Il y a un monde entre repêcher au troisième rang et au quinzième.

Un choix du top 3 peut accéder rapidement à la Ligue nationale et combler des besoins à court terme. Malgré son jeune âge, malgré son gabarit encore frêle, Jesperi Kotkaniemi y est parvenu l’an dernier.

La réalité est différente ce weekend pour le Canadien. Non seulement un choix au 15e rang n’a pas les mêmes probabilités de succès de jouer dans la LNH, mais il met généralement quelques saisons avant d’y parvenir.

Dans mon article de ce matin dans La Presse +, je cite un article de Scott Cullen, anciennement de TSN, sur ces taux de succès justement. Seulement 40% des joueurs repêchés au 15e rang entre 1990 et 2009 ont disputé au moins 100 matchs dans la Ligue nationale. De nombreux autres parmi ces 40% l’ont fait, sans pour autant connaître une grande carrière.

PHOTO FRED CHARTRAND, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les Sénateurs d'Ottawa ont repêché Erik Karlsson au 15e rang en 2008.

Il y a toujours des possibilités de coups de circuit, évidemment. Les Sénateurs d'Ottawa en ont réussi un avec Erik Karlsson en 2008. Les Red Wings de Detroit ont trouvé leur centre numéro un, Dylan Larkin, en 2014.

Larkin a mis un an avant d’accéder à la Ligue nationale, mais trois saisons avant d’être dominant, après des saisons de 45 et 32 points. Erik Karlsson est demeuré en Suède un an, avant de connaître une première saison de 26 points en 60 matchs à Ottawa. On parle ici de cas exceptionnels.

Charlie McAvoy et Jakob Chychrun, repêchés 14e et 16e respectivement en 2016, constituent d’autres rares exceptions. Chychrun a atteint la Ligue nationale à 18 ans, mais au sein d’une équipe dépourvue de talent en défense, et sans grand espoir de gagner la Coupe cette année-là, les Coyotes de l’Arizona. McAvoy a un talent rare.

Le défenseur Erik Brannstrom, repêché au 15e rang par Vegas en 2017, a passé une deuxième saison dans les mineures malgré tout son talent, avant d’être échangé aux Sénateurs d’Ottawa pour Mark Stone à la date limite des échanges. Il devrait jouer dans la LNH cet automne, deux ans et demi après le repêchage.

Ainsi fait-on peut-être l’erreur de cibler un défenseur gaucher parmi les besoins du Canadien lors de la première ronde du repêchage, vendredi.

Le portrait a le temps de changer d’ici deux ans. Alexander Romanov sera peut-être bien ancré à la gauche de Shea Weber ou de Jeff Petry. Qui sait si Victor Mete n’aura pas progressé de façon étonnante, à travailler son tir avec acharnement comme il le fait cet été? Et si Marc Bergevin obtenait un défenseur gaucher d’expérience sur le marché des échanges?

La plupart des repêchages simulés envoient le défenseur offensif gaucher Cam York à Montréal. York vient d’amasser 65 points en 63 matchs au sein du programme de développement américain. Il a aussi obtenu 11 points en 7 matchs au Championnat mondial des moins de 18 ans.

Ses statistiques sont peut-être gonflées artificiellement par le nombre de joueurs de talent au sein de son équipe, entre autres Jack Hughes, Cole Caufied, Matthew Boldy et Alex Turcotte, mais la majorité des observateurs reconnaissent ses grandes habiletés.

Il y a York, mais Thomas Harley, un défenseur gaucher comme lui, se retrouve parfois sur certaines listes, tout comme le Finlandais Ville Heinola. Celui-ci, vous l’aurez deviné, est un défenseur gaucher également…

Nos spécialistes n’ont pas totalement tort non plus. Vrai que la banque d’espoirs est mince du côté gauche de la défense, comparativement au nombre de jeunes défenseurs droitiers. Après Alexander Romanov, il y a Jordan Harris, impressionnant à sa première saison à Northeastern, mais encore très vert. Jarret Tyzka et Scott Walford, deux gauchers aussi, n’ont pas été retenus par l’organisation au début du mois.

L’ancien dépisteur du Canadien, Grant McCagg, vient de lancer son magazine annuel en ligne, Recrutes.ca. Il est l’un des rares à nager à contre-courant. Il suggère plutôt sur sa liste un défenseur droitier, le Finlandais Lassi Thomson, 41 points, dont 17 buts, en 63 matchs l’hiver dernier avec les Rockets de Kelowna dans la Ligue junior de l’Ouest.

Pour McCagg, il importe de choisir le meilleur joueur disponible, même si l’organisation compte déjà trois bons défenseurs droitiers dans des rangs, Noah Juulsen, Josh Brook et Cale Fleury.

McCagg a frappé dans le mille lors des deux dernières années avec Kotkaniemi et Ryan Poehling.

Le Canadien a fait une fois l’erreur de repêcher pour combler une carence à une position en particulier avec le défenseur David Fischer au détriment de Claude Giroux en 2006. Trevor Timmins le regrette encore amèrement aujourd’hui.

Imaginez si les Sénateurs avaient choisi le gros attaquant Joe Colborne en 2008 devant Karlsson, de façon à solidifier leur ligne de centre derrière Jason Spezza. Ottawa avait tout de même une défense solide à l’époque et le premier choix en 2005, Brian Lee, un défenseur droitier, montrait encore des promesses.

Il y a toujours moyen aussi de remplir sa banque d'espoirs à une position en particulier lors des rondes subséquentes. Le Canadien l'a fait en repêchant six joueurs de centre à compter de la fin de deuxième ronde l'an dernier. Parmi eux, Cole Fonstad et Allan McShane viennent d'être invités au camp d'évaluation de l'équipe canadienne junior cet été. 

Bien hâte à vendredi soir. Après Jack Hughes et Kaapo Kakko, ça pourrait aller dans toutes les directions…

À LIRE

Marc Bergevin a parfois sacrifié des espoirs et des choix au repêchage, surtout en début de règne, pour du succès à court terme, et parfois largué des vétérans et des choix pour bâtir à long terme, nous rappelle Guillaume Lefrançois. Dans chacun des cas, la situation s'y prêtait. Bergevin est à la croisée des chemins cette année. Que fera-t-il?