De manière générale, au hockey, ce n'est jamais très bon quand vous êtes échangé deux fois au cours de la même journée. De manière générale aussi, ce n'est jamais très bon que d'avoir à attendre au neuvième tour d'un repêchage avant d'être choisi.

Mais c'est ainsi que s'est déroulée la carrière de Mark Streit, un joueur qui a souvent eu à attendre son tour. Ce qui ne le dérange pas trop, remarquez. « Je suis encore ici », a-t-il lancé avec un grand sourire hier matin à Ottawa.

C'était avant le match. En soirée, lors du troisième choc de cette finale de l'Est entre les Sénateurs et les Penguins de Pittsburgh, Streit a enfin pu enfiler son chandail de match, pour la première fois depuis le début des présentes séries.

Avec tout ça, le vétéran défenseur n'avait pas joué une seule fois depuis le dernier match des Penguins de la saison, le 9 avril.

« Quand je jouais avec le Canadien à Montréal, c'était un peu la même chose, a-t-il expliqué. Des fois, je ne jouais pas pendant 15 matchs. Des fois aussi, on te demande de tenir un rôle auquel tu n'es pas habitué. Mais comme j'ai dit, je suis encore ici, dans la Ligue nationale... »

Des petites gifles, Streit en a reçu amplement au cours de sa carrière de défenseur. Il a tout entendu aussi. Trop petit. Pas assez vite. Pas assez bon. À ses débuts dans la LNH avec le Canadien, lors de la saison 2005-2006, on lui avait même demandé d'aller jouer à l'avant...

« À cette époque, je crois, c'était surtout important de rester optimiste et de travailler le plus fort possible. Si tu as l'occasion de jouer, essaie de jouer très bien. »

Quand on lui demande s'il ne s'est pas un peu découragé récemment, à force de rester en retrait et d'attendre longtemps, il sourit encore un peu.

« C'est toujours comme ça. Les montagnes russes... Mais comme on dit, il faut prendre ça un jour à la fois. Les séries éliminatoires, c'est très, très long. Il y a beaucoup de choses qui peuvent arriver. Tu dois être toujours prêt. Si tu es négatif, ça n'aide personne, ni toi ni l'équipe. »

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Au repêchage de 2004, Mark Streit a fait son entrée sur la planète LNH. Le Canadien l'avait sélectionné avec son choix de neuvième tour, le 262e joueur à être appelé ce jour-là. Des 261 joueurs qui ont été sélectionnés avant lui, il y en a plusieurs qui ne jouent plus... et qui n'ont même jamais joué dans la LNH !

« Je me rappelle à l'époque, je n'aurais jamais pensé rester dans la ligue, ajoute-t-il. J'en suis quand même à presque 800 matchs dans la Ligue nationale, c'est exceptionnel. » 

« Je suis très fier de ma carrière jusqu'à maintenant, et j'espère faire quelque chose de très spécial avec Pittsburgh. »

« À Montréal, le gars qui m'appuyait toujours, c'était Pierre Gauthier. Il m'a repêché, et pendant le camp et ma première saison, il me parlait pour me dire de rester optimiste, que ça prend du temps pour s'habituer à la Ligue nationale quand on arrive d'Europe. On avait aussi un capitaine, Saku Koivu, qui a été d'une grande aide pour moi. Il s'est mis à me parler tout de suite, il m'a aidé et m'a appuyé dès le départ. Je ne vais jamais l'oublier, Saku est une personne exceptionnelle. »

Streit a fini par se promener un peu. Après le Canadien, il a enfilé le maillot des Islanders de New York, puis celui des Flyers de Philadelphie. Le 1er mars, il a été échangé deux fois dans la même journée, des Flyers au Lightning de Tampa Bay, puis du Lightning aux Penguins.

Alors oui, à 39 ans, il est encore là. Avant le match, hier matin, il se remettait un peu en forme en distribuant des passes aux Crosby, Malkin et Kessel lors de l'entraînement.

« Ça me rappelle l'avantage numérique du Canadien, quand je jouais avec Kovalev, Koivu et avec Markov aussi. C'est un peu la même chose. Un gars de la Suisse qui joue avec tous ces joueurs... »

Il a eu du mal à terminer sa phrase. Mais c'est un peu ça, Mark Streit : un gars qui a toujours surpris tout le monde. Dont lui-même.