Non, Claude Julien n'a pas distribué les louanges après cette victoire de 3-2 du Canadien de Montréal sur les Blackhawks de Chicago. Même qu'il y est allé de cette prédiction : « Sortir d'ici avec deux points, c'est bon, mais il faut réaliser que la prochaine fois, si on joue de cette façon-là, l'histoire va être très différente. »

Les Blackhawks sont au coeur d'une période sombre comme ils en ont très peu vécu ces dernières années. Pour une équipe qui s'approchait plus de la dynastie que des fonds de classement il y a quelques saisons à peine, l'état actuel des choses fait peine à voir. C'était surprenant même d'entendre les spectateurs du United Center huer le nouvel entraîneur Jeremy Colliton avant même le début du match.

Mais voilà, hier, les Blackhawks n'ont pas été si mauvais. Ils ont dominé de grands moments du match. Même qu'ils ont obtenu 39 tirs au but et ont forcé le Canadien à écoper de 16 minutes de pénalité. Ce qui explique en grande partie la réserve de Claude Julien en ce qui concerne le résultat.

« On n'a pas été vraiment bons. On perd des matchs qu'on mérite de gagner, on en gagne d'autres où on est contents de partir avec la victoire. On n'était pas à point, quand tu n'es pas à point, tu prends beaucoup de pénalités. »

Ce qui nous offre quand même l'occasion unique de souligner un travail de l'ombre, dont le brio hier a permis au Canadien de gagner un match qu'il n'aurait pas dû gagner : le désavantage numérique.

Il y a le gardien Carey Price, bien sûr, exceptionnel toute la soirée. L'adage qui veut que le meilleur joueur en désavantage numérique porte les plus grosses jambières est toujours d'actualité. Trente-sept arrêts pour Price, mais surtout une maîtrise du jeu irréprochable. Il a su tempérer l'action, maîtriser les retours, garder la rondelle quand la situation le commandait.

Il s'est levé pendant la pénalité de quatre minutes pour bâton élevé à Jordie Benn en troisième période, avec six arrêts. Plus tard, quand Artturi Lehkonen s'est fait prendre, il a trouvé le moyen de garder la rondelle sagement dans son plastron même si le tir précédent lui avait fait perdre son bâton. Price a reçu sa part de critiques cette saison, mais il en est maintenant à sept matchs de suite à trois buts ou moins. Dans la LNH de cette saison, où les buts pleuvent, c'est digne de mention.

« Ça te garde dans le match quand il y a autant de pénalités ! Mais nos gars en infériorité numérique ont fait du très bon boulot. »

Price sent-il qu'il est au sommet de sa forme en ce moment ? « Il y a toujours de la place pour l'amélioration. » On l'a dit, on le répète, beaucoup d'arrêts, peu de mots. Au moins, il l'a dit accompagné d'un sincère sourire.

Chaput, dans tout ça

Si Carey Price a su s'inscrire dans l'histoire du match, c'est aussi le cas de Michael Chaput. Son histoire cette saison sort de l'ordinaire. Il a été l'un des derniers joueurs retranchés du camp du Canadien et il avait encaissé son sort avec beaucoup de déception. À sa première mêlée de presse avec le Rocket de Laval, il ne parlait que de retourner dans la LNH.

Quand on lui en a donné l'occasion, pour regarnir un quatrième trio que Claude Julien n'aimait pas, il a saisi sa chance. Chaput est l'exemple même de l'attaquant qui ne baisse jamais les bras. Hier, son acharnement derrière le filet adverse lui a valu une aide sur le but de Shea Weber. En plus, il a passé 7 : 32 sur la glace en désavantage numérique. Il a même poussé le chrono à 1 : 32 en une seule présence durant la longue pénalité à Benn. Sans oublier qu'il a trouvé le moyen d'obtenir une belle chance de marquer après avoir lui-même récupéré la rondelle, traversé toute la glace, puis contourné Alex DeBrincat.

Bref, son travail colossal a permis au Canadien de braver la tempête, avant d'aller chercher la victoire tard dans le match sur un tir de Jeff Petry dévié par Tomas Tatar. Sa stratégie ? « Tu vas au banc, tu prends de grandes respirations, tu bois un peu d'eau et tu te prépares mentalement à retourner sur la glace. »

Chaput sait d'ailleurs fort bien que c'est grâce à sa fougue et à son talent en désavantage numérique qu'il pourra rester dans la LNH. En tout cas, c'est grâce à son talent en désavantage numérique qu'il a devancé Charles Hudon dans la hiérarchie, et c'est grâce à sa fougue qu'il a poussé Matthew Peca hors de la formation.

« C'est dur à dire. Si je continue à travailler comme ça, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Pour ma part, je veux juste continuer à faire ma job et essayer de rester ici le plus longtemps possible. »

Claude Julien n'a pas aimé le match du Canadien, il y a 1 000 arguments pour lui donner raison. Ça nous a au moins permis de raconter l'histoire rare d'un joueur qui a passé plus de temps sur la glace en désavantage numérique qu'à cinq contre cinq, et qui en est ressorti avec la victoire.