Avant de le voir arriver dans le vestiaire des Sénateurs cette saison, Bobby Ryan avait déjà entendu parler de Derick Brassard. Les deux hommes s'étaient bien sûr croisés au fil du temps, mais Ryan savait avant tout que Brassard était un type un peu spécial.

«Parce qu'il sait tout de tous les joueurs dans cette ligue, a raconté Ryan hier matin, dans le vestiaire du Centre Canadian Tire. Il observe tout le monde.»

Ryan montre du doigt le casier de Brassard, qui est à quelques pieds du sien, juste à gauche. «C'est là que Derick est assis, et pendant toute la saison, il m'a complètement jeté par terre avec ses observations. Il sait tout des joueurs de cette ligue. Tout. Il connaît le type de bâton utilisé par tel ou tel joueur, le type de courbe, les habitudes des gars, leurs tendances, les patins qu'ils portent... Il peut te dire quel joueur n'aime pas pivoter à gauche, quel joueur n'aime pas pivoter à droite.»

Bobby Ryan joue dans cette ligue depuis une dizaine d'années, et il n'est pas convaincu d'avoir déjà croisé un type comme Brassard, qui bouffe du hockey 24 heures par jour, sept jours sur sept. Il admet que parfois, un coéquipier comme ça, c'est très utile.

«Surtout à cette période de l'année, ajoute l'attaquant de 30 ans. Avant notre série contre les Bruins de Boston au premier tour, Derick est venu me voir pour me dire qu'il avait remarqué quelque chose, et il m'a suggéré d'aller me placer sur la ligne des buts en avantage numérique. Je lui ai dit que personne ne représente une menace sur la ligne des buts, et il m'a dit: "tout le monde est une menace sauf toi!"

«Alors j'ai pensé à ça, et j'ai compris qu'il avait vu juste, parce que c'est une stratégie qui permet d'attirer [Zdeno] Chara hors de sa zone de confort, et ça attire Kevan Miller aussi. Ç'a vraiment marché lors du deuxième match de la série, quand Derick m'a fait une passe, et j'ai pu refiler la rondelle à MacArthur, qui était posté devant le gardien. Il a marqué et, ensuite, je n'ai même pas pensé à célébrer le but. Je suis allé patiner jusqu'à Derick pour lui dire qu'il avait raison!»

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Au moment où les Sénateurs se préparent à amorcer leur série de deuxième tour contre les Rangers de New York, ce soir à Ottawa, Brassard est le meilleur marqueur de l'équipe en séries, avec huit points. Ce qui ne devrait surprendre personne, parce que l'attaquant de Gatineau, le sixième choix au total lors du repêchage de 2006, n'a jamais été du genre à paresser. Ni sur la glace ni chez lui.

D'ailleurs, hier, Brassard, que les Sénateurs ont obtenu des Rangers en juin dernier en retour d'un autre attaquant, Mika Zibanejad, n'envisageait pas de s'offrir une petite soirée la tête loin du hockey; il comptait plutôt passer sa soirée devant la télé, à regarder les matchs des séries de l'Association de l'Ouest. Parce que ça pourrait toujours lui servir plus tard.

«J'aime regarder les parties et m'attarder aux petits détails. J'aime ce que je fais, je suis comme ça depuis que je suis tout petit. J'ai toujours joué au hockey en plus de regarder les matchs à la télé. Quand t'es jeune, tu peux apprendre des meilleurs joueurs à ta position seulement en les observant.»

Après avoir passé un peu plus de cinq ans chez les Blue Jackets de Columbus, Derick Brassard est passé aux Rangers lors de la saison 2012-2013. C'est là que son chemin a croisé celui de Martin St-Louis.

«C'est pas parce que t'es dans la ligue depuis 10 ans que tu ne peux plus t'améliorer. J'ai vu comment Martin se comportait. Il devait être en fin de trentaine, et il restait après les entraînements pour travailler sur son jeu dans les moindres détails. C'était un leader par l'exemple. J'ai compris pourquoi il avait déjà terminé en tête des compteurs en le voyant aller.»

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C'est une occasion que Derick Brassard veut saisir. Lui, le gars de la place, qui a grandi non loin d'ici, et qui avait l'habitude de venir assister aux parties des Sénateurs.

Il n'est d'ailleurs pas le seul dans ce vestiaire.

«Je viens d'ici, et c'est sûr que ça rend tout ça un peu plus spécial, mais c'est la même affaire pour Pageau, Méthot, Ceci, Borowiecki. Ce sont tous des gars qui viennent de la région. On est cinq ou six gars de la région avec l'équipe, je ne sais pas si c'est un hasard ou si c'est la direction qui a voulu ça. On a grandi en venant voir les matchs ici. On l'a vécu en première ronde contre Boston, l'ambiance est incroyable. Ces émotions-là, ça nous pousse.»

Les Rangers ont déjà fait comprendre qu'ils allaient l'avoir à l'oeil. Ils sont bons pour ça, les Rangers. Ils sont bons pour sortir du jeu les gros canons de l'autre équipe, comme le Canadien l'a douloureusement constaté au premier tour.

Mais ça, Derick Brassard ne s'en inquiète pas. On devine qu'il a pris quelques notes déjà, relevé quelques faiblesses chez les visiteurs de New York, qui sont pour la plupart d'anciens coéquipiers, après tout.

«Dans les séries, j'ai prouvé par le passé que je vais répondre si on essaie de me talonner. Ça ne me dérange pas. C'est contre mon ancienne équipe, en plus, alors c'est sûr que j'y pense. Peut-être que je vais avoir un peu plus d'énergie...»

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Pyatt de retour?

L'attaquant Tom Pyatt, blessé lors du quatrième match de la série contre Boston - il avait été frappé à la tête par le défenseur Kevan Miller -, pourrait effectuer un retour au jeu ce soir au Centre Canadian Tire, lors du premier match de la série entre les Sénateurs et les Rangers de New York. Pyatt s'est d'ailleurs entraîné avec ses coéquipiers des Sénateurs, hier matin à Ottawa. Les nouvelles sont toutefois moins bonnes dans le cas du défenseur Mark Borowiecki, qui est toujours blessé à une jambe et qui ne sera pas au poste ce soir.

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Les Rangers, largement favoris selon... Guy Boucher

C'est bien connu, Guy Boucher ne se lasse pas des petites guerres psychologiques, et hier matin, au Centre Canadian Tire, l'entraîneur des Sénateurs a joué la carte du nous-contre-le-reste-du-monde. «Si je me fie à ce que j'entends d'un peu tout le monde, on ne dirait pas que nos chances sont très bonnes, a dit le coach à propos de cette série face aux Rangers. Ils sont favoris à 10 contre 1 à Vegas, et on dirait que tout le monde pense qu'ils vont nous passer dessus. Alors j'imagine qu'ils ont une très bonne équipe...»

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Les Sénateurs ne voulaient pas revoir le CH

L'attaquant Derick Brassard l'a dit du bout des lèvres, mais il l'a dit quand même: quand les Rangers ont fini par éliminer le Canadien, samedi soir à New York, certains membres des Sénateurs ont poussé un genre de petit soupir de soulagement. «Quand on regardait le match [des Rangers] contre le Canadien, nous... c'est sûr qu'il y a une certaine rivalité avec Montréal, a expliqué le joueur québécois. Y a beaucoup de gens qui prennent pour le Canadien par ici, aux alentours. C'est pas qu'on prenait pour les Rangers, mais on était contents, peut-être, qu'ils sortent le Canadien. Montréal a été le club champion de notre division et c'est une bonne équipe, avec un gardien exceptionnel.»