« Je l’ai appris en même temps que tout le monde, quand notre gars de réseaux sociaux l’a écrit sur Twitter. C’est quand même cocasse ! »

Au bout du fil : Mathieu Olivier, attaquant des Predators de Nashville au parcours fascinant.

Ce qu’il trouve cocasse : il a appris qu’il est devenu, le 19 novembre dernier, le tout premier joueur né au Mississippi à atteindre la LNH.

Le Mississippi est anecdotique dans la famille Olivier. Le père, Simon, a passé une seule saison (1996-1997) dans l’État où est né Elvis Presley, quand il jouait pour les Sea Wolves en ECHL, sous les ordres d’un certain Bruce Boudreau.

C’était un arrêt parmi tant d’autres pour la famille. Le paternel a trimballé ses valises pendant une vingtaine d’années pour jouer au hockey. Du junior A en Alberta et en Saskatchewan à l’Université de Brandon au Manitoba, en passant par Biloxi, Oklahoma City, New Haven et — pourquoi pas ? — l’Allemagne.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE OLIVIER

Mathieu (à gauche) et Simon Olivier

« Quand je suis parti dans l’Ouest pour jouer junior A, mon but premier était de vivre en immersion anglaise. Dans ma famille, c’était important de parler plusieurs langues. Ici, à Lévis, l’anglais ne faisait pas trop partie de nos journées ! », nous raconte Simon Olivier.

Son fils débarque donc dans la LNH avec un bagage culturel que beaucoup de ses pairs n’ont pas. Et ça se voit quand on lui parle, car on a affaire à un jeune homme de 22 ans qui s’exprime avec aplomb.

« J’ai fait ma maternelle en Allemagne. Je ne me souviens pas d’avoir parlé allemand, mais mes parents me racontent que si on avait besoin de quelque chose, c’était moi qui le demandais ! Il n’y avait pas de magasins à grande surface, donc on allait à la boulangerie, à la boucherie, et j’étais l’interprète ! Je ne l’ai pas parlé depuis l’âge de 6 ans, donc je l’ai perdu. Mais si j’y retournais, après un ou deux mois en immersion, je pense que ça me reviendrait. »

Ces expériences ont grandement orienté la vie de sa sœur aînée, Catherine, qui est devenue… traductrice ! « Je ne sais pas combien de langues elle parle, c’est impressionnant ! »

Quand on est revenus au Québec, on est arrivés avec une ouverture d’esprit et une capacité d’adaptation. On a bougé beaucoup dans nos vies. S’il se passe un imprévu, on a une bonne capacité d’adaptation.

Mathieu Olivier

« Grinder de luxe »

L’adaptation, Mathieu Olivier en sait quelque chose. Ça a un peu été la clé de son parcours improbable vers la LNH.

Olivier se décrit comme un « grinder de luxe ». « J’ai une bonne vitesse, je peux faire une grosse différence physiquement. En échec avant, je crée des revirements, je peux contrôler le jeu en fond de zone offensive et je vais au filet. »

Sa fiche en 71 matchs dans la Ligue américaine se lit comme suit : 6 buts, 13 aides, 19 points et 128 minutes de pénalité. Dans la LHJMQ aussi, il était constamment parmi les joueurs les plus punis de son équipe.

Bref, il n’a pas le profil typique d’un joueur rappelé si tôt dans une saison. Et c’est parfaitement assumé.

« Mathieu a un bon gabarit, mais il n’était pas reconnu pour ses mains, admet Simon Olivier. Quand je le coachais plus jeune, je lui disais : “Si tu veux continuer plus loin, ça serait important que tu te développes comme le prototype de l’attaquant de l’Ouest qui s’implique dans les deux sens, qui fait ce qu’il a à faire.” À la base, ce n’est pas un gars qui est dur dans la vie. Tout le monde l’aime. Il a une personnalité assez douce. Peut-être qu’il a compris par lui-même qu’il devait en faire plus que les autres. »

On répète l’observation à Mathieu. « Je dois beaucoup à mon père, car il a eu la vision d’identifier mes qualités et mes faiblesses assez tôt, raconte le fils. Au Québec, on développe des joueurs de “skills”. La LHJMQ est une ligue très offensive. La mentalité québécoise est comme ça, on veut des gars qui scorent. Et c’est correct.

« Mais mon père s’est dit : “Il n’en scorera peut-être pas 50 par année, mais il est bon pour bloquer des tirs, en sortie de zone, en désavantage numérique.” Donc, il m’a conditionné tout de suite. “Si tu joues comme ça, tu vas te rendre loin.” Ça a été un long processus, car pour jouer comme ça, tu dois avoir du chien. Du chien, j’en ai, mais ce n’est pas toujours facile à faire sortir ! »

Les bagarres

Olivier peut notamment faire ressortir son « chien » avec ses poings. « Si j’ai à jeter les gants, je peux le faire. C’est dans mon arsenal et je n’ai pas de problème à en parler », répond-il.

La saison dernière, à Milwaukee, il l’a fait neuf fois. Cette saison, avant son rappel, trois fois. Trois bagarres, c’est autant que le total COMBINÉ du Canadien, des Maple Leafs de Toronto, des Coyotes de l’Arizona et des Blue Jackets de Columbus ! On comprend donc que bien des soirs, il n’y a tout simplement personne dans le camp adverse qui est prêt à le suivre. Alors, comment peut-il exprimer sa robustesse ? « En échec avant », dit-il.

Je termine toutes mes mises en échec. Je suis pesant pour ma grandeur, à 6 pi 1 po et 220 lb. Quand je prends de la vitesse et que je donne une mise en échec, ça fait un bon impact !

Mathieu Olivier

« Des joueurs ont encore ça en eux, mais plus personne n’est là seulement pour se battre aujourd’hui, observe-t-il. Tout le monde sait jouer. Il n’y a plus de bataille entre deux gars qui se plantent au milieu de la patinoire et qui attendent ça. Et ce n’est pas une mauvaise chose. Mais je crois que ça ne s’en ira jamais complètement. C’est comme ça que le respect reste dans la “game”. »

Son père en venait lui aussi souvent aux coups. On vous parlait de sa saison au Mississippi ; il l’a terminée avec 230 minutes de pénalité en 67 matchs. « Je jouais à 5 pi 11 po et 190 lb. Je n’étais pas un “heavyweight”, mais dans ce temps-là, c’était œil pour œil, dent pour dent. Je devais me faire de l’espace, ne pas reculer devant personne, pour me faire une place et nourrir ma famille », résume-t-il.

Le paternel est donc bien heureux de voir que son fils sera valorisé pour autre chose que ses poings. Mathieu Olivier est employé au sein d’un trio d’énergie avec Austin Watson et Colton Sissons. En sept matchs, il compte une aide et ne s’est pas battu.

« Peut-être qu’il devra jeter les gants, mais ce n’est pas pour ça qu’il est là. Nashville ne lui a jamais demandé de le faire. C’est vraiment sain comme environnement. »

Grâce à ses efforts, grâce à sa fougue, Olivier a aujourd’hui les deux pieds dans la LNH, et ce, même s’il n’a jamais été repêché.

« Oui, je réalise que je vis mon rêve. Mais on dirait que je ne me laisse pas impressionner par ce qui se passe. J’étais sûr que j’allais être ébloui. C’est sûr que j’ai eu mes moments, comme pendant mon premier “warm-up”. Je me disais : “Wow !” Mais pour rester, je dois faire ma job. Je ne peux pas être un passager. »