Jason Pominville a connu les belles années des Sabres, notamment ces deux présences de suite en finale de l'Est, en 2006 et en 2007. Il sait très bien comment cette ville peut devenir folle de son équipe quand les victoires sont au rendez-vous.

Mais allez expliquer ça à des joueurs qui étaient à l'école primaire la dernière fois que les Sabres ont été compétitifs...

«Ils me posaient des questions, j'essayais de leur expliquer comment c'était, mais ils commencent à voir tranquillement ce que c'est!», lance Pominville, rencontré dans un corridor du KeyBank Arena, hier.

Tout sourit aux Sabres, qui tenteront ce soir de remporter une huitième victoire de suite. Mercredi, ils ont signé une septième victoire de suite dans une atmosphère que les collègues sur place ont décrite comme unique. Dans le Buffalo News, Mike Harrington rappelait que ce n'était plus le «KeyBank Library», en référence à l'ambiance de bibliothèque qui y régnait ces dernières années.

Jack Eichel joue à la hauteur des attentes. Jeff Skinner, acquis des Hurricanes au cours de l'été, marque des buts à la tonne. Rasmus Dahlin, le premier choix au dernier repêchage, joue à la hauteur de son immense potentiel. On pourrait continuer ainsi longtemps.

Et puis, il y a Carter Hutton devant le filet de l'équipe. On évoque son nom et Pominville en perd ses mots.

«Hé, ouin... Il a vraiment été solide à tous ses matchs, honnêtement. À Pittsburgh, on a connu un mauvais départ, on perdait 4-1 en 2e période, et puis les Penguins ont eu un 5 contre 3. Hutton a fait un gros arrêt contre Phil Kessel, et ensuite, on a trouvé le moyen de revenir. Il fait de gros arrêts au bon moment.»

Un parcours atypique

Hutton présente de bonnes statistiques, mais elles ne sont pas renversantes non plus. Une fiche de 10-6-1, une moyenne de buts alloués de 2,57, un taux d'efficacité de ,917. Mais par ici, on espère qu'il offrira aux Sabres ce qu'ils n'ont pas eu depuis le départ de Ryan Miller en 2014: un véritable gardien numéro 1. Jhonas Enroth, Chad Johnson et Robin Lehner se sont succédé dans ce rôle, sans jamais s'établir.

S'il y parvient, Hutton aura certainement déjoué les pronostics, car rien ne le prédestinait à devenir un gardien établi dans la LNH. Qu'il le fasse à l'âge de 32 ans ajoute au côté rocambolesque de la chose.

Jamais repêché, il a disputé trois saisons dans une ligue junior A en Ontario, avant d'amorcer sa carrière universitaire à 20 ans, à UMass Lowell.

«Quand j'étais jeune, mon ami et moi avons acheté un petit centre commercial à Thunder Bay, c'était notre investissement. On l'a encore, mais on a aussi diversifié nos activités. J'ai développé ça, car je ne pouvais pas prévoir que j'allais devenir millionnaire en jouant au hockey, expliquait Hutton hier après-midi.

«Je me souviens du temps où je gagnais 600 $ par semaine avec le Walleye de Toledo en ECHL. C'était une période difficile. J'avais fini l'école et je savais que je pouvais aspirer à plus. Mais j'ai mis toutes mes énergies dans le hockey pour que ça fonctionne.»

À ses cinq premières années professionnelles, il a joué dans les filiales de cinq équipes différentes de la LNH. «C'était compliqué de ne pas avoir été repêché, car je n'étais jamais le bébé de quelqu'un. Partout où j'allais, je bouchais un trou en attendant que le prochain gars soit prêt», raconte-t-il.

Hutton a finalement eu sa chance en 2013-2014 avec les Predators de Nashville, quand l'absence à long terme de Pekka Rinne lui a permis de s'établir comme un des bons substituts de la LNH. Il n'est plus jamais retourné dans la Ligue américaine depuis, mais voilà qu'il a sa première véritable chance de se faire valoir comme numéro 1. L'été dernier, il a profité de son autonomie pour s'entendre avec les Sabres pour trois ans et 8,25 millions de dollars. Il saisit pleinement sa chance depuis.

Un profil atypique

Son parcours est une chose. Sa taille en est une autre.

Hutton mesure 6 pi. C'est très petit pour un gardien de la LNH. Sur les 72 gardiens qui ont joué au moins un match cette saison, ils ne sont que 10 à mesurer 6 pi ou moins.

Comment a-t-il pu gagner la confiance de ses entraîneurs au fil des ans, même s'il n'avait pas le profil habituellement recherché?

«La confiance se gagne avec des performances. En étant constant, tu bâtis une confiance. Sinon, au niveau plus technique, j'essaie d'être patient, de ne pas m'agenouiller trop rapidement, je me fie à ma vitesse et je suis combatif. Ça me sauve souvent. Les gardiens de 6 pi 4 po peuvent se tirer de certaines situations, mais pas moi. C'est ce qui m'a permis de connaître du succès.»

C'est justement ce que Carey Price a observé lors de la dernière visite du Tricolore à Buffalo. Price agissait alors comme l'auxiliaire d'Antti Niemi.

«Il est très solide, il lit bien les jeux et a tous les attributs pour être un numéro 1. Les très bons gardiens de cette taille ont ça, ils sont très patients. C'est quelque chose que j'essaie, moi aussi, d'ajouter à mon jeu.»

L'arrivée de Dahlin, de Skinner et la transaction qui a envoyé Ryan O'Reilly à St. Louis ont fait beaucoup jaser cet été. Mais si les Sabres maintiennent le rythme et participent aux séries, il faudra se souvenir de cette embauche à prix fort raisonnable.