On ne peut pas vraiment décrire le gardien Jordan Binnington comme le personnage le plus bouillant de sa profession. Ni comme un monstre de charisme – « les gars ont bloqué des tirs et on a essayé de fermer la porte », a-t-il encore philosophé hier.

Il fallait donc qu’il soit particulièrement hors de lui pour enguirlander les arbitres et frapper la bande avec son bâton, comme il l’a fait mercredi soir après l’infâme but des Sharks en prolongation.

À sa première expérience en séries dans la LNH, Binnington allait-il pouvoir retrouver sa concentration pour le match numéro 4 ? Vingt-neuf arrêts et une première étoile plus tard, on peut conclure que oui. Bien que les Sharks aient essentiellement dominé les 40 dernières minutes de la partie, les Blues ont réussi à s’accrocher à leur avance acquise au premier vingt pour signer un court gain de 2-1 hier et ainsi créer l’égalité dans la série, soit deux victoires partout.

Pendant toute la rencontre, Binnington a été d’un calme olympien. Laissé fin seul devant le filet pendant de longues secondes en première période, Melker Karlsson n’a jamais vu d’ouverture apparaître dans la murale du gardien en bleu. L’arrêt de la mitaine a semblé d’une facilité déconcertante pour le jeune gardien.

Et alors que ses coéquipiers se débattaient devant les charges incessantes des Sharks en fin de match, jamais Binnington n’a perdu son sang-froid. Pas même lorsqu’un quintette exténué mené par Alex Pietrangelo a passé plus d’une minute sur la glace, menotté dans sa zone après deux dégagements refusés. Le film ressemblait étrangement aux dernières secondes du match précédent, alors que les Blues avaient manqué d’essence et vu leurs adversaires créer l’égalité. Mais à la sirène finale, hier soir, le dénouement était tout autre.

Mine de rien, Jordan Binnington est devenu le premier gardien de l’histoire des Blues à signer 10 victoires au cours d’une même année en séries éliminatoires.

Le compteur s’était arrêté à 9 pour Brian Elliott en 2016 et pour Roman Turek en 2001. Et bien que St. Louis ait atteint la finale de la Coupe Stanley à ses trois premières saisons dans la LNH de 1968 à 1970, les équipes disputaient à l’époque une ronde de moins ; chaque fois, les Blues avaient été blanchis en ronde ultime.

Depuis le début de l’irrésistible ascension de Jordan Binnington, nombreux sont ceux qui l’ont comparé à Andrew Hammond, qui avait transporté les Sénateurs d’Ottawa jusqu’aux séries en 2015. Le printemps venu, le Hamburglar s’était toutefois effondré.

Les comparaisons peuvent donc s’arrêter ici.

Oublier

Pendant les 48 longues heures qui ont suivi le but en prolongation de mercredi soir après que les arbitres eurent raté une passe avec la main, l’entraîneur des Blues Craig Berube s’est évertué à répéter qu’il fallait effacer ce vilain souvenir et passer à l’étape suivante le plus vite possible.

Ses hommes l’ont pris au mot. Le match n’avait que 35 secondes lorsqu’un tir d’Ivan Barbashev a trouvé son chemin derrière Martin Jones après avoir dévié sur le bâton de Gustav Nyquist.

Le quatrième trio des Blues, que Barbashev complète avec Oskar Sundqvist et Alex Steen, a d’ailleurs passé la soirée à faire mal paraître les gros canons des Sharks.

Tyler Bozak a doublé l’avance des siens en fin de première en poussant une rondelle libre sous Jones pendant un avantage numérique.

Les Sharks ont passé la vitesse supérieure dès leur retour du premier entracte, mais chaque fois, Jordan Binnington a résisté, aidé notamment de son défenseur Carl Gunnarsson qui a privé Logan Couture d’un but certain alors que le gardien des Blues était à l’évidence battu.

Il aura fallu attendre la troisième période pour voir les Sharks répliquer. Tomas Hertl, discret jusque-là, n’a eu qu’à pousser la rondelle dans la cage déserte après que Binnington eut partiellement stoppé un violent tir de Brent Burns en avantage numérique.

PHOTO AARON DOSTER, USA TODAY SPORTS

Brent Burns a terminé la rencontre avec 14 tirs qui ont été bloqués ou qui ont raté la cible. Seuls deux de ses tirs ont atteint le gardien.

Parlant de Burns, on l’a senti s’impatienter à mesure que le match avançait, multipliant les tentatives de tir ratées. Il a d’ailleurs terminé la rencontre avec 14 tirs qui ont été bloqués ou qui ont raté la cible. Seuls deux de ses tirs ont atteint le gardien.

Burns a été momentanément jumelé à Erik Karlsson en troisième période, mais l’expérience a fait long feu, puisque le Suédois a dû rater quelques minutes de jeu, visiblement incommodé par une blessure à l’aine. Karlsson est toutefois revenu sur la glace au cours des derniers instants de la rencontre, contribuant à l’assaut soutenu, quoique vain, des Sharks pour créer l’égalité.

« On ne peut pas les laisser prendre le contrôle du match comme ils l’ont fait, surtout pas avec des joueurs comme Burns et Karlsson, qui sont parmi les meilleurs de la ligue », a souligné Craig Berube après la rencontre.

Il est en effet permis de se demander combien de temps cette équipe pourra encore se défendre comme elle l’a fait hier.

N’empêche, la chanson Gloria a de nouveau résonné dans l’aréna. Les Blues devront maintenant trimer plus dur que jamais pour que ce ne soit pas la dernière.