Toutes les éliminations ne sont pas créées égales. Si la sortie du Lightning de Tampa Bay en quatre petits matchs a sidéré la planète hockey, celle des Maple Leafs de Toronto va peut-être ébranler encore plus les convictions de tout un chacun.

Aussi décevant qu’a pu l’être le printemps du Lightning, cette organisation a tout de même participé à une finale de la Coupe Stanley et à deux autres finales d’association avec son noyau et son modèle actuels. Et elle est encore en position de former une des bonnes équipes de l’Est l’an prochain.

Les Leafs? Avec leur défaite de 5-1 dans le septième match contre les Bruins à Boston, hier, c’est à se demander combien de temps il faudra attendre avant que le «Shanaplan» porte ses fruits. Et surtout, si les organisations souhaiteront encore emprunter cette voie.

Rappelons les détails. Brendan Shanahan débarque à Toronto en tant que président des Maple Leafs en avril 2014 pour tenter de remettre sur les rails une organisation qui vient de rater les séries pour la huitième fois en neuf ans. À la base de son plan, une démarche transparente, annoncée aux partisans, sous la forme d’un marché que l’on pourrait décrire ainsi: nous souffrirons quelques années, mais le jeu en vaudra la chandelle.

PHOTO GREG M. COOPER, USA TODAY SPORTS

Les premières années se déroulent comme prévu. Shanahan largue quelques vétérans, il engage des têtes de hockey respectées en Lou Lamoriello et Mike Babcock, met aussi la main sur un impressionnant jeune dirigeant en Kyle Dubas. Le repêchage est fructueux: William Nylander en 2014, Mitch Marner en 2015 et le grand prix, Auston Matthews, en 2016. Le mouvement permet d’attirer de grands noms dans la Ville Reine, d’abord Patrick Marleau, puis John Tavares.

La facture totale pour ces deux-là: 95 millions. Ajoutez les 50 millions sur huit ans promis à Babcock et ça fait beaucoup, beaucoup de sous. Pour quel résultat? Pour trois éliminations de suite au premier tour.

De Montréal, on dira que c’est mieux que le CH, qui n’a pas même eu la «chance» d’être éliminé au premier tour au cours des deux dernières années. Mais quelque chose nous dit que dans les bureaux du Scotiabank Arena, on se fichera bien des comparaisons avec le vieux rival montréalais.

Les discussions dans les hautes sphères des Leafs promettent d’être corsées. Les critiques à peine voilées de Babcock envers son organisation laissent croire à plusieurs que le torchon brûle entre l’entraîneur-chef et Dubas, son patron. Babcock détient une entente à long terme qui lui vaut plus de 6 millions par saison, mais on parle ici d’un entraîneur qui n’a pas remporté une seule série depuis 2013, et qui n’en a gagné que trois depuis sa présence en finale en 2009 avec les Red Wings. Dubas, s’il reste en poste, est déjà coincé sous le plafond salarial et doit négocier de nouvelles ententes avec Kapanen et Marner. Comme Fred Caillou chez les Mangeurs anonymes, ça ressemble à une mission impossible.

Les séries sont peut-être – déjà – terminées pour les équipes canadiennes, qui n’ont pas gagné la Coupe Stanley depuis le CH en 1993. Mais avec les Oilers et les Sénateurs sans entraîneur, et les contrecoups attendus des éliminations rapides des Jets et des Leafs, le printemps sera occupé chez nos amis de TSN et de Sportsnet.

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L’autre modèle

Il est assez ironique que les Leafs s’inclinent de nouveau devant les Bruins, pour la deuxième année de suite.

On parlait du «Shanaplan» et des années de misère; les Bruins sont l’antithèse de ce modèle. Ils ont justement réalisé l’exploit d’une reconstruction sans douleur, ce que Marc Bergevin souhaite accomplir avec le Tricolore, d’ailleurs.

Leurs années «creuses» ont été deux exclusions de suite, en 2015 et en 2016, avec d’excellentes récoltes de 96 et 93 points. Plutôt que de tout foutre en l’air, les Bruins ont fait confiance à leur noyau qui leur a permis de gagner la Coupe Stanley en 2011 et de participer à la finale de 2013: Patrice Bergeron, David Krejci, Zdeno Chara, Tuukka Rask, en plus d’un Brad Marchand qui a pris du galon depuis. Claude Julien a certes perdu son poste au passage, mais à sa 10e saison à Boston, il avait largement excédé l’espérance de vie d’un entraîneur dans la LNH.

Même si c’est le quatrième trio qui a animé le spectacle offensif hier, n’oublions pas la contribution du vieux noyau. Rask a été impérial, Bergeron a fait son travail défensif habituel et Chara a été le joueur le plus utilisé des siens. À 42 ans!

À ce groupe se sont greffés David Pastrnak, discret hier mais combien dangereux en général, Jake DeBrusk, qui volait sur la patinoire, et les défenseurs Charlie McAvoy et Brandon Carlo. Le point commun de tout ce beau monde? Aucun choix au repêchage dans le top 10. DeBrusk et McAvoy sont les choix les plus hâtifs, chacun au 14e rang.

Ainsi, pendant que les Leafs offraient un camion d’argent à Tavares l’été dernier, les Bruins pouvaient se contenter d’ajouts de profondeur, sous la forme de John Moore et de Jaroslav Halak.

On a beau préparer les meilleurs plans au monde, aller chercher les plus gros poissons, les Bruins montrent que rien ne vaut de la stabilité et du recrutement judicieux.

Les Bruins de Boston affronteront les Blue Jackets de Columbus au deuxième tour. La série commencera jeudi soir (19h) à Boston.

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