Les négociations ont commencé il y a deux semaines tout au plus, mais cela faisait longtemps que le Canadien avait Jonathan Drouin dans sa ligne de mire.

Lorsque le nouvel attaquant du Tricolore a fait la grève avec le Lightning de Tampa Bay, l'an dernier, puis qu'il est allé se refaire une tête dans la Ligue américaine, Marc Bergevin s'était manifesté. En dépit du parcours cahoteux de Drouin à Tampa, son talent n'a jamais fait de doute et il est toujours demeuré le type de joueur dont le CH manquait cruellement. Créatif, doté d'une excellente vision et capable de créer de l'espace en zone offensive lorsqu'il manie la rondelle, il a tout ce qu'il faut pour rendre l'attaque tricolore plus menaçante et plus imprévisible.

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Bergevin s'était essayé il y a un an, mais son homologue Steve Yzerman avait choisi de garder Drouin en dépit des vents contraires.

«Il y avait eu des discussions, mais le synchronisme n'était pas bon», a invoqué Bergevin en conférence de presse alors que l'encre séchait encore sur la prolongation de contrat de Drouin - de six ans et 33 millions - qu'il venait de signer devant les caméras.

Il est vrai que le synchronisme est meilleur cette fois-ci. Le Lightning essaie de fignoler sa liste de protection en vue du repêchage d'expansion et il avait un surplus d'attaquants sous la main, une masse salariale à diminuer et un manque de jeunes défenseurs pour renouveler la ligne bleue. Autant de critères qui rendaient bizarre la rumeur de la veille liant Alex Galchenyuk au Lightning.

Mais il y a aussi le fait qu'Yzerman avait choisi l'an dernier de garder Drouin au moment où sa valeur était au plus bas. Échanger l'attaquant de Sainte-Agathe à l'époque ne lui aurait pas assuré le meilleur retour.

Mais après que Drouin fut rentré dans le rang et qu'il eut récolté 21 buts et 53 points en 73 matchs, le Lightning a pu s'offrir Mikhail Sergachev en échange de ses services.

«Ce n'était pas facile de donner Sergachev, mais acquérir Jonathan, on ne pouvait pas passer à côté», a convenu Bergevin. Depuis le temps qu'il disait que les joueurs d'impact n'étaient pas disponibles!

«Quand tu as l'occasion de mettre la main sur un joueur du talent de Jonathan, tu dois le faire. Surtout qu'il est très jeune. En cinq ans, une occasion pareille ne s'était jamais présentée. En plus, c'est un petit gars d'ici.»

Drouin était un peu préparé à l'idée de quitter le Lightning, mais la destination l'a agréablement surpris.

«J'en entendais parler dans les médias depuis quelque temps, mais je ne croyais pas partir pour Montréal, une ville rivale de Tampa», a-t-il dit.

Une ligne bleue à regarnir

On ne pourra pas dire de Bergevin qu'il craint les gestes audacieux. La transaction qui amène Drouin à Montréal n'a peut-être pas le retentissement de celle qui a fait passer P.K. Subban aux Predators de Nashville l'été dernier, mais elle démontre une fois de plus que le directeur général du Canadien est prêt à tout pour améliorer son équipe. Y compris échanger son meilleur espoir.

On ne peut pas dire qu'il a sacrifié l'avenir en mettant la main sur un joueur qui n'a que 22 ans. La seule interrogation, c'est que le CH se retrouve dans la position où était le Lightning hier, à savoir qu'il devra maintenant trouver des effectifs pour rajeunir sa brigade défensive. Citer les noms de Brett Lernout et de Noah Juulsen n'est pas un argument massue.

Cela dit, Bergevin assure que son évaluation de Sergachev - et la projection de le voir ou non à la ligne bleue du CH cet automne - ne l'avait pas aidé à s'en départir.

«Je l'ai vu jouer à la Coupe Memorial à Windsor avec Claude [Julien] et il a connu un très bon tournoi, a-t-il dit. On était très à l'aise à l'idée de l'avoir à Montréal la saison prochaine.»

Le tour de Galchenyuk?

Finira-t-il par y avoir un lien entre l'arrivée de Drouin et le départ de plus en plus pressenti d'Alex Galchenyuk? Il y a trop de fumée pour qu'il n'y ait pas de feu.

Il apparaît évident que le CH ne voit pas Galchenyuk comme un centre à l'heure actuelle. Or, même si le Lightning n'a pas souvent utilisé Drouin à cette position, c'est au centre que le Québécois évoluait à sa dernière saison chez les Mooseheads de Halifax. Bergevin n'a pas voulu confirmer ses plans futurs, mais la simple possibilité qu'il puisse jouer là a influencé son acquisition.

Du reste, les parallèles entre Drouin et Galchenyuk sont nombreux. Tous deux résolument tournés vers l'attaque, tous deux choisis au troisième rang de leur repêchage respectif, ils n'ont pas toujours progressé de façon harmonieuse et leur véritable position dans la LNH n'est pas encore déterminée.

Et voilà Bergevin, à l'instar de Steve Yzerman l'an dernier, confronté au dilemme de se départir ou non d'un jeune attaquant talentueux au moment où sa valeur est loin d'être optimale. S'il est décidé à s'en départir, réussira-t-il à vendre le potentiel d'un joueur d'impact à une autre formation après que Galchenyuk a amorcé les séries à l'aile sur le quatrième trio? Une campagne de 30 buts derrière la cravate et ses 23 points en 25 matchs en début de saison attiseront-il suffisamment l'intérêt ?

Le DG a un beau travail de vente à faire pour obtenir un juste retour, que ce soit du renfort au centre ou un bon défenseur capable de jouer dès l'an prochain.

Un DG nous a mentionné que s'il s'intéressait à Galchenyuk, il préférerait mettre la main sur lui avant qu'il ne signe son prochain contrat, et non après. Qu'il puisse lui-même en gérer les termes. Si ce sentiment est partagé par plusieurs équipes, on peut s'attendre à du mouvement bientôt.

«Surtout avec le blitz des deux prochaines semaines, je vais essayer d'améliorer mon équipe, a prévenu Bergevin. Il n'y a rien d'impossible. Comme je le dis toujours: prévoyez l'imprévisible.»