Chaque fois qu'il marque un but, Charles Hudon regarde au plafond de l'aréna et ajoute un signe de croix. En l'honneur de son ami Nicholas Antonelli, fauché en 2011 par un conducteur en état d'ébriété.

C'était le 27 août 2011, en pleine nuit. Un groupe d'amis revenait d'une fête. Parmi eux, Nicholas et Pietro Antonelli, deux frères. Ils avaient préféré rentrer à pied ce soir-là, sachant qu'il se consommerait de l'alcool. La fête avait lieu à environ 2 km de la maison familiale.

Un des amis du groupe avait quant à lui décidé de rentrer en voiture, mais il n'était pas en état de le faire. Zigzaguant dans les rues de Blainville, le conducteur a fauché Nicholas et l'a tué. La victime n'avait que 17 ans.

Charles Hudon, lui, n'assistait pas à la fête, puisqu'il avait participé ce soir-là à un match préparatoire des Saguenéens de Chicoutimi à Québec. Mais il n'oubliera jamais le destin tragique de son ami. C'est pourquoi chaque fois qu'il marque un but, il regarde au plafond de l'aréna et ajoute un signe de croix. Il l'a fait 76 fois dans la Ligue américaine, et lundi, et il l'a fait deux fois, les deux premières fois dans un match de saison de la LNH.

Comme la famille Antonelli, Hudon tente de tirer du positif de cette tragédie. Le deuil a fait place à la prévention.

«Pour lui, ça a toujours été significatif. Nous, on est juste reconnaissants, a expliqué à La Presse Pietro Antonelli, joint au téléphone. Un jeune n'a pas besoin de faire ça. C'est un jeune extrêmement doué et en ce moment, il est sur la plus grande scène et tout le monde parle de lui, donc ça aide à partager le message.»

«Charles, il faut lui donner le crédit. On est à l'âge où on se sent invincible, et Charles est toujours là pour nous rappeler que ce n'est pas vrai. Il a toujours pris la cause [la lutte contre l'alcool au volant] à coeur. Il redonne. Ça nous a touchés. Charles a pris ça à coeur.»

De son côté, la famille Antonelli passe le message en s'impliquant activement au sein de la section montréalaise de l'organisme canadien MADD (Mothers Against Drunk Driving), et en organisant de son cru des conférences dans des établissements scolaires du Québec. La douleur demeure toutefois vive. Il suffit d'entendre la voix tremblotante de Pietro - et celle de Hudon quand il parle de son vieil ami - pour le comprendre.

«On va à la conférence annuelle de MADD, dit Pietro, aujourd'hui étudiant à la maîtrise en fiscalité à HEC Montréal. Chaque année, on fait une commémoration. On allume une chandelle pour toutes les victimes et membres des familles. On accueille les nouveaux membres, malheureusement. Des événements aussi tragiques, c'est difficile d'en faire un deuil, d'en parler.

«Notre message, c'est que c'est correct de vouloir faire la fête, on est jeunes. On veut juste que vous ayez un plan de match pour le retour à la maison. On est en banlieue de Montréal, on sait que ce n'est pas aussi évident. Mais personne n'est à 20 $ près dans ces cas-là.»

Un ami de la famille

Les Hudon et les Antonelli se connaissent depuis une quinzaine d'années, par le monde du hockey des Basses-Laurentides.

Hudon a joué avec Pietro et Nicholas au sein de la même équipe une seule saison, au niveau atome BB. L'attaquant du Canadien, né en 1994, a toutefois joué plus souvent avec Nicholas, lui aussi né en 1994. Pietro a deux ans de plus.

«On jouait beaucoup dans la rue ensemble, on habitait à cinq minutes de vélo de chez eux, se remémore Pietro. Chez lui, ça mangeait du sport. P-O [Pier-Olivier], le frère de Charles, était inscrit dans un programme sport-études de golf.»

Le déménagement des Hudon vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean a évidemment fait en sorte que les occasions de se voir étaient moins fréquentes. Mais lors des funérailles de Nicholas, la famille Hudon s'est rendue sur place.

Et Charles Hudon, lui, a pu garder contact avec Pietro l'été, puisque les deux s'entraînaient au gymnase du réputé préparateur physique Stéphane Dubé, à Boisbriand. Ils ont même été coéquipiers dans une ligue de hockey d'été. En 2016, leur équipe avait même remporté le championnat de la saison.

«Les gars de l'équipe, on est sortis pour célébrer notre victoire. Charles a pris une bière et c'est tout. Il voulait être le chauffeur désigné. Ça lui tenait à coeur.»