(Glendale, Arizona) Brendan Gallagher n’a jamais été très porté sur les statistiques. On en a eu une nouvelle preuve hier.

Gallagher était un homme attendu par les médias après l’entraînement du Canadien au Gila River Arena. Ce n’est pas banal : il disputera ce soir son 500e match dans la LNH. Lui, le 147e choix au repêchage de 2010. Lui, jugé trop petit, et pas assez rapide pour un gars de sa taille. Il sera finalement le 10e de son année de repêchage à atteindre ce chiffre.

Alors, ça signifie quoi, ce chiffre ? « J’y penserai plus tard. Pour le moment, j’essaie simplement de rester dans le moment présent et d’en profiter au maximum », répond Gallagher.

On poursuit la discussion, et il est question d’un autre chiffre impressionnant. La saison dernière dans la LNH, seulement sept joueurs ont obtenu 300 tirs au but. Gallagher était l’un d’eux. Mais pendant que les six autres — qui ont en commun de ne pas être des pieds de céleri — jouaient tous plus de 20 minutes par match, Gallagher avait droit à ses 16 minutes habituelles, le niveau d’utilisation qui lui permet de déployer l’énergie qui fait sa renommée.

Dans une ligue où les gardiens arrêtent généralement 91 % des rondelles dirigées vers eux, un tireur moyen peut donc espérer inscrire une trentaine de buts avec 300 tentatives. Gallagher n’a pas un vilain tir pour un joueur opéré deux fois à la même main, mais on ne le confond pas non plus avec Auston Matthews. Une réalité bien résumée par Claude Julien.

« Il y a des joueurs qui peuvent transporter la rondelle d’un bout à l’autre de la patinoire et déjouer des joueurs à un contre un. Mais Gally reste un joueur qui a marqué plus de 30 buts à nos deux dernières saisons. Il a du talent, mais un talent différent », a expliqué l’entraîneur-chef.

Depuis le début de sa carrière, il compte 156 buts sur 1564 tirs. Un but sur 10 tirs. Il est dans la moyenne, et au volume, il s’est établi comme un marqueur de 30 buts. Cette saison, après 11 matchs, il compte 42 tirs et 5 buts. Projetés sur 82 matchs, ces chiffres lui donneraient 313 tirs et… 37 buts.

Une rareté

Il est facile de dire que le nombre de tirs n’est pas significatif comme statistique. Il n’est pas rare d’entendre des hommes de hockey pester contre les statistiques avancées, pointant que tel ou tel joueur prend parfois des tirs de loin, peu dangereux, simplement pour améliorer son indice Corsi. Indice dont certains agents se servent ensuite pour illustrer la valeur de leur client. Mais il est très rare de voir Gallagher tirer de loin.

Et après tout, s’il était si facile de tirer 300 fois en une saison, plus de joueurs le feraient. Prenez le Tricolore. Depuis Guy Lafleur, seulement deux joueurs ont atteint ce chiffre : Gallagher et Max Pacioretty.

Alors, comment y arrive-t-on ?

« J’ai comme mentalité de toujours donner priorité au tir, explique le petit ailier droit. Je sens que je contribue à l’attaque quand je tire au filet. Mais je n’aborde jamais un match en me disant : “Je veux tirer tant de fois”. Je veux simplement avoir la rondelle et créer des chances pour moi et pour mes compagnons de trio. J’essaie aussi de passer le plus de temps en zone offensive, car c’est la façon la plus facile de se défendre. Quand tu fais ça, ça débouche sur des chances. »

Phillip Danault joue au centre depuis des années, et Gallagher est l’ailier qui lui a été le plus souvent jumelé dans la LNH.

« Tu ne tires pas, tu ne scores pas ! Gally va tellement au filet, des fois, avec deux ou trois retours, ça augmente vite son nombre de tirs. »

Il est devenu un marqueur de 30 buts parce qu’il se donne à chaque match, il paye le prix devant le filet et il tire beaucoup. À un moment donné, c’est la loi de la moyenne. Et comme il le fait tous les soirs, il se donne des chances.

Phillip Danault

Il le fait mieux qu’en début de carrière, visiblement. À sa deuxième saison, il avait disputé 81 matchs, encore à 16 minutes par match, et n’avait obtenu que 211 tirs. Il a bien dû évoluer.

« Avec mes partenaires de trio, on trouve des façons de créer des chances. Que ce soit moi ou eux qui les obtiennent, je suis content. Ce sont eux qui m’aident à bien paraître ! », lance-t-il au sujet de Danault et de Tomas Tatar.

Résultat : Gallagher est devenu bien plus que le joueur qui fonce simplement au filet au péril de sa propre sécurité, parfois aussi de celle du gardien adverse. Julien en sait quelque chose, pour avoir été derrière le banc des Bruins de Boston, grands rivaux de division du Canadien, pendant les quatre premières saisons du numéro 11.

« Avec l’expérience, tu peux améliorer ta façon de jouer sans la changer. À ses débuts, je voyais un gars qui tombait toujours sur les gardiens, et il enrageait les arbitres autant que l’autre équipe. Il passait du temps au banc des pénalités. »

« Il fonce encore au filet, mais il est plus prudent. Il est aussi plus mature et expérimenté. Il est plus complet, mais il n’a jamais changé son ardeur au travail. »

Voilà donc comment un joueur qui commence avec deux prises contre lui se rend à 500 matchs.