Quand Alex Barré-Boulet, qui brûle la LHJMQ dans l'uniforme de l'Armada de Blainville-Boisbriand, a signé un contrat avec le Lightning de Tampa Bay, plusieurs avaient critiqué le Canadien. Comment l'organisation avait-elle pu laisser un talent local, joueur autonome après ses années juniors, lui glisser entre les doigts?

Le Canadien s'est bien repris hier en offrant un essai amateur à Anthony Beauregard, meilleur joueur du réseau universitaire canadien. Beauregard, 22 ans, a inscrit 19 buts et 41 aides en 28 matchs cette saison avec Concordia.

Mine de rien, c'est 14 points de plus que celui qui a terminé deuxième au classement des marqueurs au pays. Maintenant que la saison universitaire est terminée, Beauregard s'est rapporté au Rocket de Laval.

Son agent lui a indiqué qu'il avait quelques offres sur la table, mais il n'y a pas pensé deux fois quand il a vu celle du Canadien. Il savait que cette équipe l'épiait depuis quelques semaines déjà.

«Le Canadien avait la meilleure offre, a dit le joueur qui vit à Saint-Damase, près de Saint-Hyacinthe. Surtout que c'est proche de chez moi et c'est une organisation que je regarde depuis que je suis tout jeune. C'est très motivant. Mes premiers pas vont se faire devant famille et amis. J'ai toujours rêvé de faire partie de l'organisation du Canadien.»

Avant de s'emballer trop vite, voici le rapport d'un dépisteur qui le suit depuis plusieurs années: «Bonne habileté offensive, bonne vision, intelligent, créatif avec la rondelle. Pas un gros gabarit, mais ça ne l'a jamais ralenti.»

Beauregard mesure 5 pi 11 po et pèse 163 lb. Pas exactement un mastodonte, en effet. Il compare son jeu à celui d'un autre joueur de petite taille, Brendan Gallagher. «Je peux être assez fatigant moi aussi», résume-t-il.

Pour la suite, ajoute le recruteur consulté, tout dépend de sa capacité d'adaptation. «On ne sait jamais comment les petits joueurs vont faire la transition. Il devrait être capable, mais ça va lui demander du temps. Il doit aussi passer de deux matchs par semaine au niveau universitaire à trois matchs en trois soirs avec de longs voyages dans la Ligue américaine.»

«Durant l'été, je vais devoir prendre du poids, confirme Beauregard. Je dois prendre soin de mon corps, tout faire pour être bien, m'écouter. Je dois me reposer, aller au gym, toutes ces petites choses que les professionnels font, mais que tu négliges parfois au niveau universitaire.»



Le long chemin

Beauregard a passé trois saisons complètes avec les Foreurs de Val d'Or, où il a notamment connu des campagnes de 87 et 93 points. Jamais repêché, il a ensuite tenté sa chance pour quelques matchs avec l'Indy Fuel dans l'ECHL. Il est toutefois revenu au Québec pour profiter des bourses d'études obtenues durant ses années juniors.

Il s'est inscrit au certificat en arts et sciences à Concordia. Il lui reste quelques cours à terminer en ligne, et il se promet de le faire malgré sa nouvelle vie.

«J'ai fait le choix de revenir aux études, mais je rêvais toujours de jouer chez les professionnels. Je voulais le papier, mais je ne voulais pas rater ma chance de jouer au hockey. Si je n'ai vraiment pas le choix, je vais prendre une pause de l'école, mais dans le meilleur des mondes, j'aimerais finir mes cours.»

À sa première discussion avec l'entraîneur du Rocket Sylvain Lefebvre, on lui a dit de se tenir prêt. Les joueurs sont plus costauds et ils arrivent plus vite dans la Ligue américaine. Il comprend le défi qui l'attend. Son seul objectif est qu'on lui fasse assez confiance pour l'insérer dans la formation match après match.

«Quand j'ai commencé dans l'ECHL, je me sentais à ma place même si j'étais plus jeune. Jouer au hockey a toujours été mon rêve. J'ai persévéré, et encore aujourd'hui, je veux pousser dans la bonne direction. Je n'ai pas signé de contrat de recrue, mais il y a beaucoup de joueurs qui passent par les petits chemins, et c'est ça mon but. Travailler fort pour monter et espérer jouer dans la LNH un jour.»

Bien sûr, il est encore trop tôt pour crier au génie. La marche est haute entre le circuit universitaire et la Ligue américaine. Mais les joueurs comme Beauregard ne perceront jamais si personne ne leur donne une chance. Cette fois, le Canadien l'a fait, et c'est tout à son honneur.

Photo fournie par les Foreurs de Val d’Or

Anthony Beauregard a passé trois saisons complètes avec les Foreurs de Val-d'Or.