Il y a 10 ans, l’équipe de hockey féminin de l’Université de Montréal disputait son premier match. Le projet mis sur pied par Manon Simard et Danièle Sauvageau offrait aux jeunes joueuses francophones la chance de pratiquer du hockey de fort calibre dans un environnement familier.

Derrière le banc, une jeune entraîneuse, Isabelle Leclaire, s’attaquait au plus grand défi de sa carrière. « C’est incroyable de penser que nous entamons déjà notre 11e saison, soulignait-elle cette semaine en entrevue. Je me vois encore la première saison, quand on essayait de voir comment on allait s’installer, comment tout cela allait fonctionner.

« Dix ans plus tard, il suffit de regarder les bannières au mur du CEPSUM pour constater tout le chemin parcouru. »

PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA PRESSE

Il y a 10 ans, le programme de hockey féminin à l’Université de Montréal prenait son envol, sous la direction de France St-Louis, Danielle Sauvageau et Isabelle Leclaire.

Championnes canadiennes en 2013, à leur quatrième saison, les Carabins totalisent aujourd’hui quatre titres provinciaux et deux titres nationaux. « Nous voulions être compétitives dès notre première saison, a rappelé Danièle Sauvageau. Nous avions déjà l’une des meilleures équipes au pays dans notre ligue avec McGill, on connaissait le standard à atteindre.

« Nous voulions aussi être les premières au Canada au niveau de l’encadrement. La structure que nous avons mise en place a fait en sorte que les résultats positifs n’ont pas tardé à arriver. Notre plus beau succès, c’est que nous avons atteint l’élite et que nous y sommes toujours restées. »

Aujourd’hui, le programme de hockey féminin des Carabins est une référence au pays. La tâche était pourtant colossale et plusieurs doutaient de la pertinence du projet.

Je me souviens d’avoir entendu des commentaires désobligeants à l’époque de gens qui disaient que le hockey féminin ne serait jamais populaire à l’Université de Montréal. On a prouvé le contraire et je pense qu’on a contribué au développement de notre sport au Québec.

Isabelle Leclaire, entraîneuse-chef des Carabins de l’Université de Montréal

« On est évidemment fières d’avoir obtenu nos succès avec des joueuses francophones. Des Québécoises, mais aussi des Franco-Manitobaines, des Franco-Ontariennes, des Françaises ou des Suisses. Avant d’être ici, j’étais au niveau collégial et les filles n’allaient pratiquement pas voir le hockey universitaire. Il y en avait une couple qui étaient allées à McGill, mais ça restait rare. Je pense qu’on a changé ça. Les joueuses francophones savent qu’elles peuvent jouer ici, et les universités anglophones font aussi maintenant plus d’efforts pour les recruter. »

Au-delà des championnats

C’est ainsi toute la conférence québécoise de hockey féminin qui a progressé et elle est maintenant reconnue comme la meilleure au Canada. Les Carabins, les Martlets de McGill et les Stingers de Concordia ont d’ailleurs remporté 5 titres et 15 podiums lors des 12 derniers championnats nationaux.

Julie Chu, qui dirige les Stingers depuis six ans, estime d’ailleurs : « Je savais déjà qu’il y avait d’excellentes joueuses au Québec pour les avoir affrontées avec l’équipe américaine, mais j’ai vite constaté que le “pool” des joueuses formées dans les cégeps était d’un excellent niveau. Elles sont souvent un an ou deux plus âgées que celles des autres provinces, plus matures aussi, et nous avons eu la chance de recruter plusieurs joueuses de talent, francophones et anglophones, au cours des dernières années.

Ensemble, avec les autres universités de la conférence, nous pouvons offrir aux joueuses d’ici une variété d’options qui leur permettent de trouver le programme qui leur convient réellement.

Julie Chu, entraîneuse avec les Stingers de Concordia

Encore plus que les exploits sportifs, Isabelle Leclaire est fière du cheminement des jeunes femmes qu’elle a côtoyées depuis 10 ans : « Je recrute des joueuses de talent, mais le plus important est toujours la personne qui est devant moi. Je dis souvent que mon but est de les voir partir d’ici avec l’impression qu’elles sont devenues de vraies adultes. Elles en ont souvent l’âge quand elles arrivent, mais pour moi, ce sont encore des “kids”.

« L’âge universitaire, c’est souvent une époque où il y a beaucoup d’interrogations, beaucoup de changements qui se produisent dans la vie des jeunes. C’est aussi là qu’ils trouvent souvent leur voie, le domaine où ils vont travailler. Dans ce contexte, notre but est de les aider à trouver ce qu’ils aiment et le sport est un outil qui peut les aider à ça, en leur donnant des valeurs, en leur montrant l’importance du travail. Plus tard, quand je revois une ancienne, on ne parle pas des championnats ; je vois l’adulte qu’elle est devenue, le métier qu’elle exerce, la personne impliquée dans la société, et j’en suis très fière.

Une autre saison excitante

Les Carabins profiteront du match de ce soir pour souligner leur 10e anniversaire et saluer la contribution de plusieurs anciennes, Kim Deschênes notamment, dont le chandail sera retiré.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Kim Deschênes

Et la 11e saison s’annonce aussi excitante que les précédentes. « On pourrait avoir une lutte à quatre équipes cette saison, a souligné Leclaire. Tout le monde peut battre tout le monde et personne ne va se sauver avec le championnat. Avec pas moins de 10 nouvelles joueuses, nous allons devoir être patientes, mais je vois déjà l’étincelle dans les yeux de toutes ces filles et je les sens très réceptives à tout ce que nous pouvons leur enseigner. Pour un entraîneur, c’est très stimulant. »

Les meneuses de Carabins seront Alexandra Labelle, Catherine Dubois, Estelle Duvin, Kim Poirier, la recrue Annabel Faubert et les gardiennes Maude Trévisan et Aube Racine, probablement le meilleur duo au pays.

