(Vancouver) Il y a un an, à la tête d’une équipe qui avait récolté 32 points de moins que la saison précédente, Marc Bergevin se présentait à Dallas avec le 3e choix en poche et un capitaine mécontent à échanger.

Pas besoin d’expliquer pourquoi le mercure a chuté par rapport à l’an dernier. Et on ne parle pas des soirées fraîches de Vancouver comparées à la chaleur écrasante du Texas !

C’est peut-être pourquoi Bergevin était d’humeur à blaguer, hier, lors de son habituel point de presse d’avant-repêchage, en racontant une savoureuse anecdote sur son propre repêchage, en 1983. En gros, il avait déboulé les escaliers du Forum.

N’empêche : Montréal restera toujours Montréal et, peu importe la situation, il y a toujours une certaine forme de pression, de grogne populaire autour de l’équipe. Il y a aussi la pression interne, qui vient de joueurs comme Carey Price et Shea Weber, des trentenaires qui ont plus de saisons derrière eux que devant, et qui n’ont toujours pas gagné de Coupe Stanley.

Bergevin a corrigé le tir la saison dernière, ce qui a permis à son équipe de rester dans la course jusqu’à 24 heures de la fin de la saison. La qualité de la relève a atteint un niveau inégalé dans les 10 dernières années, groupe auquel il aura la possibilité d’ajouter, ce soir, le 15e choix du repêchage. 

Mais que dira-t-on en avril prochain si le Canadien est exclu des séries pour la troisième saison de suite ?

Approche prudente ?

Reportons-nous encore à juin 2018 et regardons comment Bergevin avait géré la situation.

• Il avait rejeté les offres de ses homologues – dont une pour obtenir Ryan O’Reilly – et gardé son 1er choix pour sélectionner Jesperi Kotkaniemi. • Il était reparti de Dallas avec 11 joueurs repêchés, un sommet parmi les 31 équipes. • Il avait attendu à septembre pour régler le dossier de Max Pacioretty.

PHOTO JEROME MIRON, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

L’an dernier, à Dallas, Marc Bergevin (à droite) avait conservé le troisième choix du repêchage amateur de la LNH pour sélectionner Jesperi Kotkaniemi (au centre).

Cette patience lui a souri. Kotkaniemi a occupé le rôle de troisième centre pendant la majeure partie de la saison, même s’il n’avait que 18 ans et la carrure d’Yves P. Pelletier en 1987. Parmi les 10 autres choix qu’il a conservés, on retrouve Alexander Romanov, défenseur qui affiche une étonnante progression dans la KHL. Et en échange de Pacioretty, il a obtenu un ailier productif (Tomas Tatar), un espoir sur la bonne voie (Nick Suzuki) et un choix de 2e tour en vue du repêchage qui s’amorce ce soir.

Dans les circonstances, il n’est pas étonnant d’entendre Bergevin prôner la prudence, comme il l’a fait hier.

Je regarde toujours pour ajouter des éléments. Mais je dois être responsable. Le plafond salarial n’augmentera pas autant que prévu.

Marc Bergevin

« On a des jeunes qui progressent, comme Kotkaniemi, Domi, même Ryan Poehling, a expliqué le DG, dans une salle de conférence d’un hôtel de Vancouver. S’ils progressent comme on le pense… Je détesterais devoir échanger, dans trois ans, l’un de ces joueurs pour faire de la place à un joueur que l’on embaucherait cet été. Mais j’évalue toutes les options. »

Car, oui, ç’a beau être le repêchage de 2019, un directeur général doit aussi penser en fonction de 2020, quand Domi et Victor Mete devront signer de nouveaux contrats, et de 2021, quand ce sera au tour de Kotkaniemi, de Brendan Gallagher et de Phillip Danault.

Et, à voir les contrats qu’ont signés Jeff Skinner (9 millions par saison), Kevin Hayes (7,1 millions) et Erik Karlsson (11,5 millions), les joueurs qui deviendront autonomes le 1er juillet sont en droit de s’attendre à un marché qui leur sera favorable – donc défavorable aux équipes.

Cela dit, l’exercice d’hier était un point de presse, pas un témoignage sous serment. Pour des raisons stratégiques de négociations, ou de relations publiques afin d’éviter de hausser les attentes des partisans, Bergevin avait tout intérêt à tenir le discours qu’il a tenu hier. Mais il y avait aussi une partie de vérité, sans aucun doute.

Artemi Panarin, Matt Duchene et Anders Lee aideraient le Canadien dans l’immédiat, mais ils sont tous en position de faire sauter la banque le 1er juillet. Ce ne sera peut-être pas le cas de Panarin, mais certains des joueurs autonomes qui seront alors embauchés signeront des contrats qui deviendront vite toxiques. Comme on l’a vu pour Loui Eriksson, David Backes, Andrew Ladd et Milan Lucic à l’été 2016.

Les options au 15e rang

On réunit tout ça, et il y a lieu de croire que Bergevin conservera son choix de 1er tour – le 15e au total – et évitera donc les coups d’éclat.

Pour ce 15e choix, Trevor Timmins a été clair : « On ne s’attend pas à ce que ce joueur soit dans l’équipe l’an prochain ou même dans deux ans », a prévenu le responsable du recrutement du CH.

Fidèle à son habitude, Timmins n’a rien laissé paraître de ses intentions. Un collègue lui a souligné qu’il avait fait le plein de centres et de défenseurs l’an dernier. Faut-il s’attendre à la même chose cette année ?

On accorde toujours beaucoup de valeur aux défenseurs et aux centres, qui peuvent toujours jouer à l’aile. Mais les ailiers marqueurs naturels sont aussi importants.

Trevor Timmins

Les marqueurs naturels sont effectivement une lacune chez le Tricolore d’aujourd’hui, mais le bassin d’espoirs à l’avant est intéressant. C’est plus mince en défense, derrière Romanov et Josh Brook, et avec le groupe de défenseurs attendus entre le 10e et le 20e rang au repêchage, d’aucuns s’attendent à ce que le Canadien sélectionne un arrière.

Cam York est souvent associé au Canadien. Le collègue Grant McCagg, qui avait pressenti la sélection de Kotkaniemi l’an passé, voit Lassi Thomson comme le choix du CH.

PHOTO MELISSA BAECKER, TIRÉE DU COMPTE TWITTER DES ROCKETS DE KELOWNA

Lassi Thomson

Victor Söderström, Ville Heinola et Thomas Harley sont d’autres défenseurs qui pourraient être disponibles au 15e rang.

« Ce sera intéressant, a dit Timmins. Il y a des groupes de joueurs qui se ressemblent beaucoup au chapitre de la valeur ajoutée, mais chacun offre quelque chose de différent. Tu t’assois, tu compares les fruits. Aimes-tu les bananes, les oranges, les pommes ou la pastèque ? C’est intéressant, et ces joueurs sont vraiment difficiles à départager. »

La réponse ce soir, vers 21 h.