(Québec) Yanni Gourde est un homme de contrastes. Véritable pitbull sur la glace, mais éminemment sympathique dans la vie de tous les jours.

Par contre, n’allez pas demander au petit attaquant du Lightning de Tampa Bay s’il ressent une pression à devoir jouer la saison prochaine « à la hauteur de son nouveau salaire ».

« Pourquoi il faut dire ça comme ça ? lance-t-il immédiatement. Il faut que tu joues pour la valeur de ton argent ? Je vais être la même personne. Je vais être Yanni Gourde l’année prochaine aussi. L’année passée, j’étais Yanni Gourde, l’année prochaine, je vais être Yanni Gourde, l’année suivante, je vais encore être Yanni Gourde. Ce que j’apporte, c’est de l’intensité, être le premier sur la rondelle, avoir un bon échec avant, créer des revirements, me placer devant le filet, être tannant. Si je marque des buts, tant mieux, mais il faut regarder plus que les statistiques pour dire que tu dois jouer à la valeur que tu es payé. J’ai un peu de misère avec cette pensée-là. »

Voilà qui a le mérite d’être clair. Un moment de passion après une question qui n’était peut-être pas non plus la mieux formulée. Mais n’ayez crainte, la bonne humeur est revenue. Gourde est un jeune homme de qui il est toujours agréable de prendre des nouvelles, avec qui il est plaisant de jaser de choses et d’autres.

Tant qu’à être sur le sujet de l’argent, on a continué dans cette voie. Gourde gagnera la saison prochaine 6,3 millions de dollars, pour un impact sous le plafond de 5,166 millions. C’est la raison de la question citée plus haut, ce gros contrat de six ans signé en novembre dernier. Un contrat qui change une vie.

« Je suis content d’avoir eu la chance de signer ce contrat pour tous les efforts que j’ai mis depuis le début de ma carrière. C’est vraiment valorisant », dit-il.

J’ai acquis beaucoup de maturité. J’ai voyagé beaucoup, j’ai joué avec des salaires minimes. Je suis plus mature, je suis prêt [à gérer ce nouveau salaire]. L’argent, je suis content, mais ce n’est pas pour ça que je joue.

Yanni Gourde

Remarquez, il ne l’a pas volé non plus. Gourde a vécu l’ECHL durant deux saisons, avant d’être rejeté par les Sharks et de passer quatre ans à faire ses classes dans l’organisation du Lightning de Tampa Bay. Il s’est révélé ensuite avec une saison de 25 buts et 64 points en 2017-2018, suivie d’une saison plus modeste de 22 buts et 48 points l’année dernière. N’empêche, Gourde a une seule vitesse, la pédale au fond, et quand le Lightning s’est heurté à un mur en séries, il n’a jamais levé le pied.

C’est ainsi que sa personnalité se façonne. Une approche réfléchie avec son argent, et un cœur gros comme ça sur la glace. Sans doute le résultat d’une enfance au cours de laquelle on ne lui a pas tout donné. Ses origines modestes sont connues, les deux mains dans les « jobines » dans les fermes de Saint-Narcisse ou à l’épicerie de son père. Ce père qui avait d’ailleurs installé une surface de hockey dans le sous-sol de l’épicerie, où Yanni Gourde a acquis son côté compétitif contre ses frères et les autres jeunes du coin.

« Peut-être que je l’approche différemment parce que je suis conscient de la valeur de l’argent. Je n’ai jamais été un gars qui va se gâter avec les grosses voitures, ces choses-là. Depuis que je suis très jeune que je travaille. Je travaillais à l’épicerie de mon père. Je travaillais sur une ferme. J’ai gagné mon argent, j’ai payé ma première voiture. C’est pareil aujourd’hui. Je connais la valeur de l’argent et j’en suis conscient. »

Du muscle

Peut-être était-ce l’éclairage, l’angle de vue, mais on aurait dit que Gourde avait pris du muscle. Pas non plus qu’il était un chicot avant, mais on l’aurait dit plus volumineux que jamais, avec des troncs d’arbre en guise d’avant-bras.

Gourde reconnaît qu’il a pris de la masse durant l’été, et que ça a toujours été un des défis de sa carrière.

« J’ai pris quelques livres au gym. Mais pour moi, prendre du poids, c’est tout un problème. Toute ma carrière, j’ai eu de la difficulté avec ça. J’essaie d’être vraiment discipliné avec ce que je mange, avec la fréquence de mes repas, en fait. C’est vraiment difficile pour moi d’accumuler du poids. »

Une autre manière de se préparer à venger l’affront vécu l’année dernière. Après une saison record de 62 victoires (à égalité avec les légendaires Red Wings de 1995), le Lightning s’est effondré en quatre matchs en séries contre les Blue Jackets de Columbus. Un destin qui a valu au Lightning une blague salée de l’humoriste Keenan Thompson au gala de fin d’année de la LNH. « Le Lightning a égalé le record du plus grand nombre de victoires en saison avec 62, avant d’égaler le record du plus petit nombre de victoires en séries avec zéro. Le Lightning est une équipe de records. »

Pas besoin de préciser que la raillerie a été accueillie froidement par les membres du Lightning présents dans la foule. Pour Gourde, cette dernière impression ratée doit devenir un cri de ralliement.

« On a été la meilleure équipe pendant toutes les semaines de la saison. Il y a une semaine où on n’a pas été la meilleure équipe, mais c’était la mauvaise semaine pour que ça arrive. C’est amer. Ça reste longtemps. Même dans ma dernière année junior, on a perdu en quatre matchs contre Baie-Comeau, et j’étais vraiment déçu. Encore aujourd’hui, je le suis. Ce sont des moments que tu n’oublies pas. Est-ce qu’on va s’apitoyer sur notre sort ? Non, on va tous mettre les efforts pour pousser dans la bonne direction. On va revenir la saison prochaine et mettre les efforts pour être meilleurs en séries éliminatoires. Il faut tourner la page. On a des objectifs à réaliser. »