« On dit souvent qu’on n’a pas le droit d’abandonner des joueurs qui sont encore jeunes. »

C’est ainsi que Claude Julien expliquait hier son attitude à l’égard de Jonathan Drouin, qui lui a certainement fait perdre patience à quelques reprises au cours des deux dernières années. En ce début de saison, c’est un Drouin nouveau, plus mature, plus engagé, plus complet que l’on découvre. C’est ce Drouin-là qui a marqué deux fois hier, dans la victoire de 5-2 du Canadien sur les Maple Leafs de Toronto.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Jonathan Drouin

Mais il aurait très bien pu répondre la même chose au sujet de Joel Armia, l’autre héros de ce triomphe. Leurs parcours sont bien différents, leurs problèmes n’étaient pas les mêmes. Mais Armia a beau être plus vieux que Drouin, il a près de 100 matchs de moins au compteur dans la LNH.

Drouin devait démontrer un plus grand niveau d’engagement, peut-être le seul élément manquant pour faire fructifier son talent.

Armia, lui, devait produire des résultats pour aller avec ses habiletés individuelles uniques. Depuis son arrivée à Montréal, ses qualités étaient manifestes. Combien de fois l’a-t-on vu sortir une feinte, créer un revirement, protéger une rondelle dans un coin de telle façon qu’aucun de ses coéquipiers ne peut répliquer ? Julien, lui, avait remarqué lesdites habiletés dès la saison dernière, bien avant la plupart d’entre nous.

« C’était l’un de nos rares joueurs avec un gros gabarit, de bonnes mains, très fort pour protéger la rondelle. On savait qu’il avait un bon tir. Je lui ai dit : “T’as peut-être une meilleure occasion ici, dans notre équipe, de jouer plus souvent et d’en prendre avantage” », a expliqué l’entraîneur-chef.

Le message a été saisi. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la colonne des marqueurs du Tricolore. Armia y trône au sommet avec six buts en seulement neuf matchs. Son but d’hier, il l’a réussi seul comme un grand, en mettant Jake Muzzin dans sa petite poche. Il a aussi préparé l’un des deux filets de Drouin en créant le revirement fatidique.

Les vertus de la polyvalence

On a tendance à l’oublier, mais Armia a été un choix de 1er tour, 16e au total, en 2011. Il avait enchaîné en connaissant deux performances mémorables de suite au mondial junior : 7 points en 7 matchs au tournoi suivant son repêchage, et 12 points en 6 matchs l’année suivante.

Mais il n’a jamais pu générer autant d’attaques au niveau supérieur. Laissons-le raconter les longues années d’apprentissage qui ont suivi.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Joel Armia (40) a déjoué Michael Hutchinson en troisième période pour redonner l’avance au CH.

« En Finlande, je jouais avec l’équipe sénior de Pori à 19, 20 ans. Je jouais en avantage numérique, mais jamais en désavantage ni dans les fins de période, sur les mises au jeu dans notre territoire. Je n’ai jamais eu de rôle défensif. Quand je suis arrivé dans la Ligue américaine, ils ont commencé à m’utiliser dans un rôle défensif. À Winnipeg, je jouais souvent contre les trios offensifs, en désavantage numérique. Je suis passé de joueur offensif à joueur défensif ! »

Résultat : l’Armia d’aujourd’hui est de toutes les situations. Son temps d’utilisation est passé d’à peine 12 minutes à Winnipeg à 15 minutes la saison dernière, à 17 minutes cette saison. À Winnipeg, ses partenaires de trio principaux étaient Adam Lowry, Andrew Copp et Shawn Matthias. Le voici maintenant avec Drouin et Max Domi. Il est ailleurs.

Je n’ai jamais joué autant !

Joel Armia

« Je suis content d’avoir vécu cette expérience d’apprentissage, car je suis capable de jouer dans les deux situations maintenant. Je suis content que l’entraîneur ait confiance en moi pour les fins de période, dans les situations difficiles. »

Le parcours d’Armia peut servir de leçon aux entraîneurs, mais aux joueurs aussi. Et il y en a un dans le vestiaire du Canadien qui doit sans doute prendre des notes. C’est son concitoyen de Pori Jesperi Kotkaniemi.

Le jeune homme de 19 ans se cherche en ce début de saison, et le voici pris dans le cercle vicieux du temps d’utilisation en baisse. Tous les hockeyeurs le disent : plus ils jouent, plus ils sont à l’aise. Kotkaniemi vit l’inverse : ses minutes sont en chute libre, il a été le joueur le moins utilisé hier parce qu’il en arrache, et le fait de jouer aussi peu doit aussi contribuer à ses problèmes. À l’inverse d’Armia, qui joue de plus en plus, donc de mieux en mieux.

Armia a mis des années à peaufiner son apprentissage. Mais Kotkaniemi a prouvé l’an dernier qu’il pouvait apprendre vite. Saura-t-il le faire de nouveau ?

C’est son défi des prochains mois.

En hausse : VICTOR METE

Shea Weber et Mete ont été systématiquement opposés au trio d’Auston Matthews. Pour une fois, le tireur d’élite des Leafs a été discret face au Canadien.

En baisse : MIKE REILLY

À son retour dans la formation, après six matchs d’absence, il a joué mollement sur les deux buts des visiteurs. Cela dit, Claude Julien a aimé son match dans l’ensemble.

Le chiffre du jour : 4

Très discrètement, Nick Cousins a inscrit hier un quatrième point en cinq matchs cette saison. L’ailier a réalisé un jeu important en zone défensive sur le but de Nick Suzuki en fin de match.