Jonathan Drouin n’était pas de bonne humeur. Mais alors là, pas du tout. Quand il s’est assis devant son casier, on savait que ce serait un court entretien. Et ç’a l’a été. Immersion dans ces quelques minutes tendues.

A-t-il hâte d’avoir de la stabilité dans son trio, après avoir été trimbalé d’un bord et de l’autre depuis le début du camp?

Réponse : «Oui, j’ai hâte. Oui.»

C’est vrai que Drouin a fait le tour du jardin pas mal. Quatre matchs préparatoires, quatre trios. Dans son premier, contre les Devils, il était avec Artturi Lehkonen et Max Domi. Le match suivant, c’était avec Tomas Tatar et Phillip Danault. Lundi contre les Leafs, il jouait avec Tatar et Domi, et mercredi, avec Charles Hudon et Nick Suzuki. Chaque fois, il jouait à l’aile droite, de ce qu’on comprend à sa demande après des discussions avec les entraîneurs.

Aujourd’hui à l’entraînement, il était de retour à l’aile gauche. Comme la saison dernière. Et il était à l’évidence exclu des premiers trios, avec Jesperi Kotkaniemi, avec qui il n’a jamais su développer de chimie, et Jordan Weal.

D’ailleurs, sent-il qu’il a un certain contrôle sur ses partenaires de trios?

«Zéro.»

Et comment au juste s’est-il retrouvé à jouer autant de matchs sur l’aile droite, lui qui est pourtant un joueur gaucher?

«Là, je suis de retour à gauche. On peut arrêter de parler de l’aile droite.»

Où est-il le plus confortable?

«Ça ne me dérange pas. Les deux sont pareils.»

C’était ce genre de journée. Drouin a inscrit une aide au camp, avec un différentiel de-2, et on compte sur les doigts d’une main ses occasions de marquer à égalité numérique. En toute honnêteté, on l’a parfois vu insister sur l’échec avant, et il a aussi connu quelques moments encourageants en couverture défensive. L’avantage numérique n’était pas si mal. Mais Drouin doit en donner plus. Beaucoup plus, surtout avec tout le talent qu’il a. L’introspection estivale, dans la salle vidéo avec Dominique Ducharme, n’a pas encore eu de résultats concrets. Il doit encore trouver son rôle au sein de la formation.

Claude Julien a tenté plusieurs combinaisons pour le lancer, sans succès. Il lui a donné l’occasion de s’exprimer à l’aile droite. Il y a bien Domi avec qui Drouin peut devenir explosif, mais jouer avec l’attaquant le plus productif du Canadien est un privilège qui vient avec l’effort constant. «Nous cherchons le meilleur “fit” pour Jonathan afin qu’il aide l’équipe», a reconnu Marc Bergevin.

S’attendre à plus

PC

Claude Julien et Marc Bergevin.

C’est bien ça le nœud du problème. Marc Bergevin sait qu’il a besoin de Drouin. Claude Julien sait qu’il a besoin de Drouin.

À son sommet, l’attaquant québécois peut marquer des buts, peut fabriquer des jeux, il patine comme le vent, il a des mains de velours. Il y aurait déjà une rue à son nom s’il en faisait constamment l’étalage. Si le Canadien veut se battre pour les séries, il aura besoin de sa contribution. Le Canadien aurait peut-être participé à la deuxième saison l’an dernier si Drouin ne s’était pas effondré dans le dernier tiers du calendrier.

Évidemment, le DG s’attendait à plus de son camp.

«Oui, je m’attends à plus. Les entraîneurs s’attendent aussi à plus. Encore là, c’est une période d’entraînement. C’est un camp de trois semaines. Mais il y a de l’amélioration pour Jo, c’est certain.»

Du même souffle, Bergevin a habilement redirigé les critiques vers d’autres vétérans du Canadien qui ont aussi déçu.

«Il n’est pas le seul qui n’est pas au bon niveau. On parle de Jonathan, vous me posez des questions sur lui, mais je peux nommer quelques joueurs qui ne sont pas au bon niveau et c’est pour ça que le camp existe. Il y a eu des joueurs retranchés, deux bons jours d’entraînement, un match samedi, puis après ça commence.»

De retour dans le vestiaire, on sentait la fin de la mêlée de presse approcher avec Drouin. Avant de se quitter, impossible d’ignorer l’éléphant dans la pièce, les rumeurs persistantes qu’il est sur le marché des échanges. L’histoire est née d’un article de l’informateur Elliotte Friedman de Sportsnet qui affirmait que le Canadien chercherait à se départir d’un attaquant. Dans la phrase suivante, il ajoutait que le faible temps d’utilisation de Drouin devait être suivi de près. Il n’en fallait pas plus pour que la planète hockey s’embrase. Surtout que la rumeur n’a rien de saugrenu, même si la valeur de Drouin est probablement assez basse en ce moment.

Bergevin a dit de la rumeur qu’elle provenait «de quelqu’un dans son sous-sol à Toronto». Drouin a ajouté qu’il n’en pensait rien, qu’il laisserait les médias en parler et partager leurs observations sur Twitter. «C’est votre travail, pas le mien.»

Au fait, Drouin, lui, s’attendait-il à plus de lui-même?

«Ça fait trois ans que je le dis. Je n’ai pas besoin de Marc Bergevin ou de Claude pour me placer de la pression pour que je performe. C’est à moi de faire ça.»

Rien d’autre à dire. Il lui reste à le faire, samedi contre les Sénateurs.