C'est bien connu, les Maple Leafs de Toronto suscitent la jalousie de bien des amateurs de hockey. Pas besoin d'un échange maladroit entre Marc Bergevin et Luc Lavoie pour s'en convaincre.

Mais tout n'est pas parfait non plus dans la Ville Reine. La saison commence ce soir, et malgré tout l'enthousiasme suscité par l'arrivée de John Tavares, il y a un dossier majeur en suspens: celui de William Nylander, toujours sans contrat.

Nylander fait partie du noyau de jeunes surdoués des Torontois, après avoir connu deux saisons de suite de 61 points. En pleine dispute contractuelle, il ne s'est pas pointé au camp et ne sera pas de la formation ce soir. Dans le vestiaire du centre d'entraînement de l'équipe, il n'a même pas de casier à son nom qui l'attend.

Mike Babcock a bien tenté de désamorcer la situation, comme tout entraîneur-chef le fait dans une telle situation. «D'autres joueurs obtiennent des occasions et travaillent fort. Ça ne donne rien de se préoccuper des joueurs absents, que ce soit pour blessure ou autre chose», a martelé le pilote des Leafs.

On veut bien le croire sur parole, mais rappelons ici que le rôle dans lequel est attendu Nylander (ailier droit d'Auston Matthews et de Patrick Marleau) est occupé par Tyler Ennis, un joueur de 28 ans qui a obtenu 22 points la saison dernière. Pas le scénario idéal.

Choix douloureux à venir

Dans l'immédiat, les Leafs sont privés d'un talentueux ailier au sein d'une formation dont les ailes sont le point faible, derrière le spectaculaire Mitchell Marner. Ennis a vu son contrat racheté par le Wild du Minnesota l'an passé. Marleau a marqué 27 buts l'an dernier, mais il vient de fêter ses 39 ans. Connor Brown et Zach Hyman sont valeureux, mais on commence à connaître les limites de leur potentiel offensif.

À moyen terme, le dénouement du dossier Nylander pourrait être encore plus dommageable pour les Leafs. La raison: le plafond salarial et les augmentations à prévoir.

À l'heure actuelle, le directeur général Kyle Dubas a toute la marge de manoeuvre nécessaire sous le plafond salarial de 79,5 millions. Selon CapFriendly, la masse salariale des Leafs s'élève à 67,3 millions de dollars.

Mais les joueurs suivants ont besoin d'un nouveau contrat pour l'an prochain:

- Auston Matthews, tout premier choix du repêchage de 2016. A marqué 40 buts à sa première saison et produit un point par match l'an dernier (63 points en 62 matchs). Un salaire équivalent à celui de John Tavares, soit 11 millions, n'est pas à exclure;

- Mitchell Marner, quatrième choix en 2015. A amassé 69 points l'an dernier, après en avoir empilé 61 comme recrue. Il y a un an, l'ailier David Pastrnak (Boston) a décroché 6,67 millions par saison, même s'il avait une seule saison productive à son actif. On voit mal Marner accepter moins de 7 millions;

- Jake Gardiner, défenseur de 28 ans et un des piliers de l'unité défensive. A récolté 52 points la saison dernière et a été le joueur le plus utilisé par Mike Babcock. Les récents contrats signés par des défenseurs offensifs de son âge (8 millions pour John Carlson, 6,25 millions pour Ryan Ellis) suggèrent un salaire avoisinant les 7 millions;

- Dans le cas de Nylander, les journalistes torontois s'attendent à une entente de 6 millions.

En additionnant ces estimations, on arrive à 31 millions à ajouter à la masse salariale la saison prochaine, simplement pour ces quatre joueurs. Avec les 49 millions déjà engagés, le total s'élève à 80 millions... pour seulement 15 joueurs!

Dans ce contexte, Dubas a tout intérêt à s'entendre sur la somme annuelle la plus basse possible avec Nylander, afin d'éviter de gonfler les attentes (et les outils de comparaison) de ses autres clients.

«C'est difficile de gagner dans cette ligue. Les joueurs essaient de trouver de bonnes situations pour leurs intérêts personnels. Les équipes doivent s'assurer que le tout fonctionne», a rappelé Marleau.

La fameuse fenêtre

Ce qui nous amène au fameux concept de «fenêtre d'opportunité». Avec possiblement la meilleure ligne de centre de la LNH, les Leafs sont en plein dans cette fenêtre. Les voici parmi les aspirants à la Coupe Stanley.

«En termes de plafond salarial, d'âge des joueurs et de talent, on est bien positionnés pour connaître de cinq à sept bonnes années», a souligné Mike Babcock.

L'âge des joueurs laisse en effet croire à l'ouverture d'une fenêtre à long terme. Mais la situation salariale présente un portrait différent. Comment entourer les vedettes s'il ne reste plus de sous? Voilà qui crée une forme d'urgence de gagner dès cette année, selon Nazem Kadri.

«Les membres de la direction savent comment gérer le plafond salarial, assure l'attaquant. Il y a de toute évidence des décisions à venir, mais c'est dans le futur. Nous, notre travail, c'est d'en profiter en ce moment. Quand tu participes aux séries, tu ne sais pas quand viendra ta prochaine occasion, car chaque saison est différente.»

Récemment, les Blackhawks de Chicago se sont retrouvés dans une situation similaire, concentrant des sommes importantes sur une poignée de joueurs. Depuis que les contrats de 10,5 millions (chacun) de Jonathan Toews et Patrick Kane sont entrés en vigueur, il y a trois ans, les Hawks n'ont pas gagné une seule série éliminatoire. La difficulté de former de la relève leur fait mal.

Les Penguins de Pittsburgh, eux, investissent beaucoup dans Sidney Crosby, Evgeni Malkin, Phil Kessel et Kristopher Letang. Mais en développant les Jake Guentzel, Conor Sheary et Bryan Rust, l'équipe a eu la profondeur nécessaire pour gagner la Coupe Stanley deux années de suite.

Ces dernières années, les Leafs ont peiné à développer des joueurs au-delà de ceux repêchés tôt au premier tour. À ce sujet, la saison qui commence ce soir sera cruciale. Si Travis Dermott, Andreas Johnsson, Par Lindholm et compagnie deviennent des éléments efficaces, la fenêtre sera encore plus ouverte.

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