Mike Gibbons connaît Ryan Poehling comme s'il l'avait tricoté. Cet entraîneur adjoint à St. Cloud State a recruté Poehling pour son université, avant de le diriger pendant trois saisons.

Et quand Poehling a décidé de quitter les bancs d'école pour se joindre au Canadien, Gibbons lui a envoyé un message « pour lui dire qu'on était fiers de lui ».

« Il a répondu avec un très long message, me remerciant de l'avoir recruté et d'avoir cru en lui, s'excusant de n'avoir pas pu nous aider à gagner un championnat national. C'est le genre de jeune qu'il est. Ça venait de son fond. C'est un jeune homme vrai et entier. À ce moment-là aussi, il était très émotif. Il l'était également samedi. »

Les partisans du Canadien ont en effet découvert un jeune homme très émotif samedi, au terme d'un premier match de rêve dans la LNH : un tour du chapeau ET le but gagnant en tirs de barrage. Cette émotion était manifeste quand il a accordé son entrevue au collègue Renaud Lavoie au centre de la patinoire, à titre de première étoile. Mais les circonstances étaient extraordinaires ; normal qu'un jeune de 20 ans soit à fleur de peau.

Mais Mike Gibbons l'assure : Poehling est toujours comme ça.

« Ceux qui le suivent depuis longtemps savent qu'il est très émotif. Au Championnat du monde junior, quand il a réussi son tour du chapeau, c'était vrai, ce qu'il ressentait. Tu voyais cette émotion.

« Quand il a appelé notre entraîneur-chef pour lui annoncer qu'il ne revenait pas pour sa quatrième année, il pleurait. C'était une décision très émotive. Les gens à Montréal pensaient que c'était assuré qu'il vienne dans la LNH. Mais la possibilité qu'il reste était très réelle. Il était très heureux de jouer avec ses frères. Plusieurs jeunes restent avec nous pour leur dernière année. L'an dernier, Jimmy Schuldt a dit non à beaucoup d'argent pour rester une année de plus. »

Les attentes

Gibbons a vu neiger. Il travaille derrière les bancs depuis le début des années 80, de la NCAA aux écoles secondaires en passant par la Ligue américaine. Et assez rapidement dans la conversation, il sert une mise en garde.

« Si c'est un joueur vedette qui réussit un tour du chapeau à son premier match, c'est une chose. Mais Ryan n'est pas une super vedette. C'est simplement un très bon joueur de hockey. Mais en jouant avec des joueurs plus doués, les chances vont peut-être se convertir davantage. »

« Ma crainte est maintenant que les partisans et les médias s'attendent à trop. Il est d'abord et avant tout un passeur. On espère qu'il deviendra une vedette. Mais en ce moment, c'est un très bon joueur. »

Gibbons sait de quoi il parle. D'abord, les chiffres lui donnent raison. En 107 matchs à St. Cloud, Poehling n'a marqué que 29 buts, mais a ajouté 46 aides. Ensuite, parce que Gibbons a justement dû gérer les attentes après une autre soirée du genre. Poehling a en effet réussi un tour du chapeau avec l'équipe américaine au Mondial junior, performance qui allait ensuite lui valoir le titre de joueur le plus utile du tournoi.

À son retour à St. Cloud, l'espoir du Canadien avait été limité à deux aides en six matchs, avant d'exploser avec une soirée de quatre points.

« Quand il est revenu du Mondial junior, les gens s'attendaient à ce qu'il inscrive des tours du chapeau tous les soirs ! Il a senti la pression de devoir faire ça tout le temps. Ça peut affecter un joueur. Je ne sais pas si cette pression venait de Montréal ou des médias, mais la perception était que s'il a marqué trois buts au Championnat du monde, il devrait pouvoir le faire facilement au collège. »

À quand le prochain match ?

Vu ainsi, il est peut-être mieux que Poehling ait réussi son tour du chapeau au dernier match de la saison. Quand le prochain camp d'entraînement s'ouvrira, cinq mois et beaucoup d'eau d'érable se seront écoulés.

Reste toutefois à voir si Poehling devra attendre aussi longtemps avant de disputer son prochain match significatif. Le Championnat du monde sénior s'amorce dans un mois, et l'an dernier, USA Hockey avait invité bon nombre de jeunes dans son effectif, notamment Quinn Hughes (alors pas encore repêché), de même que des jeunes pas encore établis dans la LNH comme Neal Pionk, Tage Thompson et Colin White.

« Il serait excellent pour écouler les pénalités et pour jouer avec vitesse. Il a un bon tir en plus. C'est un joueur enthousiaste, qui pourrait amener de la vie au groupe, comparativement à un vétéran qui vient de jouer près de 100 matchs ou qui a raté les séries, rappelle Mike Gibbons.

« Je ne dis pas qu'il marquerait plein de buts, mais si j'étais l'entraîneur, je le prendrais dans mon équipe. »