Du côté des Martlets de McGill, finalistes aux championnats provinciaux et nationaux la saison dernière, l’équipe semble avoir atteint une belle maturité après une période de reconstruction. Parmi un groupe très homogène, Jade Downie-Landry, Kellyanne Lecours et la gardienne Tricia Deguire seront encore à surveiller.

À Concordia, les Stingers ont présenté une fiche de 8-0 en matchs préparatoires. « Nous avions une douzaine de recrues la saison dernière et elles sont maintenant bien intégrées à l’équipe, a souligné l’entraîneuse-chef Chu. Nous avons recruté moins de filles cette année, mais Léonie Philbert, l’ancienne capitaine à Dawson, et Émilie Fecteau, qui a pris part au camp de Hockey Canada cet été, pourraient avoir un impact très rapidement. Il y a aussi Olivia Atkinson qui a transféré de McGill et qui a été à l’écart du jeu la saison dernière. Son expérience nous sera utile. »

Un peu en retrait, les deux formations d’Ottawa peuvent néanmoins brouiller les cartes dans une lutte qui devrait se prolonger jusqu’au dernier match de la saison. « Aucune équipe ne va gagner ses 20 matchs, assure Chu. Il y a du talent dans toutes les équipes et il faut être prêtes à chaque match. »

Des célébrations pour les 10 ans !

Dix ans pratiquement jour pour jour après le premier match de leur histoire, les Carabins de l’Université de Montréal lanceront leur saison 2019-2020 ce soir contre les Ravens de Carleton. À compter de 19 h, des cérémonies spéciales sont prévues afin de souligner cette décennie de succès.
Ce soir : Carleton à Montréal, 19 h, CEPSUM
Demain : Concordia à McGill, 14 h, Aréna McConnell

Carabins de l’Université de Montréal : la création d’un programme novateur

C’est Manon Simard, la directrice du Sport d’excellence à l’Université de Montréal, qui a amorcé la mise sur pied d’un programme de hockey féminin en 2009.

« Quand nous avons relancé le sport d’excellence en 1995, nous voulions atteindre une masse critique de programmes féminins et masculins performants dans un délai raisonnable, a-t-elle rappelé cette semaine en entrevue. La création de l’équipe de football, en 2002, a évidemment été un gros morceau et ça nous a pris cinq ou six ans avant qu’on puisse penser à autre chose.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Manon Simard, directrice du Sport d’excellence à l’Université de Montréal, est celle qui, en 2009, a mis sur pied un programme de hockey féminin au CEPSUM.

« Nous avons ensuite recommencé à réfléchir là-dessus et l’un des facteurs déterminants était évidemment la capacité d’accueil de nos infrastructures. Nous avions un superbe aréna et le hockey s’imposait d’emblée, mais il n’y avait de la place que pour une équipe, en raison de l’utilisation de la glace par l’ensemble de la clientèle de l’université.

« Le choix d’une équipe féminine, après une équipe masculine de football, rejoignait les valeurs dont nous faisons la promotion à l’UdeM. On trouvait aussi que le développement du hockey masculin passe davantage par les circuits juniors au Québec, alors qu’on avait la chance d’offrir quelque chose d’unique aux joueuses. Il n’y avait à l’époque qu’une université francophone qui avait une équipe féminine, à Moncton au Nouveau-Brunswick. Au Québec, il n’y en avait qu’à McGill et à Concordia. »

C’est d’ailleurs cet argument qui a aidé Mme Simard à recruter celles qui ont véritablement créé l’équipe, à commencer par Danièle Sauvageau : « Elle avait dirigé l’équipe canadienne à la médaille d’or aux Jeux de 2002 et j’étais convaincue que c’était la candidate idéale. Mais elle était très sollicitée à l’époque – elle l’est encore ! – et n’a pas été facile à convaincre. »

Je lui ai fait valoir que c’était important d’offrir aux jeunes femmes la chance de pratiquer le hockey dans un environnement où elles pourraient vraiment s’épanouir.

Manon Simard

« Danièle, France St-Louis – qui nous a beaucoup aidés les premières années – et les autres pionnières ont dû se battre pour faire leur place, car elles passaient toujours en deuxième, après les garçons. Ici, on voulait que les filles passent en premier ! »

Mme Sauvageau a fini par accepter : « Je la voyais derrière le banc, mais elle a préféré le rôle de directeur général, explique Simard. Elle a recruté Isabelle Leclaire, une jeune entraîneuse qui a vite prouvé toute sa valeur. Son approche du recrutement est toujours basée sur l’équipe, en cherchant les filles qui vont remplir des rôles bien précis. Et quand une fille vient ici, Isabelle et ses adjoints investissent toutes leurs énergies à s’assurer qu’elle réalise son potentiel, dans ses études, sur la glace et aussi à l’extérieur, dans ce qu’on appelle son “savoir-être”. »

Au-delà des titres nationaux et des succès sportifs, Simard est fière de constater qu’après 10 ans, le programme de hockey féminin joue toujours parfaitement son rôle auprès des jeunes joueuses francophones.

Et après avoir été les premières Carabins à remporter un titre national d’envergure, en 2013, les filles du hockey sont devenues une source d’inspiration non seulement pour les autres équipes, mais aussi pour toute la communauté de l’Université de Montréal.