Noël approche et vous voulez impressionner la visite? Demandez à vos invités qui est le capitaine des Devils du New Jersey. S'ils nomment Taylor Hall ou Travis Zajac, vous les félicitez pour leur effort. S'ils font comme un loustic de l'équipe des sports de La Presse et qu'ils répondent Scott Stevens, vous coupez les lacets de leurs bottines.

Non, le capitaine des Devils est Andy Greene, et ce, depuis maintenant trois ans. Greene est certainement reconnu à sa juste valeur chez lui, mais son rayonnement ailleurs dans la LNH n'est pas comparable à celui des Sidney Crosby, Connor McDavid, Alexander Ovechkin, Steven Stamkos et compagnie.

Malgré son relatif anonymat, Greene occupe un rôle de premier plan chez les Devils. À 36 ans, il joue encore plus de 21 minutes par match. Seulement, ne le cherchez pas dans la colonne des points: il n'en a jamais amassé plus de 37 en une saison et ça fera bientôt une décennie. Cherchez-le plutôt dans la colonne des tirs bloqués: 188 l'an passé (4e dans la LNH), 58 cette saison (3e).

«Ce qu'il fait sur la patinoire n'apparaît pas sur la feuille de pointage, mais il est très important pour notre équipe», explique Nico Hischier, l'attaquant de 19 ans ultra-talentueux des Devils.

«On s'est rajeunis ces dernières années et il y a eu beaucoup de roulement de personnel, rappelle John Hynes, entraîneur-chef des Devils. C'était important d'établir une culture, de montrer comment on veut que les choses soient faites, et Andy est important pour ça.

«C'est un vrai pro, qui tire le maximum de ses habiletés. Il a fait sa place grâce à son travail et pour continuer, il doit s'assurer de garder un bon niveau de forme. Ce n'est pas un joueur qui s'en tire simplement avec son talent naturel. C'est un bon capitaine, car il prêche par l'exemple.»

La fin d'une époque

La Presse a répertorié les capitaines des équipes de la LNH en 2003-2004, dernière saison avant le lock-out qui a débouché sur les changements que l'on connaît.

Portaient alors le C Luke Richardson (Columbus), Jason Smith (Edmonton), Mattias Norstrom (Los Angeles), Greg Johnson (Nashville) et Steve Konowalchuk (Washington). Des joueurs perçus comme «le corps et l'âme» de leur équipe, mais qui ne remplissaient pas nécessairement les filets adverses.

Aujourd'hui, Greene est peut-être le seul capitaine de ce genre dans la LNH. Zdeno Chara (Boston), Nick Foligno (Columbus) et Justin Williams (Caroline) ne génèrent plus des tonnes d'attaque, mais ils l'ont déjà fait. Sinon, il y avait aussi Derek MacKenzie (Floride), mais voilà qu'en septembre, il a cédé sa place au très doué Aleksander Barkov.

Quand Greene a été élu, à l'aube de la saison 2015-2016, il succédait à Bryce Salvador, un autre capitaine qui s'illustrait dans l'ombre. «Il devenait vraiment celui autour de qui les gars gravitaient, se souvient Salvador, aujourd'hui analyste aux matchs des Diables. C'était lui qui organisait nos pools de football, du March Madness, du Tournoi des maîtres. Il prévoyait nos soirées pour le Super Bowl. Il faisait ça instinctivement.»

Tant et si bien que lorsque le temps de voter pour un capitaine est venu, un seul nom s'imposait, malgré la présence d'un vétéran aguerri comme Travis Zajac, ou d'un bon jeune attaquant comme Adam Henrique.

Salvador est bien conscient que Greene et lui sont des capitaines d'un genre qu'on ne reverra peut-être plus.

«Avec la ligue qui fait une plus grande place aux jeunes, c'est de plus en plus difficile pour les équipes de trouver ce vétéran à qui donner le C, observe Salvador, au bout du fil. Regarde les Maple Leafs, ils n'ont pas de capitaine, car ils ne veulent pas imposer de pression aux jeunes. Ici, avec Greene, on évite de placer Hischier dans ce rôle.»

Greene, lui, se voit-il comme le dernier des Mohicans? Un capitaine qui bloque des tirs, qui écoule les minutes contre les meilleurs éléments adverses, bref, qui joue un peu dans l'ombre...

«C'est dur à dire, c'est une question intéressante ! lance-t-il. Évidemment, mon style, comme celui de Bryce à l'époque, est différent du style de jeu qui se pratique aujourd'hui. Mais je pense que ce style est encore nécessaire et ça fait partie du bagage que l'on apporte.»

En attendant Hischier?

Salvador a mentionné Hischier dans sa réponse, et ce n'était pas innocent. «Il pourrait devenir capitaine dans quelques années, reconnaît-il. À moins que ce soit Hall, s'il signe une prolongation de contrat.»

Greene a 36 ans et son contrat expire en 2020. Hischier aura alors 21 ans. Comme les Panthers de la Floride l'ont fait, les Devils pourraient bien être alors tentés de procéder à une passation des pouvoirs.

«Il est encore très jeune et je ne veux pas trop lui remplir le crâne, explique Greene, interrogé sur sa relation avec Hischier. Il faut simplement s'assurer qu'il soit à son aise, qu'il se sente impliqué dans le groupe. Je devine qu'à 19 ans, arriver de la Suisse, apprendre une nouvelle vie et jouer dans la meilleure ligue du monde, c'est beaucoup. Je suis là pour répondre à ses questions, que ce soit à propos du hockey ou des factures qui rentrent à la maison!»

Le voit-il comme le futur capitaine? «Oui, c'est clair. Pas seulement pour ce qu'il apporte sur la patinoire, mais à l'extérieur aussi. Il travaille très fort au quotidien. Plus il vieillit, plus ses qualités ressortent.»

Hischier, lui, esquisse un large sourire quand on lui demande s'il se voit dans ce rôle un jour. «Je suis encore le bébé ici! Je m'amuse, je donne mon maximum tous les soirs pour aider l'équipe à connaître du succès.»