Les portes du vestiaire des Rangers s'ouvrent. Le silence est lourd.

À l'intérieur, les vétérans Rick Nash et Mats Zuccarello attendent les caméras. Un autre groupe de journalistes se rue sur le défenseur Brady Skjei, devenu de facto l'arrière numéro 1 de l'équipe en l'absence du capitaine Ryan McDonagh, de Kevin Shattenkirk et de Marc Staal.

Au fond du vestiaire, Henrik Lundqvist n'a pas enlevé une seule pièce d'équipement, à l'exception de son masque et de ses gants. Il fixe le vide.

Décidément, la défaite de 7-4 subie dimanche aux mains des Flyers de Philadelphie fait mal. En 24 heures, les hommes d'Alain Vigneault viennent d'accorder 13 buts, puisque la veille, les Sénateurs les avaient rossés 6-3.

La question à Lundqvist est simple: comment décrirais-tu ton état d'esprit?

«C'est terrible. Absolument terrible, répond le Suédois. Tu vis pour ça, et quand tu n'obtiens pas les résultats, quand tu ne gagnes pas, tu dois travailler vraiment fort pour atteindre cette sensation et jouer à ton mieux. Ce n'est pas une bonne sensation en ce moment.»

Accueil favorable

Les Rangers ont réussi un bon coup de relations publiques en annonçant, il y a deux semaines, qu'ils visaient une reconstruction d'ici la fin de la saison, même s'ils n'étaient alors qu'à trois points d'une place en séries.

Ils ont ainsi coupé court aux journalistes et partisans qui y allaient d'hypothèse en hypothèse, qui aboutissaient forcément en questions aux joueurs dans le vestiaire. Ce qu'Alain Vigneault décrit parfois, dans ses points de presse, comme du «white noise», des bonnes vieilles distractions.

L'été dernier, l'échange du gardien Antti Raanta et de l'attaquant Derek Stepan aux Coyotes, contre un choix de repêchage et un espoir, avait déjà donné une première indication de la direction que prenaient les Rangers. Mais tant que l'équipe demeurait dans la course aux séries, il subsistait un doute.

L'initiative a somme toute été bien accueillie par les partisans de l'équipe, si on se fie aux réponses adressées aux Rangers sur Twitter à la suite de la publication de la lettre. En fait, les principaux commentaires négatifs viennent de partisans qui réclament la tête de l'entraîneur-chef, Alain Vigneault.

«Plusieurs partisans sur les réseaux sociaux réclamaient que l'on se tourne vers l'avenir, explique John Rosasco, vice-président sénior, relations publiques, des Rangers. La plupart des gens ont été très réceptifs à notre annonce. Bien honnêtement, on n'avait aucune idée des réactions, car c'était la première fois qu'on faisait une telle annonce.»

«Les partisans étaient prêts pour ça, estime un collègue new-yorkais souhaitant conserver l'anonymat. C'est évident que certains souhaitaient qu'ils tentent de se qualifier pour les séries, mais ils jouaient si mal depuis deux mois, il n'y avait aucune chance qu'ils se battent pour la Coupe Stanley.»

En fait, l'idée était si bonne qu'elle a été reprise par les Canucks, qui ont eux aussi publié une lettre à leurs partisans et détenteurs d'abonnements pour expliquer la suite des choses.

L'envers de la médaille

Sur la patinoire, l'initiative avait d'abord semblé galvaniser les Rangers. Ils ont remporté les deux matchs suivant l'annonce: à la maison contre les Flames et à Winnipeg, là où les chances de victoire des visiteurs se comparent à celles du Brooklyn Brawler à l'époque de la lutte du samedi midi au canal 12 (le pauvre Brooklyn Brawler ne gagnait pas souvent).

Mais depuis, les Rangers ont perdu quatre matchs de suite, une séquence à laquelle ils tenteront de mettre fin ce soir, au Centre Bell. Baisse d'adrénaline après la réaction initiale?

«Je ne sais pas, j'espère que non, a répondu Zuccarello. J'aimerais honnêtement avoir des réponses pour vous, mais je n'en ai pas. On accorde des buts faciles, on joue mal défensivement. J'aimerais pouvoir identifier la cause, mais je ne peux pas.»

Ça donne donc des joueurs à la mine basse, qui se voyaient au seuil des séries quand le président Glen Sather et le DG Jeff Gorton ont fait leur annonce, même si Vigneault avait informé ses protégés avant l'annonce officielle. Des joueurs qui ne sont pas payés pour penser à l'an prochain ou à dans deux ans, mais bien au prochain match et aux séries qui s'en viennent.

Avec un athlète comme Lundqvist, incapable de cacher ses émotions, toujours présent pour parler aux journalistes même dans les tempêtes, ça donne des moments d'émotion comme ce qui s'est passé dimanche. Lundqvist aura 36 ans la semaine prochaine, et attend toujours sa première Coupe Stanley après avoir perdu en finale en 2014. Il doit maintenant se résoudre à la gagner au mieux dans un an.

Des atouts intéressants

Reste à voir ce que les Rangers soutireront d'ici à lundi. Ils ont échangé un premier joueur autonome en devenir, le défenseur Nick Holden, aux Bruins contre un choix de troisième tour et un espoir de 24 ans, Rob O'Gara.

Nash, Michael Grabner et David Desharnais sont les trois autres principaux joueurs en fin de contrat que les Rangers peuvent échanger. C'est sans oublier McDonagh, qui est dans une situation contractuelle similaire à celle de Max Pacioretty.

Sather et Gorton ont des atouts intéressants dans les mains et des partisans acquis à leur cause. Ne leur reste qu'à tirer profit au maximum de la situation afin de donner un peu d'espoir à leurs joueurs, qui sont les principales victimes jusqu'ici.