Partout où il est passé, Andrew Shaw a vécu de l'adversité. À l'école, c'était un déficit d'attention, jamais officiellement diagnostiqué, mais qui le rendait turbulent. Au hockey, c'était d'abord de se faire remarquer. Les meilleurs joueurs nés en 1991 ont été repêchés en 2009 ou en 2010; lui, il a dû attendre au repêchage de 2011.

Une fois dans la Ligue nationale, les blessures l'ont ralenti. Son bilan médical: trois commotions cérébrales «officielles», une blessure au cou cette saison, une opération à un genou, quatre séjours sur la liste des blessés seulement depuis son arrivée à Montréal, en juin 2016.

Pourtant, Shaw continue à jouer avec la pédale au plancher, avec la même hargne qui lui a permis de faire sa place dans la Ligue nationale, en dépit de sa petite taille (5 pi 11 po, 182 lb) et d'un rang de repêchage lointain (139e).

C'est pourquoi la section montréalaise de l'Association des chroniqueurs de hockey professionnels d'Amérique (PHWA) a élu Shaw comme candidat du Canadien au trophée Bill-Masterton, qui récompense la persévérance, l'esprit sportif et le dévouement au hockey.

Le fougueux ailier droit l'admet: il n'est pas trop habitué à ce genre d'honneur. Le dernier trophée individuel qu'il se souvient d'avoir reçu: le prix du travailleur le plus acharné, en 2010-2011, sa dernière année dans les rangs juniors.

«C'est un honneur, affirme Shaw. Un athlète vit des hauts et des bas, et les blessures en font partie. Tu peux toujours revenir si tu y mets les efforts. J'ai toujours fait les bonnes choses pour retrouver la forme le plus vite possible.»

«Le pire couple au monde»

De toutes les épreuves mentionnées plus haut, les blessures ont certainement été les plus éprouvantes.

À l'été 2017, il avait dû composer avec de sérieux symptômes de commotion cérébrale qui ne voulaient pas partir. Puis, en avril 2018, en plus d'une autre commotion, il a subi une opération au genou gauche, tout ça pendant que sa femme, Chaunette, terminait sa grossesse.

«J'ai un trouble du déficit de l'attention, j'ai plein d'énergie, donc de ne pas pouvoir marcher pendant deux mois et demi est probablement une des choses les plus difficiles que j'ai vécues, explique le joueur de 27 ans, rencontré hier à l'hôtel où loge le CH. Mon esprit roulait à 100 miles à l'heure. J'avais beaucoup d'énergie à brûler, mais je ne pouvais pas le faire. Ma femme m'a beaucoup aidé et moi, je l'ai aidée avec sa grossesse. On était littéralement le pire couple! Elle était enceinte de neuf mois, j'étais en béquilles et je ne pouvais pas marcher.

«On a eu Andy et elle m'a apporté beaucoup de joie et de paix. En étant responsable de quelqu'un qui ne peut pas subvenir à ses propres besoins, ça m'a peut-être incité à me pousser encore plus fort, car je devais le faire pour ma famille. Ils étaient là pour moi, ils l'ont toujours été.»

Depuis le premier match

Shaw a toujours été valorisé pour les facteurs impondérables qu'il apporte (robustesse, énergie, irritation pour l'adversaire). Mais il a ajouté à ces éléments une production offensive soutenue cette saison. Il a déjà établi un sommet personnel pour les points (42), et il est à deux buts d'égaler sa marque personnelle de 20 buts.

Bref, il n'est pas seulement revenu; il est devenu un meilleur joueur qu'il ne l'était avant de subir cette panoplie de blessures.

Et ce retour en force, il a commencé dès le premier match de la saison. Rappelons qu'au moment de l'opération, le Tricolore annonçait une convalescence de six mois, ce qui le menait donc à la fin d'octobre. Pourtant, le 3 octobre, Shaw était à son poste à Toronto pour le premier match de la saison, et ce, même s'il n'avait disputé aucune rencontre préparatoire. Le comble? Il a marqué dès son premier match!

«J'étais en retard sur tout le monde, je n'avais pas joué de match préparatoire, je ne m'étais pas entraîné avec l'équipe. Les entraîneurs avaient assez confiance en moi pour savoir que je serais prêt. Je ne voulais pas les laisser tomber, je ne voulais pas me laisser tomber, laisser tomber ma famille, les partisans. Ça m'a incité à me pousser encore plus fort.

«Il y a beaucoup de millage dans ce corps. [...] Mais je me disais constamment que j'allais y arriver. Je voulais être de la formation pour le premier match. Si ça impliquait de faire de la rééducation cinq jours par semaine et d'y passer de deux ou trois heures par jour, ça ne me dérangeait pas.»

500

Le hasard fait bien les choses. Cette sélection de Shaw coïncide avec un plateau symbolique dans sa carrière : son 500e match dans la Ligue nationale, ce soir. Seulement quatre joueurs de son année de repêchage ont atteint ce chiffre jusqu'ici. Pas mal pour un joueur repêché au cinquième tour.

Alors, si on t'avait dit, quand tu as été repêché, que tu allais disputer 500 matchs dans la LNH, qu'aurais-tu répondu?

«Je t'aurais cru. J'ai toujours cru en moi. J'ai toujours travaillé plus fort que la plupart des joueurs, surtout dans le junior. Je savais que je compétitionnais, que j'avais de la hargne, que j'étais un gagnant et que je pouvais aider une équipe à gagner. Ce n'était peut-être pas en marquant des buts ou en amassant des points, mais c'était en jouant de la bonne façon, en étant intelligent et constant.»

Et à l'entendre parler, il a l'intention de continuer un bon bout de temps.

«J'ai toujours voulu que ma fille ait des souvenirs de moi comme joueur dans la Ligue nationale, donc je dois jouer au moins quatre autres années!»

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Comment ça marche?

Le gagnant du trophée Bill-Masterton est choisi au terme d'un scrutin mené auprès des membres des 31 sections de la PHWA. Chaque section élit donc un représentant pour l'équipe de son marché. Dans le scrutin montréalais, Shaw a obtenu 23 points (quatre votes de première place, quatre votes de deuxième place et deux votes de troisième place) pour devancer Shea Weber par quatre points (quatre votes de première place, trois votes de deuxième place et un vote de troisième place). Les membres de la PHWA seront ensuite appelés à voter parmi les 31 représentants choisis, afin de retenir trois finalistes. L'identité du gagnant sera connue en juin à la cérémonie de remise des trophées, à Las Vegas.

Les derniers gagnants du trophée Masterton

• 2017-2018: Brian Boyle

• 2016-2017: Craig Anderson

• 2015-2016: Jaromir Jagr

• 2014-2015: Devan Dubnyk

• 2013-2014: Dominic Moore

• 2012-2013: Josh Harding

• 2011-2012: Max Pacioretty

• 2010-2011: Ian Laperrière

• 2009-2010: José Théodore