Imaginez que vous portiez plainte contre un entraîneur qui a un comportement discutable, à caractère sexuel, envers votre enfant. En retour, celui-ci vous poursuit en diffamation.

À cause de situations bien réelles comme celle-ci, Hockey Québec craint que des bénévoles hésitent à élever la voix s'ils sont témoins de situations préoccupantes. La fin de semaine dernière, l'organisation a offert une conférence sur le sujet à tous ses dirigeants régionaux.

Même si ce n'est pas fréquent, MStéphan Samson affirme qu'il arrive qu'un plaignant se fasse en retour poursuivre pour atteinte à la réputation ou pour diffamation. Lors de sa conférence, l'avocat a donné l'exemple de parents qui ont porté plainte contre un entraîneur de volleyball qui envoyait des courriels suggestifs à leur adolescente. Renvoyé de l'école secondaire où il travaillait, l'entraîneur a poursuivi la famille, affirmant qu'on lui avait causé des dommages puisqu'il ne pourrait plus trouver d'emploi dans son domaine.

«Le juge a déclaré que les parents ont fait leur job. Ils ont protégé leur fille. Malgré tout, ils ont dû prendre un avocat, se défendre contre des allégations d'atteinte à la réputation et vivre le stress [des tribunaux]», raconte MSamson.

Au cours des dernières années, Hockey Québec a senti que certains bénévoles avaient des craintes au sujet de poursuites en diffamation. Pour cette raison, l'organisation a mandaté l'avocat pour éclaircir certains aspects de la loi avec ses membres, pour la plupart des bénévoles, en marge de son assemblée générale.

«Nos bénévoles ne sont pas toujours sûrs comment agir quand ils sont pris dans un dossier impliquant une atteinte à la réputation ou de la diffamation. La ligne peut être très mince. Et comme on travaille avec des bénévoles, ils ne sont pas formés en droit ni en travail social. C'est notre rôle de les éduquer», explique Yvan Dallaire, directeur de la régie à Hockey Québec.

Que faire? 

Me Samson affirme que les gens ont souvent peur de dénoncer un collègue s'ils n'ont pas de preuve matérielle, s'ils se basent sur des «qu'en-dira-t-on». Mais en vue de sa conférence, l'avocat a épluché des dizaines de dossiers: dans la majorité des cas, «les tribunaux ont accordé le bénéfice du doute à la personne qui avait dénoncé une situation possiblement problématique plutôt que de la réprimander. On ne vous reprochera pas d'avoir dénoncé une situation, surtout que la mission première, c'est évidemment la protection des joueurs.»

M. Dallaire ajoute pour sa part qu'il faut s'en tenir à la formulation de la plainte. Une fois qu'elle est faite, il faut éviter d'étaler la vie publique de la personne visée par les accusations sur les réseaux sociaux ou ailleurs. De cette manière, les risques de diffamation sont moindres et en plus, on protège l'identité de la présumée victime, qui est dans la plupart des cas mineure, dit-il.

«Il ne faut pas avoir peur de porter plainte. Ce n'est pas de la diffamation si un entraîneur est retiré de ses fonctions [à cause de votre plainte]. En fait, il ne faut pas perdre de vue que notre rôle, notre responsabilité première, c'est de protéger les jeunes», martèle M. Dallaire.