Pour à peu près tout le monde dans le vestiaire du Rocket de Laval, cette saison de misère aura valu une bonne dose d'expérience et plusieurs bonnes leçons. C'est mieux que rien, mais ce n'est rien de très concret.

Un seul joueur aura su profiter de cette campagne atroce pour assurer son avenir: le gardien Charlie Lindgren. Il a signé en février dernier un contrat de trois ans à un volet. C'était le résultat de son brio plus tôt dans la saison en remplacement de Carey Price et d'Al Montoya, tous deux blessés.

Son jeu blanc de 38 arrêts au United Center de Chicago, à son premier match de la saison en novembre, a frappé les esprits. Lindgren dira rétrospectivement qu'il s'agit du plus beau moment de sa saison. Deux jours plus tard à Montréal, il battait les Golden Knights de Vegas et une étoile était née.

Puis, les événements se sont bousculés. Lindgren a perdu de sa superbe en mars, lors d'un deuxième rappel, accordant à un certain moment 20 buts en 4 matchs. Ça n'allait guère mieux dans la Ligue américaine, où sa fiche cette saison s'est établie à 8-19-9, avec une moyenne de 3,39 et une efficacité de ,886.

Lindgren a terminé sa saison sur une séquence catastrophique de 1-9-3. Pas exactement l'argument de vente idéal pour justifier une promotion dans la LNH.

«Ç'a été la saison la plus difficile de ma carrière mentalement, a dit Lindgren hier, lors du bilan de fin de saison du Rocket. J'ai gagné huit matchs avec le Rocket. C'est inacceptable. Si on m'avait dit avant la saison que je n'allais gagner que huit matchs, j'aurais dit que c'était n'importe quoi. Mais je peux dire en toute honnêteté, ici devant vous, que j'ai tout donné sur la glace.»

Une véritable lutte

Au même moment chez le Canadien, Antti Niemi relançait sa carrière, avec à la clé une sélection pour le trophée Bill-Masterton. Arrêt après arrêt, il a fait grimper son efficacité de ,822, à son arrivée chez le Canadien, à ,911. C'est exceptionnel, surtout compte tenu des circonstances.

Si bien qu'on se retrouve devant une vraie lutte pour seconder Price l'an prochain. Niemi, héros inattendu qui espère obtenir un nouveau contrat, contre Lindgren, à qui le rôle semblait destiné avant sa déconvenue. D'ailleurs, Lindgren a-t-il ressenti une certaine jalousie en voyant Niemi briller de la sorte?

«D'abord, je dirai qu'Antti est un très bon gardien, mais surtout, il est une bonne personne. Je l'ai toujours appuyé et je veux qu'il lui arrive de belles choses. Il m'a pris sous son aile et j'ai beaucoup appris de lui.»

N'empêche, Lindgren doit maintenant se faire à l'idée qu'il existe un scénario où il est de retour avec le Rocket l'an prochain. Plus riche, peut-être, mais encore coincé dans la Ligue américaine. Le scénario s'écrit tout seul: Marc Bergevin offre un contrat à Niemi pour services rendus la saison dernière, Niemi connaît un camp du tonnerre, puis Lindgren retourne à Laval.

«Je veux être à Montréal, je crois que je suis prêt. Je vais travailler très fort cet été pour connaître un bon camp. Je sais que je dois continuer à travailler, même si j'ai signé ce contrat. Je dois mériter tout ce qu'on me donne. Je vais travailler très fort cet été et je veux faire partie du Canadien l'an prochain.»

Lindgren jure qu'il restera positif même s'il devait revenir à Laval l'an prochain, mais on peut douter qu'il le ferait avec sérénité. Ce serait un immense pas en arrière dans le parcours d'un gardien qui voguait de succès en succès il n'y a pas si longtemps.

Logiquement, Lindgren ne veut rien laisser au hasard. Il commencera sa préparation estivale en défendant les couleurs des États-Unis au Championnat du monde, qui se tiendra en mai au Danemark. Ensuite, cap sur le Minnesota pour un peu de pêche en famille, mais surtout, beaucoup de hockey. Au programme, entre autres: améliorer sa lecture du jeu à travers la circulation dense.

L'entraîneur-chef Sylvain Lefebvre demande de voir au-delà des chiffres pour juger des performances de son gardien cette saison. Ça peut passer pour l'instant. Mais à l'avenir, il n'y aura qu'un seul chiffre qui comptera aux yeux de Marc Bergevin: le nombre de victoires. Lindgren n'aura plus droit à l'erreur.