Andrew Shaw était piqué au vif. Non qu'il se sentait visé, mais plutôt parce qu'il semblait incrédule de devoir répondre à une autre question sur ce thème qui colle à la peau du Tricolore.

L'équipe, on le sait tous, a surpassé les attentes pendant les deux premiers tiers de la saison. Ses qualités ont été soulignées tout au long de la saison, même par les adversaires : la rapidité, la ténacité, un échec avant intense. Mais depuis quelques matchs, ces qualités ne se manifestent plus autant, et ça se traduit par une fiche de 6-9-1 dans les 16 derniers matchs.

Ça se traduit aussi par des défaites pas aussi serrées que celles qu'on voyait en début de saison. Le 2-1 de jeudi aurait pu devenir un 4-1 sans un Carey Price qui passait la vadrouille derrière ses coéquipiers. En fait, ç'aurait pu ressembler au 8-2 à Anaheim, quand justement Price était aussi brouillon que ses confrères. Il y a deux semaines, les Penguins menaient par un placement après neuf minutes de jeu ; ils ont gagné 5-1.

Donc, au vu des récents insuccès de l'équipe, on a demandé à Shaw, après l'entraînement d'hier à Brossard, si les exigences du système de jeu étaient insoutenables sur une saison de 82 matchs.

« On a eu, quoi, six ou sept mois pour nous entraîner ? On a eu un long été, a répondu Shaw, faisant référence à l'exclusion des séries du CH l'an dernier.

« On est des athlètes. C'est normal de traverser des séquences plus exigeantes. On doit puiser dans nos réserves, arrêter de trop réfléchir et travailler. »

La question de la fatigue est parfaitement légitime. Elle a été invoquée dès le mois d'octobre par Paul Byron. Claude Julien y a fait référence à la mi-novembre, après des défaites successives contre les Capitals et les Devils. L'entraîneur l'a aussi soulevée pour expliquer le cas précis de Jesperi Kotkaniemi, qui n'a pratiquement pas eu de saison morte après une année de repêchage plutôt chargée.

On regarde des matchs comme celui de jeudi, on voit les costauds Islanders avec la pédale à fond. On les compare au Canadien, qui est un peu chétif derrière Shea Weber et les joueurs de soutien Joel Armia, Nate Thompson et Christian Folin, et on se dit que l'explication peut bien tenir la route.

Mais quand on en parle aux joueurs, ça donne des réponses comme celle de Shaw plus haut. Ou celle-ci, de Jordie Benn.

« La fatigue est un gros facteur, mais chaque équipe doit composer avec ça. Ce n'est pas comme si notre saison était plus chargée que celle des autres équipes. Une fois que le match commence, la fatigue n'est pas une excuse. On est tous dans le même bateau. »

Entraînement ou repos ?

Le Canadien accueille ce soir les Blackhawks de Chicago. Des Blackhawks qui, puisqu'on en parle, devraient être bien reposés. Ils disputeront un huitième match à peine depuis la date limite des transactions. Le Canadien en sera à son dixième. Jeudi, pendant que les Montréalais se faisaient pilonner à coups d'épaule de Scott Mayfield, Matt Martin et Anders Lee, les Chicagolais profitaient d'une journée de congé.

Hier, les deux équipes étaient à l'entraînement. Ça allait de soi pour les Hawks ; ça semblait moins évident, de l'extérieur du moins, pour le Canadien, après un match à haute intensité dans une ambiance des séries au Nassau Coliseum. Mais pour Julien, ça n'a pas semblé un grand dilemme.

« En tant qu'entraîneur, tu dois prendre des décisions. On a déjà donné des congés à nos joueurs », a rappelé l'entraîneur-chef du CH.

« On espère que le niveau d'énergie sera bon. Contre les Islanders, on a manqué d'énergie en première période. »

Contrairement à mercredi, où seuls les joueurs au statut précaire avaient sauté sur la patinoire, tous étaient conviés à la séance d'hier. Tous, sauf Price, dont l'énergie est soigneusement gérée en raison du nombre inhabituel de matchs qu'il joue pour un gardien. Et si on exclut un faux pas à Anaheim la semaine dernière, Price affiche un tel niveau d'excellence par les temps qui courent qu'il n'a pas besoin de dizaines de répétitions à l'entraînement.

On ne peut pas en dire autant des joueurs...

« On a besoin de travailler certains aspects. Nos gars sont assez intelligents pour reconnaître l'importance du prochain match et le niveau d'énergie devrait être bon », a jugé Julien.

L'urgence de gagner

Les joueurs sont parfaitement conscients de la dangerosité de leur situation. Si les séries commençaient aujourd'hui, ils en seraient exclus. En fin de saison, une égalité avec Columbus ne suffira pas, car les Blue Jackets ont l'avantage dans les victoires en temps réglementaire ou en prolongation (38 contre 35 avant le match d'hier), qui sert de bris d'égalité. Ces mêmes Blue Jackets ne se sont toujours pas mis en marche, mais ils ont le potentiel pour le faire, avec le talent qu'ils ont ajouté à la date limite des transactions.

Bref, tous les éléments sont réunis pour créer un sentiment d'urgence. Mais Shaw juge ce sentiment absent au sein du groupe.

« Je ne peux pas te dire pourquoi ce [sentiment d'urgence] n'est pas là, mais je peux te dire que ça doit être là. »

Avec son niveau d'engagement irréprochable, le fougueux attaquant peut parler en toute légitimité lorsqu'il s'exprime en ces termes.

« Il y a des matchs où on n'a pas été assez bons, comme [jeudi]. Certains soirs, on a bien joué, mais pas de résultats. On doit être affamés, hausser notre niveau d'intensité », a ajouté Brendan Gallagher, qui lui non plus n'a rien à se reprocher.

Ajoutez Shaw et Gallagher à Tomas Tatar, Phillip Danault, Byron, Weber, Benn, Mete... Il y a beaucoup de joueurs dans cette équipe qui sont affamés soir après soir, mais les résultats ne sont pas concluants.

La tête y est, mais si les jambes ne suivent plus autant. Ça explique peut-être pourquoi cette équipe perd de la vitesse depuis quelques semaines.