On n'exagère pas quand on dit que la carrière professionnelle de Jake Evans a commencé sur les chapeaux de roues.

L'espoir du Canadien, rappelons-le, avait terminé le premier match de son premier tournoi des recrues sur une civière. C'était le 7 septembre dernier, à la Place Bell, lors d'un duel contre les recrues des Sénateurs. Le défenseur Jonathan Aspirot l'avait frappé en entrée de zone et Evans avait chuté lourdement, restant ensuite immobile sur la patinoire.

«Mon père m'a ramené à l'hôtel le soir même et je me sentais assez bien, j'étais surpris», a raconté l'attaquant de 22 ans à La Presse, après la victoire du Rocket mercredi.

«Les jours suivants ont été difficiles, j'avais des nausées et c'était difficile d'être à l'extérieur, dans des endroits éclairés. Ce qui était également difficile, c'était que je revenais d'une blessure en juillet, je recommençais à me sentir bien et ça m'a fait reculer de nouveau.»

Evans était finalement de retour sur patins deux semaines plus tard, et a amorcé la saison en même temps que ses coéquipiers. Le premier tiers de la campagne tire à sa fin, et voici Evans au deuxième rang des compteurs du Rocket, avec 14 points, dont 6 buts, en 22 matchs, et une tendance à la hausse dans le dernier mois.

> Huit premiers matchs: 1 but, 1 passe, 2 points.

> Quatorze derniers matchs: 5 buts, 7 passes, 12 points.

La progression offensive est une chose, mais Evans se félicite surtout d'avoir chassé les mauvais souvenirs de son esprit.

«Ma principale préoccupation à mon retour était la peur de couper au centre de la patinoire, car un tel accident, ça te reste toujours en tête, a admis le numéro 10. C'était important que je n'y pense plus, et je crois que c'est réussi. Après quelques entraînements, c'était déjà oublié.

«J'ai revu la séquence quelques fois, je me demandais si j'aurais pu faire quelque chose différemment ou si c'était un coup salaud. J'ai tenté un jeu prudent, j'ai voulu contourner le défenseur et il m'a frappé haut, mais ce n'était pas salaud. C'était la chute, j'étais dans les airs, ma tête a percuté contre la glace et je suis mal tombé.»

La défense valorisée

Le Canadien a déniché Evans au 207e rang du repêchage de 2014. Le Torontois s'apprêtait alors à se joindre à l'Université Notre Dame, où il a joué quatre saisons et affiché des statistiques en hausse d'une année à l'autre.

Or, chaque fois que La Presse l'appelait pour prendre des nouvelles, Evans insistait sur l'importance de tous les aspects de son jeu, malgré ses exploits offensifs. Maintenant dans les rangs professionnels, il tient le même discours. «Dernièrement, mon jeu offensif est plus au point que mon jeu défensif, donc j'essaie de m'appliquer un peu plus défensivement», explique-t-il.

Mercredi, contre Belleville, Evans disputait un match correct, sans plus, à l'image de l'équipe. Quelques jeux réussis en échec avant ou en couverture défensive, mais en possession de rondelle, rien ne fonctionnait. Ça n'a pas empêché Joël Bouchard de l'envoyer sur la patinoire avec 30 secondes à écouler, une avance de 2-1 à protéger et les Senators qui attaquaient à six patineurs.

«Je dois faire jouer les jeunes, mais je dois le faire quand ils jouent bien, quand ils sont capables de prendre la charge de travail, a expliqué Bouchard, entraîneur-chef de la filiale du CH. Jake n'est pas parfait, mais il travaille fort. Il arrive de la NCAA, il a déjà joué une vingtaine de matchs, c'est presque les deux tiers de sa saison au collège! Il a de la broue dans le toupet, je lui en demande beaucoup, mais il est capable d'en prendre. On veut en faire un joueur de la LNH.»

Evans souhaite évidemment un rappel. Pour que cela se produise, il compte bien prouver qu'il est digne de confiance.

«Ce n'est jamais agréable de rester au banc parce qu'on est en désavantage numérique, ou parce que le match est serré dans les dernières minutes et que l'entraîneur ne te fait pas confiance. Et je tire de la fierté du fait de neutraliser le premier trio, de faire une mise au jeu importante ou d'écouler une pénalité à un moment crucial.

«Pour être rappelé, tu dois être un joueur complet. Je ne serai pas rappelé en raison de mon talent offensif. Je le serai quand je serai aussi bon défensivement qu'offensivement, afin de pouvoir occuper n'importe quel rôle dans la formation.»

Avec Max Domi, Phillip Danault et Jesperi Kotkaniemi, la situation du Tricolore au centre semble fixée à moyen terme. Mais les insuccès du quatrième ont fait pester Claude Julien à plus d'une reprise, et Matthew Peca n'a pas répondu aux attentes au poste de quatrième centre.

On devine qu'on voudra tester quelques solutions à l'interne si la situation ne se stabilise pas. Pour l'heure, Michael Chaput fait un travail honnête, mais à 26 ans, les limites de son potentiel sont connues. Et le Canadien n'a aucun droitier à qui confier les mises au jeu cruciales de ce côté.

Bref, le CH aurait bien des raisons de faire signe à Evans prochainement. Ce sera à lui de montrer des progrès suffisants pour obtenir sa chance.

Photo Graham Hughes, La Presse canadienne

Jake Evans a terminé le premier match de son premier tournoi des recrues sur une civière.