12e en Amérique du Nord. Les deux nous ont confirmé avoir rencontré Montréal cette semaine.

Cap sur l’Europe

Timmins s’envolera bientôt pour l’Europe, où l’équipe tiendra pour une deuxième année de suite un camp d’évaluation pour une quinzaine d’espoirs qui jouent outre-mer. L’an passé, Alexander Romanov et Jesse Ylonen, tous les deux repêchés au deuxième tour, étaient issus de ce camp d’évaluation. Timmins a expliqué que ces camps d’évaluation maison (l’équipe en organise également un à Brossard) étaient particulièrement importants pour les informations d’ordre médical qui y sont récoltées. « On veut s’assurer que les joueurs que l’on repêche sont en santé et capables de continuer à jouer. L’an passé, à notre camp à Montréal, on a découvert un problème cardiaque chez un joueur. Il devait participer à un tournoi de soccer la fin de semaine suivante. Il a consulté et a eu besoin d’une opération cardiaque mineure. Parce qu’il a eu ça, il a pu continuer à jouer au hockey l’automne suivant. S’il n’avait pas eu ce diagnostic, qui sait ce qui se serait passé ? On veut détecter tout indice significatif qui pourrait nuire au développement du joueur. »